Une enfance entre deux Cours
Éduqué entre les deux cours de France et de Navarre, entre catholicisme et religion réformée, le jeune prince de Navarre et son éducation sont au coeur du jeu d’influence entre sa mère, la fougueuse Jeanne d’Albret, et la régente du royaume, Catherine de Médicis. Héritier de vastes terres, et notamment de la Navarre, le jeune « Vendômet », sans préjuger du destin qui allait bientôt l’amener sur le trône avec l’extinction des Valois, s’impose rapidement comme le chef du parti protestant.
Lorsqu’il voit le jour, dans la nuit du 12 au 13 décembre 1553, le jeune Henri promet de devenir l’un des plus puissants féodaux de son temps : il est prince de sang, petit-neveu de César Borgia, maître d’un cinquième du territoire français et de la couronne de Navarre. Son grand-père, Henri II, était un des plus fidèles lieutenants et amis de François Ier qui lui avait même accordé la main de sa soeur chérie, la brillante Marguerite. Ce mariage peu heureux devait donner naissance à Jeanne d’Albret qui allait épouser en secondes noces Antoine de Bourbon, descendant de la branche BourbonVendôme, prince de sang, et futur père d’Henri IV.
Des fiançailles presque au berceau
Le mariage de ses parents est un mariage d’amour. Mais les conflits du temps, le début des guerres de Religion, et les infidélités d’Antoine vont mettre à mal leur union. Le jeune Henri, titré prince de Viane, est d’abord élevé à la campagne, auprès d’une nourrice, tandis que sa mère suit son père dans ses campagnes militaires. Il gardera de ces premières années l’amour du grand air et une santé robuste qui le distinguera des petits Valois. À 3 ans, il est présenté au roi Henri II, et le projet du mariage avec Marguerite de Valois est déjà évoqué. Son père, Antoine de Bourbon, est fait gouverneur et amiral de Guyenne, et il envoie alors Henri à la cour de France pour y être élevé en compagnie des enfants d’Henri II. « Petit Mignon » ou « Vendômet », comme le surnomment ses cousins, est plutôt apprécié : « Catherine de Médicis ne lui ménage pas son affection, souligne son biographe Jean-Marie Constant. Charles IX va faire de lui son compagnon préféré, au contraire d’Henri III qui le jalouse étant enfant. »
Un élève au centre de l’attention
Mais la révolte d’Antoine de Bourbon, puis de Jeanne d’Albret, qui embrassent tour à tour la religion réformée afin de mieux s’opposer au pouvoir royal, font d’Henri, son éducation et sa foi, les
La reprise en main de Jeanne Jeanne d’Albret, qui s’est convertie au protestantisme alors que son mari regagnait le giron de l’Église romaine, se sent la vocation d’une missionnaire, et veut évangéliser tout le royaume.
otages des deux camps. Sous Charles IX, Antoine, devenu lieutenant général du royaume, abjure et accepte que son fils soit élevé à la cour de France dans la religion catholique: « Sa mère lui avait donné pour précepteur un protestant, La Gaucherie, explique Jean-Marie Constant. Mais son père le remplace par un catholique, Jean de Losses, sieur de Bannes. Jeanne d’Albret fait promettre à l’enfant de rester dans la foi calviniste, menaçant de le déshériter s’il assiste à la messe. L’enfant s’obstine avec courage contre les pressions de son père. Celui-ci lui fait assister aux sermons du cardinal de Lorraine, avec les enfants de Catherine de Médicis, à NotreDame de Paris et à Saint-Germain-l’Auxerrois, mais rien n’y fait pour le convertir au catholicisme. On le menace du fouet. Il feint d’être malade. Dans la chapelle de Vincennes, quand il reçoit l’ordre de SaintMichel, il doit jurer de garder la foi catholique et de mourir pour elle et il le fait. »
Catherine de Médicis, tout en faisant assaut d’amabilités, s’en méfie. Mais le 16 octobre 1562, Antoine de Bourbon est blessé au siège de Rouen et meurt le mois suivant de ses blessures. « Son fils Henri pendant ce temps est au château de Vincennes, avec les enfants royaux, raconte Jean-Marie Constant. Après la mort de son père, Catherine de Médicis veut que le prince de Navarre soit élevé à la cour de France, mais elle laisse la direction de son éducation à sa mère, Jeanne d’Albret. L’enfant revient à la religion réformée. Ses maîtres catholiques sont renvoyés. La Gaucherie reprend ses fonctions de précepteur aidé d’un répétiteur, Pierre Victor Palma Cayet. » Catherine de Médicis nomme Henri lieutenant général et gouverneur de Guyenne et Gascogne le 1er janvier 1563. « C’est un cadeau empoisonné, car elle l’oblige à signer une protestation contre l’entrée en France de mercenaires allemands appelés par son oncle Condé. Jeanne d’Albret s’ indigne de la manipulation. » Henri participe à partir de 1564 au grand tour de France que Catherine de Médicis mène pour présenter Charles IX au royaume. L’enfant est tout heureux de quitter la Cour et de retrouver un peu de liberté et d’aventure.
Chef du parti protestant
Jeanne d’Albret n’abandonne pas ses velléités et ne cesse de braver l’autorité royale en soutenant les protestants, voire en ne décourageant pas les persécutions contre les catholiques. Les échanges restent pourtant intenses avec sa « commère » Catherine (leurs enfants sont fiancés), car Jeanne a l’intuition, selon l’historien Jean-Paul Desprat, de la grande destinée promise à son fils Henri, comme Louise de Savoie pour François Ier. Elle s’enfuit avec lui à Pau en 1567, puis gagne La Rochelle. À la mort de Louis de Condé lors de la bataille de Jarnac, Jeanne fait reconnaître son fils général des troupes protestantes. Leur marche triomphale aboutit finalement à la paix de SaintGermain-en-Laye, en 1570, qui améliore la condition des protestants mais renouvelle surtout la promesse de mariage entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois. Henri n’est alors plus qu’à quelques marches du trône de France…