LES AMOURS D’HENRI IV
S’il était petit et fluet - entre 1,62 m et 1,65 m pour 60 à 70 kg, selon son biographe Jean-Paul Desprat - et « ne payait pas de mine » (une dame de la Cour aurait ainsi raillé : « J’ai vu le roi mais je n’ai pas vu sa majesté »), Henri IV a, sa vie durant, collectionné les maîtresses. Son secret? « Son culot », son charme aussi, le prestige et la virilité du chef militaire, et bien sûr l’attrait du pouvoir et les faveurs que recherchaient les familles des jeunes filles qu’on lui jetait dans les bras. Henri IV a compté des maîtresses par dizaines, choisies parmi les plus belles femmes de son temps, mais certaines ont particulièrement régné sur son coeur.
Par Coline Bouvart
GABRIELLE D’ESTRÉE
C’est l’une des grandes amours d’Henri IV et un véritable coup de foudre. En 1590, pour distraire le roi, son compagnon Roger de Bellegarde lui présente Gabrielle. Elle a vingt ans de moins que lui et ne cache pas son peu d’intérêt pour Henri qu’elle ne trouve guère séduisant. Mais sa famille, ambitieuse et intéressée, la pousse dans le lit du roi. Devenue sa favorite officielle mais très impopulaire, elle est surnommée la « duchesse d’ordure » après que le roi l’a faite duchesse de Beaufort. Henri qui aime sa maîtresse chaque jour davantage, légitime leurs enfants : César, né en 1594, puis Catherine en 1596 et Alexandre en 1598. Le roi promet même de l’épouser en lui remettant l’anneau de son sacre, au plus grand effroi de ses conseillers et du pape qui oeuvrent à un remariage avec Marie de Médicis. Mais le 10 avril 1599, la mort soudaine et mystérieuse de Gabrielle, quelques jours après la perte de l’enfant qu’elle portait, vient fort opportunément mettre un terme à cette situation embarrassante. Empoisonnement ? Éclampsie ? Les historiens sont encore partagés.
LA BELLE FOSSEUSE
En 1579, Henri III de Navarre tombe éperdument amoureux de Françoise de Montmorency-Fosseux (1566-1641), une des dames de compagnie de sa femme Marguerite. Henri lui fait une cour effrénée et la Belle Fosseuse finit par céder à ses avances. Lors du séjour de la Cour à Nérac, Henri et Fosseuse poursuivent une relation qui ne tarde pas à porter ses fruits : Fosseuse tombe enceinte en 1580. Les relations entre les souverains de Navarre se tendent car Fosseuse, que sa grossesse enhardit, multiplie les provocations à l’égard de Margot. Quant à Henri, il humilie cette dernière en la priant de veiller sur sa maîtresse et d’organiser un accouchement discret. Fosseuse donne finalement naissance à un bébé mort-né. Marguerite l’emmène ensuite à Paris lors d’une visite à sa mère, Catherine de Médicis, loin des yeux du roi, et la chasse de la Cour, en 1582. Cette liaison convainc le futur Henri IV que la stérilité de son mariage vient de Marguerite.
CHARLOTTE DE SAUVE
Selon l’historien Jean-Paul Desprat, Catherine de Médicis avait bien cerné que le « moyen infaillible de tenir (Henri) est de lui procurer des amourettes ». Elle jette donc dans ses bras nombre de ses suivantes (son fameux « escadron volant ») afin de l’espionner. Même après le mariage avec sa fille Marguerite, par ailleurs aussi volage que lui, Catherine lui envoie des maîtresses, dont Charlotte de Beaune, baronne de Sauve (1551-1617). La jeune femme a déjà accordé ses faveurs aux ducs de Guise et d’Alençon. Sa liaison avec Henri de Navarre, qui n’est pas dupe de son jeu mais se laisse charmer, dure environ cinq ans, de 1572 à 1577.
CORISANDE
Diane d’Andoins (1554-1621) est une amie d’enfance de la soeur d’Henri de Navarre, Catherine. Veuve du comte de Guiche, Diane a troqué son prénom pour celui de Corisande, héroïne de l’Amadis de Gaule. « Grande, mince et brune », précise JeanPaul Desprat, sans être aussi belle que d’autres maîtresses d’Henri IV, elle allie l’intelligence, l’esprit et le raisonnement qui lui permettront, pendant dix ans, d’être une précieuse conseillère pour Henri. Elle qui surnommait le roi de Navarre « Petiot » en raison de sa petite taille, le couve d’un amour presque maternel, et lui conservera, lorsque l’éloignement aura raison de leur passion, une tendre amitié.
HENRIETTE D’ENTRAGUES
Alors qu’il se voulait inconsolable après la mort de Gabrielle (« la racine de mon amour est morte », écrit-il, rapporte Jean-Paul Desprat), le roi tombe éperdument amoureux, quelques semaines plus tard, de la très ambitieuse Henriette d’Entragues (1579-1633). Extrêmement jolie, spirituelle et cultivée, la jeune fille n’a aucun sentiment pour ce vieux barbon. Mais sa famille va âprement négocier ses faveurs, en extorquant au roi passionnément amoureux et éperdu de désir, terres, sommes d’argent, et même une promesse écrite de mariage si la jeune fille donnait naissance à un garçon. Ce document va être, des années durant, un véritable moyen de chantage pour le clan d’Entragues. Leur relation, aussi passionnée qu’orageuse, sera fort compromise par les complots d’Henriette qui cherche même à faire reconnaître son fils comme héritier du roi, à la place du futur Louis XIII.
FLEURETTE DE NÉRAC
La jeune Fleurette, fille du jardinier du château de Nérac, aurait été le premier amour du jeune Henri. Selon certains récits, il l’aurait rencontrée lors du Grand Tour organisé par Catherine de Médicis en 1564-1566, destiné à montrer le roi Charles IX à ses sujets et à mieux lui faire connaître son royaume. D’autres sources placent leur rencontre plus tard. Une passion aurait embrasé les deux jeunes coeurs mais, Fleurette, très éprise, se serait noyée dans la Baïse quand Henri la délaissa. Une statue en marbre (photo) immortalise cet épisode. En fait, la jeune fille ne se serait pas tuée mais serait restée fidèle à son amant. On se plaît à raconter que l’inconstance précoce d’Henri a donné naissance, en souvenir de cet amour, à la jolie expression « conter fleurette ».
CHARLOTTE DE MONTMORENCY
En 1609, Henri IV tombe follement amoureux de cette jeune fille de 15 ans. Il arrange son mariage avec son neveu, le prince de Condé, qui, pense-t-il, jouera d’autant plus volontiers les maris complaisants qu’il préfère les hommes. Mais la noce passée, Condé se rebiffe et refuse de céder sa femme au roi. La jeune fille accorde pourtant ses faveurs au roi et entame une correspondance enfiévrée. Condé l’éloigne de la Cour et finit même par quitter le royaume, ce qui lui est interdit en tant que membre de la famille royale. Était-ce pour la récupérer qu’Henri IV s’apprêtait à partir à la guerre contre l’empereur avant de mourir assassiné ?
Les historiens sont encore divisés.