Marguerite de Valois, complice et rivale
Si leur union devait sceller la réconciliation du royaume entre catholiques et protestants, le massacre de la Saint-Barthélemy, quelques jours à peine après la noce, ruine tous ces espoirs dans un bain de sang. Le couple d’Henri et Marguerite, à l’image des troubles de leur temps, sera rythmé de ruptures et de réconciliations, à l’ombre d’une même ambition.
En 1572, Henri et sa future épouse Marguerite ont tous les deux 19 ans. Ils ont été compagnons de jeu dans leur enfance et ont gardé de ces jeunes années, si ce n’est une affection mutuelle, au moins de la bienveillance et de l’estime, même si la foi protestante de son lointain cousin rebute Marguerite, fervente catholique. Devenue une très jolie femme, elle est brune, dotée d’un visage à l’ovale parfait, d’un teint pâle et frais, et de beaux yeux mutins. Cultivée, intelligente, elle a été formée à la politique par sa mère, Catherine de Médicis, et saisit l’enjeu d’un mariage entre elle, fille de France, et le chef de file du parti protestant, héritier potentiel du trône de France. Le royaume est alors au coeur de l’échiquier européen: les camps catholique et protestant s’affrontent sporadiquement, soutenus en coulisses par les puissances du Sud (Espagne notamment) pour les uns, et par les puissances du Nord pour les autres (Angleterre, principautés allemandes…). Le roi Charles IX souhaite comme sa mère une réconciliation nationale, poussé par le clan Montmorency: « En donnant ma soeur Marguerite au prince de Béarn, je la donne à tous les huguenots du royaume. » Le 18 août 1572, le mariage a lieu selon un protocole âprement négocié car aucun des deux époux n’a renoncé à sa foi. Arrivés en cortège chacun de leur côté, Henri et
Marguerite sont richement vêtus. Les jeunes gens échangent leurs consentements sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame, avant que Marguerite n’y pénètre pour écouter la messe tandis qu’Henri et sa suite attendent la fin de l’office à proximité. La nuit de noces se passe bien et Paris célèbre dans la liesse ce mariage qui doit apporter la paix: bals, lices, banquets et spectacles durent quelques jours. Mais le 22 août, un attentat contre l’amiral de Coligny, conseiller protestant de Charles IX, ravive les tensions. Les huguenots réclament justice et deviennent encombrants. Le roi et son conseil décident de les éliminer dans la nuit du 23 au 24 août 1572. C’est la Saint-Barthélemy. Henri, qui ne doit son salut qu’à son mariage, se convertit au catholicisme. Marguerite, consciente d’être la seule protection d’Henri, refuse d’annuler leur union. Son destin est lié à celui de son époux: elle s’en fait l’avocat lorsqu’il se trouve mêlé à un complot.
Une alliée, une rivale
Ambitieux tous les deux, le couple de Navarre alterne des périodes d’entente voire de profonde complicité au début de leur union, ou à Nérac quelques années plus tard, et de désunion. D’amour il n’en est rapidement plus question, l’un et l’autre entretenant des liaisons. Si Marguerite soutient un temps son mari, veille sur ses intérêts et favorise son rapprochement avec son frère le duc d’Alençon, elle joue bientôt sa propre partition. Quant à Henri, indélicat et oublieux de tout lorsqu’il est pris de passion pour une jolie femme, il ne s’embarrasse guère d’attentions pour son épouse, humiliée à maintes reprises. La naissance d’enfants illégitimes achève de les séparer. Marguerite s’engage alors, pour gagner un peu d’autonomie et de pouvoir, auprès de la Ligue, ennemie mortelle de son époux. Arrêtée sur ordre de son frère Henri III en 1586, elle est assignée à résidence à la forteresse d’Usson.
La paix entre les anciens époux
Devenu roi de France à la mort d’Henri III, Henri IV se réconcilie avec Margot : il se doit de donner un héritier à la couronne et donc de faire annuler le mariage resté stérile avec Marguerite. Après de longues négociations, elle accepte leur séparation en 1599. Leur relation, devenue amicale, lui permet de quitter son exil et de regagner Paris. Très attachée au dauphin, elle lui lègue tous ses biens et par son soutien, appuie la légitimité de la nouvelle dynastie des Bourbons. Selon le biographe d’Henri IV, JeanPaul Desprat, c’est même Marguerite qui aura le plus de chagrin à la mort du roi en 1610.