1917, de Sam Mendes
La vie… ce n’est pas toujours du cinéma. Les films ou séries historiques prennent parfois leurs aises, volontairement ou non, avec la réalité. Erreurs historiques, anachronismes, trucages font partie du jeu cinématographique. Saurez-vous démêler la fiction de la réalité dans le film 1917 de Sam Mendes ?
Le 6 avril 1917 au petit matin, sur le front de Flandre dans la région d’Ypres. Blake et Schofield, deux jeunes caporaux du British Expeditionary Force, sont chargés d’une mission capitale. Une attaque est programmée le lendemain à l’aurore pour s’emparer d’une position que l’état-major estime abandonnée par les Allemands. Or une reconnaissance aérienne vient de montrer qu’en réalité, de puissantes défenses y sont dissimulées. Les vagues d’assaut vont se faire massacrer ; il faut annuler l’opération : la vie de 1600 hommes est en jeu. Malheureusement, les communications avec ces troupes sont coupées. L’unique solution reste donc de leur porter un message en passant à travers les lignes ennemies. Pour les deux Tommies, une course contre la montre ponctuée d'embûches sanglantes s’engage à travers les champs de bataille dévastés, les fermes abandonnées, les villages en ruine… Le 7 avril 1917, l’armée anglaise lança une grande offensive dans la région d’Ypres. FAUX Sam Mendes affirme que son film est inspiré par le vécu de son grand-père lors de la bataille de Flandre et plus précisément ce qu’on appelle bataille de Passchendaele ou encore troisième bataille d'Ypres. Celle-ci se déroula entre le 31 juillet et le 6 novembre 1917 : le commandant en chef Haig voulait, par une offensive puissante et rapide, effectuer une percée pour atteindre la base des sous-marins allemands de Zeebruges, qui menaçaient sérieusement le ravitaillement des Alliés. Lors de cette offensive, l’armée allemande ne tendit pas de piège aux troupes britanniques. En revanche, ce scénario reprend un autre fait survenu pendant ce mois d’avril 1917, dans la région de Laon. Au lieudit le Chemin des Dames, des troupes françaises attaquèrent un secteur que l’on croyait anéanti par une préparation d’artillerie, alors qu’il était truffé de nids de mitrailleuses.
UN FILM PASSÉ AU DÉTECTEUR DE MENSONGES
L’état-major anglais n’était pas avare de la vie des soldats.
VRAI Le scénario met en scène un certain colonel Dickson, présenté comme un foudre de guerre prêt à faire massacrer ses hommes si cela peut servir sa propre gloire. Ce colonel personnifie le général Douglas Haig, commandant en chef des troupes britanniques. Une première offensive lancée le 31 juillet s’étant soldée par un léger succès mais au prix de pertes importantes, Haig lança une seconde attaque le 16 août, pour obtenir une nouvelle avancée, dérisoire par rapport aux pertes endurées. Suivront plusieurs assauts, entre le 20 septembre et le 6 novembre, avec un bilan définitif effroyable : 250 000 soldats britanniques, 4000 Canadiens et 8500 Français tués, disparus ou blessés, et 260 000 hommes du côté allemand. C’est ce que signifie ce commentaire du colonel anglais dans le film : « Cette guerre durera jusqu’au dernier survivant. »
« Faites attention aux cratères d’obus, on s’y noie ! »
VRAI Lorsque les caporaux Blake et Schofield sortent des tranchées anglaises pour accomplir leur mission de messagers, un lieutenant les avertit de se méfier des cratères d’obus remplis d’eau. En effet, si dans le film les deux hommes accomplissent leur mission sous un soleil printanier, pendant la véritable bataille de Passchendaele, les premiers ennemis que les troupes britanniques durent affronter furent le brouillard et la pluie. Outre le fait qu’elles ralentissaient les convois et la progression des hommes qui montaient à l’assaut, les précipitations remplissaient les cratères formés par les impacts d’obus, les transformant en pièges mortels. On estime ainsi que pendant les six semaines que dura la bataille, 40 à 60 000 hommes disparurent noyés dans ces trous remplis d’une boue si molle qu’on ne pouvait pas s’en dégager, mais pas assez liquide pour qu’il soit possible d’y nager.
Les paysages sont parfaitement rendus
VRAI ET FAUX La comparaison entre les photos d’archives et les scènes de 1917 témoigne du soin apporté aux décors du film. C’est particulièrement vrai avec les visions panoramiques des champs de bataille où le sol est chamboulé à perte de vue, retourné par les explosions d’obus qui mélangent terre, pierres, arbres et cadavres. Frappantes sont aussi les dernières scènes du film, où l’on voit les tranchées creusées dans un sol blanchâtre : ce terrain, sous l’effet de la pluie, se transformait en une glaise qui enduisait les semelles d’une matière lourde et glissante. La boue blanche du front nord de la France a laissé un souvenir inoubliable à ceux qui l’ont subie. Il en est de même avec le franchissement du canal de l’Yser sur un pont dynamité. Ces scènes n’ont pas été tournées en Belgique mais dans le sud-ouest de l’Angleterre, plus précisément dans la région du Wiltshire.
La scène du combat aérien a une résonance dans l’histoire de l’aviation française.
VRAI Dans le film, on voit un avion allemand abattu par deux Britanniques. Les spectateurs anglais et américains n’y verront qu’un épisode dans l’épopée de Blake et Schofield. Les connaisseurs de l’Histoire française se souviendront en revanche du célèbre aviateur français Georges Guynemer, commandant de l’escadrille des Cigognes, l’homme aux 53 victoires. Avec ses avions tous baptisés Vieux Charles et peints en jaune, sept fois il fut abattu. Mais chaque fois, il parvint à se poser, tout comme le pilote allemand du film. En revanche, le 11 septembre 1917, il ne revint pas d’une mission au-dessus de Poelkapelle, et son corps ne fut jamais retrouvé.