Secrets d'Histoire

Stéphane Bern : « Henri IV était un brave parmi les braves »

- Propos recueillis par Coline Bouvart

Il a le côté des rois d’autrefois qui s’invitaient chez les gens, comme l’un des leurs, et ne vivaient pas retirés dans leur Cour.

Roi parmi les plus populaires, passé à la postérité pour ses conquêtes féminines, sa truculence et sa générosité, sa personnali­té était pourtant bien plus complexe que sa légende ne le laisse entendre. Grand roi, fondateur d’une nouvelle dynastie, il va réussir à unir un royaume conquis de haute lutte.

Pourquoi Henri IV est-il si populaire ?

C’est un roi qui a peiné à imposer son autorité après trente ans de guerres de Religion et avoir abjuré sa foi à plusieurs reprises. C’est un brave parmi les braves, et le dernier roi qui a dû mouiller la chemise pour gagner son royaume et sa légitimité. Il a conquis ville après ville, terrain après terrain. Et c’est un habile politique qui a su rallier et s’attacher des coeurs fidèles et unifier le royaume. Il incarne ce qu’est un roi qui unit dans la diversité. Il est, avec l’édit de Nantes, le roi de la tolérance religieuse. C’est un pacificate­ur et un unificateu­r, une figure tutélaire dont ses successeur­s se revendique­ront en se présentant comme le « nouvel Henri IV », tout comme ils pouvaient convoquer le souvenir de Saint Louis pour asseoir leur légitimité. Enfin, il a jeté les bases de l’État moderne, créé une administra­tion de serviteurs d’État. On parle beaucoup de François Ier et Louis XIV qui ont transformé le visage de la France, mais Henri IV a lui aussi été un grand bâtisseur. Ce n’est pas tout de faire la guerre, il faut aussi savoir faire la paix !

Que sait-on de son caractère ?

Il avait un contact direct avec les Français, fait de bravoure, de sincérité et certaineme­nt de trivialité: c’était un personnage truculent, haut en couleur, plutôt sympathiqu­e. Il tutoyait tout le monde, par exemple. Ce contact avec les gens me fait d’ailleurs penser à Juan Carlos d’Espagne : « Je suis un des premiers par la Providence, mais je suis des vôtres. » Il ne crée pas de fausse distance. Il a le côté des rois d’autrefois qui s’invitaient chez les gens, comme l’un des leurs, et ne vivaient pas retirés dans leur Cour. Henri IV s’est imposé par le respect mais ne cherchait pas à en imposer davantage. C’était un homme de terrain, un roi nomade comme ses prédécesse­urs, ce qui lui permettait d’entretenir une proximité avec les Français et donc de gagner leur coeur et leur loyauté. Son petit-fils, Louis XIV, en s’installant à Versailles, s’est enfermé: c’était une énorme erreur, et le début de la fin.

Quelle image en garde-t-on ?

Bien sûr, il y a toute la légende tissée du panache blanc, de la poule au pot, du baptême à l’ail et au jurançon, et cette légende, au-delà de sa véracité, dit beaucoup de lui. C’était en tout cas un homme qui aimait les gens, et les femmes en particulie­r, un peu trop à mon goût d’ailleurs! Il était courageux et osait rencontrer ses ennemis. Il a gagné sa légitimité historique: c’est le comte de Paris qui m’avait ainsi expliqué que pour lui, il y avait trois sources de légitimité: historique, par les services rendus à la France et celle du sacre (ou du suffrage universel). Henri IV a réuni les trois: il avait celle de sa naissance, de premier prince de sang, mais il est devenu roi grâce à ses propres mérites. Et il avait reçu l’acclamatio­n du sacre. Son intelligen­ce politique l’a amené à s’entourer de personnali­tés remarquabl­es, comme Sully.

… Un personnage qui a un certain écho pour vous d’ailleurs ?

Oui, car Sully était comte du Perche, où j’habite.

Henri IV a été également couronné à Chartres, une cathédrale pour laquelle j’éprouve une passion particuliè­re. Enfin, je dois beaucoup à Henri IV et Henriette de Balzac d’Entragues, puisque c’est leur fils légitimé, Henri de BourbonVer­neuil, qui a fondé le collège royal et militaire de Thiron-Gardais que j’ai acheté et restaure.

La légende du roi joli coeur n’est donc pas un mythe !

Non, en effet. Il y a eu ses mariages avec Margot, puis avec Marie de Médicis, « la grosse banquière », un personnage qui, à mon sens, devrait être mieux considéré, car elle a eu du mérite. Et puis ses maîtresses, bien entendu, des femmes que leurs clans poussaient dans le lit du roi car y entrer, c’était l’assurance de recevoir titres et avantages pour toute sa famille. À notre époque, ça ne passerait pas du tout ! Il aimait beaucoup les toutes jeunes filles. Comme lorsque ce vieux barbon de 55 ans s’amourache de Charlotte de Montmorenc­y, 15 ans à peine, et qu’il est prêt à déclencher une guerre européenne pour ses beaux yeux !

À sa mort, le royaume est plus vaste…

Oui, il a apporté à la couronne de France tous ses domaines et notamment la Navarre, et après lui, tous ses successeur­s seront rois de France et de Navarre. À son arrivée, le royaume de France était morcelé, divisé par les guerres de Religion. Il a dû guerroyer sans détruire les villes ou les églises ni massacrer leurs habitants. C’est son propre royaume qu’il doit conquérir, pas des terres étrangères, et ses propres sujets dont il doit se faire reconnaîtr­e.

Et que pensez-vous du débat autour du crâne qu’on lui a attribué ?

J’ai rencontré l’avocat qui en est dépositair­e, et comme Henri de Bourbon, il est convaincu de son authentici­té, et les tests ADN paraissent le confirmer. Je me fie aux généticien­s qui semblent adhérer à cette thèse à 99 %. Et dans ce cas, il faudrait lui donner une sépulture et l’enterrer dignement à la nécropole royale de Saint-Denis. Au-delà, je trouve rassurant que les débats soient aussi passionnés, que le public s’en empare, et qu’Henri IV suscite autant d’intérêt, mort ou vif!

 ??  ?? Stéphane Bern devant le collège royal et militaire de Thiron-Gardais (Perche), en juin 2016. Le journalist­e s’est lancé dans un long chantier de rénovation, a financé les travaux, en a fait une résidence secondaire ainsi qu’un musée ouvert au public.
Stéphane Bern devant le collège royal et militaire de Thiron-Gardais (Perche), en juin 2016. Le journalist­e s’est lancé dans un long chantier de rénovation, a financé les travaux, en a fait une résidence secondaire ainsi qu’un musée ouvert au public.
 ??  ?? La Cour du roi de France, Henri IV, et Marie de Médicis (15731642), reine de France (1819), de Virginie Ancelot. En décembre 1599, Henri IV obtient l’annulation de son mariage avec la reine Marguerite, et épouse, à la cathédrale Saint-Jean de Lyon, le 17 décembre 1600, Marie de Médicis.
La Cour du roi de France, Henri IV, et Marie de Médicis (15731642), reine de France (1819), de Virginie Ancelot. En décembre 1599, Henri IV obtient l’annulation de son mariage avec la reine Marguerite, et épouse, à la cathédrale Saint-Jean de Lyon, le 17 décembre 1600, Marie de Médicis.

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