Secrets d'Histoire

Victoria et Albert de Saxe-Cobourg-Gotha L'amour souverain

L’amour souverain

- Par Sophie Denis

Enfant solitaire, adolescent­e triste, Victoria, fille du duc de Kent, était destinée à être reine. Elle monte sur le trône à 18 ans. Son cousin Albert, qui a reçu la meilleure éducation possible pour devenir son mari, l’épouse quand elle a 21 ans. À partir d’un mariage arrangé par l’étiquette et les lois de la diplomatie, les deux jeunes gens vont vivre une histoire d’amour passionnée, prélude à une nombreuse descendanc­e, qui fera de Victoria « la grand-mère de l’Europe ».

Le coeur battant, Victoria enfile une robe de chambre à la hâte. Elle a été tirée de son sommeil car un événement important est survenu. Les larmes lui montent aux yeux, elle pressent ce que deux hommes viennent lui annoncer. Le roi Guillaume IV, son oncle, est mort à 2 heures du matin, ce 20 juin 1837. Le destin de la jeune Victoria vient de basculer. À 18 ans tout juste – elle a fêté son anniversai­re en mai – , elle monte sur le trône d’Angleterre. Cela ne surprend personne car Guillaume IV et ses frères n’ayant pas d’héritier, c’est bien à la fille du duc de Kent, décédé en 1820, qu’échoit la Couronne.

Échapper à sa mère et à son amant

Pour Victoria, cette accession arrive trop tôt dans sa jeune vie. Pour sa mère, en revanche, c'est trop tard. Quelques semaines auparavant, avant les 18 ans de sa fille, elle aurait été régente, et son amant, John Conroy, un mentor. Le couple a pourtant tout fait pour se rapprocher du trône d’Angleterre. En vain… Retour quelques années en arrière. Lorsque le duc de Kent, son père succombe à une pneumonie, Victoria n’est qu’un bébé. George IV, qui est couronné une semaine après, détestait son frère qui avait une descendanc­e alors que lui-même en est privé, et sa belle-soeur qui est d’origine allemande – elle est née Victoire de Saxe-Cobourg-Saalfeld. Il assigne alors la veuve et sa fille à résidence au château

Le roi Guillaume IV, son oncle, est mort à 2 heures du matin, ce 20 juin 1837. Le destin de la jeune Victoria vient de basculer.

de Kensington. Avant de mourir, le duc de Kent avait confié ses chères Victoire et Victoria à son écuyer, un certain… John Conroy. Sans le savoir, il va assurer le malheur de Victoria. En effet, l’Irlandais, ambitieux et cupide, devient rapidement l’amant de la duchesse et la met sous sa coupe pour servir ses desseins. Il prend en charge la destinée de l’enfant et lui impose une éducation stricte et solitaire, la coupant du reste du monde pour mieux la dominer.

Pour la première fois de sa vie, elle dort seule

Victoria, toutefois, n'a pas la faiblesse de caractère de sa mère. Ce qu’on a appelé le « système Kensington » n’a pas fonctionné et la révolte a très vite grondé en elle. Intelligen­te et intuitive, elle tôt fait de démasquer l’imposteur. Aussi, maintenant que la voilà reine, elle est prête à conquérir sa liberté de femme. Pour cela, il lui faut couper le cordon. Ce 20 juin 1837, pour la première fois, Victoria obtient de dormir seule dans sa chambre, et non plus dans celle de sa mère. Une petite victoire qui en augure de plus grandes. Victoria éloigne Conroy de la Cour et de sa vue. Cependant, il a toujours autant d’influence sur la duchesse. Celle-ci ne cesse de s’opposer à sa fille. Laquelle est peut-être reine, mais encore mineure. Influencée par le Premier Ministre Lord Melbourne, son ami, Victoria comprend que seul le mariage lui permettra d'échapper à l'emprise maternelle. Elle n’est pourtant pas pressée, elle qui aime tant danser, rire et s’amuser.

Elle fait sa demande en mariage

Il y a bien Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, son cousin germain, que Victoria a rencontré trois ans auparavant et qu’elle a trouvé si beau. En plus, il est le candidat de son oncle maternel Léopold 1er, roi des Belges. En octobre 1839, elle se décide à le revoir. Les sentiments qu'elle avait refoulés trois ans plus tôt reviennent en force : les deux cousins ne se quittent plus. Victoria s’extasie devant la beauté d’Albert ; Albert n’oublie pas qu’il est venu pour se faire épouser par Victoria. Un seul regret, ils ne peuvent danser ensemble car ils ne pas encore du même rang. « Mon coeur est délicieuse­ment épris », confie-t-elle à son journal, comme toutes les jeunes filles de son âge. Cinq jours après son arrivée à Windsor, c’est elle qui demande en mariage son prince charmant. Privilège de reine ! Le mariage est célébré le 10 février 1840. Victoria a choisi une robe blanche, relançant la mode de cette couleur nuptiale. « Mon très, très cher Albert… Ce fut le plus beau jour de ma vie », écrit-elle, après sa nuit de noces, décidément très très amoureuse.

 ??  ?? Un portrait de la princesse Victoria (1870). L'original, peint des décennies plus tôt, a disparu mais c'est sans doute à cette oeuvre flatteuse, où la future reine est montrée dans la fraîcheur de son adolescenc­e, que l'auteur, George Hayter (1792-1871), doit d'avoir été nommé peintre officiel de la cour d'Angleterre.
Un portrait de la princesse Victoria (1870). L'original, peint des décennies plus tôt, a disparu mais c'est sans doute à cette oeuvre flatteuse, où la future reine est montrée dans la fraîcheur de son adolescenc­e, que l'auteur, George Hayter (1792-1871), doit d'avoir été nommé peintre officiel de la cour d'Angleterre.
 ??  ?? 10 février 1840 – Le Mariage de la reine Victoria et d'Albert de SaxeCoburg-Gotha (1842), de George Hayter.
10 février 1840 – Le Mariage de la reine Victoria et d'Albert de SaxeCoburg-Gotha (1842), de George Hayter.
 ??  ?? Lors de l'exposition, au château de Kensington, célébrant les 200 ans de la naissance de Victoria (24 mai 1819).
Lors de l'exposition, au château de Kensington, célébrant les 200 ans de la naissance de Victoria (24 mai 1819).
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Le prince Albert (xixe siècle), de John Lucas. Albert de SaxeCobour­g-Gotha patientera dix-sept années après son mariage pour être titré prince consort du Royaume-Uni. Une reconnaiss­ance symbolique, sans pouvoir supplément­aire. Robert Peel (1788-1850), d'après George Baxter.

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