Faire des gorges chaudes
Voilà bien une locution dont il est ardu de deviner les origines… à moins, peut-être, de faire partie des initiés à l’art de la fauconnerie. Ce qui, vous en conviendrez, ne court plus nos villes ni nos champs du xxie siècle. « Gorge » désigne depuis le Moyen Âge, par métonymie, ce que l’on enfourne dans la gorge de l’oiseau de proie, « dans le sachet supérieur que l’on nomme poche ». L’académicien et lexicographe Antoine Furetière donne au xviie siècle dans son Dictionnaire universel la définition suivante : « On appelle gorge chaude la viande chaude qu’on donne aux oiseaux du gibier qu’ils ont pris. » Cette technique de dressage connue récompense l’animal pour la capture effectuée. Il existe aussi un sens figuré de l’expression attesté depuis des temps anciens. Selon l’écrivain et philologue de la langue populaire Claude Duneton (1935-2012), le mot « gorge » – ou parfois « gorgie » – était employé pour désigner l’invective, la raillerie, la goguenardise. Les deux sens finirent par fusionner en un sens unique où il n’est pas interdit de voir dans le fait de faire « ses gorges chaudes » une manière de se payer votre tête devant une assistance hilare.