La Réunion, petite France de l'océan Indien
À 9000 kilomètres de la métropole, en plein océan Indien, La Réunion est un petit département français qui se caractérise par un brassage culturel intense et une large variété de paysages. On a peine à imaginer que cette île ne dépasse pas 70 kilomètres sur 50 dans ses plus grandes dimensions, avec un point culminant à plus de 3 000 mètres.
La Réunion présente une particularité rare: son caractère multiculturel, absolu dans la mesure où lorsque des Français, les premiers, s’y installèrent, l’île était totalement déserte. En 1638 en ce jour de la saint Paul, le navire normand SaintAlexis mouille l’ancre devant une baie abritée sous le vent de l’île. Salomon Goubert, son capitaine, prend possession des lieux au nom du roi Louis XIII : il baptise l’île Mascarin, le mouillage prenant le nom du saint du jour. De retour en
France, Goubert rend compte de sa découverte, et en 1642, Richelieu confie l’île à la toute nouvelle Compagnie française d’Orient, déjà installée à Port-Dauphin (à l’extrémité sud-est de Madagascar). En 1646, Jacques de Pronis, son gouverneur, réprime une rébellion en exilant douze mutins sur Mascarin, encore déserte. Les premiers colons y découvrent une terre hospitalière, propice aux cultures. Aussi lorsqu’un nouveau gouverneur de Port-Dauphin, Étienne de Flacourt, envoie une mission à Mascarin, cette dernière retrouve tous les exilés en pleine
santé, au milieu de leurs plantations et d’un élevage de chèvres. Flacourt décide donc de développer la colonisation de l’île qu’il rebaptise Bourbon, en hommage à la famille royale. De nouveaux repris de justice, puis des volontaires, s’installent à leur tour.
Car la Compagnie des Indes orientales est décidée à faire de Bourbon une colonie importante, et pas seulement parce que l’absence d’habitants indigènes, l’abondance de terres fertiles et la douceur du climat en font un territoire accueillant. En effet, la situation géographique de l’île en fait une escale idéalement placée pour les navires qui entament leur traversée de l’océan Indien à destination de l’Inde, des îles aux épices d’Indonésie, et de la Chine. En devenant un carrefour maritime, l’île va accueillir tous les métissages et favoriser la cohabitation des cultures les plus diverses, originaires de l’Afrique, de l’Inde, de l’Asie même…
L’ère des esclaves et de l’essor économique
L’esprit pionnier des premiers occupants de Bourbon exige rapidement l’arrivée d’esclaves, dont les femmes qui font vite défaut à une communauté essentiellement masculine. Surtout à partir de 1710, lorsqu’on commence à cultiver les plants de café importés du Yémen. Et encore plus lorsque se développeront d’autres cultures, la canne à sucre notamment. Et très vite, les esclaves sont bien plus nombreux que leurs maîtres : en 1713, Bourbon compte 1000 habitants dont 500 esclaves, et en 1789: 61300 habitants dont 50000 esclaves, pour la majorité originaires du Mozambique. Or nombre de ces esclaves prennent la fuite et s’installent en communautés au centre de l’île, dans les sites les plus inaccessibles des cirques de Salazie, de Mafate et de Cilaos. Le « marronnage », comme on appelle ce phénomène, est à l’origine de la constitution d’une société nouvelle sur l’île, d’un peuplement parallèle à celui de la minorité française. Mais ce qui va décider de l’essor économique de Bourbon, c’est la prise de fonction, en 1735, du gouverneur Bertrand Mahé de La Bourdonnais. Celui-ci développe la culture du manioc, du coton, de la canne à sucre, il fonde des sucreries et des distilleries, et il assure la défense des îles contre les inévitables visées anglaises. Avec lui aussi, l’Isle de France voisine (actuelle Maurice), devient le centre administratif de la Compagnie parce qu’elle possède les ports naturellement abrités qui font défaut à Bourbon. En revanche, son rôle de « grenier des Mascareignes » lui assurera une prospérité qui traversera les siècles.
Nombre de ces esclaves prennent la fuite et s’installent en communautés au centre de l’île, dans les sites les plus inaccessibles des cirques de Salazie, de Mafate et de Cilaos.