LES MASQUES MORTUAIRES
Napoléon a été fétichisé par ses admirateurs. Après sa mort, son visage fait l’objet de plusieurs prises d’empreinte. Le masque mortuaire le plus célèbre est celui dit d’Antommarchi, toujours copié de nos jours. Les versions différentes prouvent le mystère entourant les derniers instants.
Sur certaines, l’empereur apparaît maigre, les traits creusés, tandis que sur d’autres, c’est l’homme arrondi de l’exil avec un certain embonpoint. Plusieurs portraits ont aussi été pris sur son lit de mort par quelques témoins avant que des peintres ne le représentent gisant, seul ou entouré des siens.
tion obturée par l’adhérence de la paroi gastrique ». Napoléon avait, quant à lui, écrit dans son testament : « Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise et son sicaire… » Selon ses dernières volontés, le coeur est conservé dans une urne et son estomac dans une poivrière.
Enterré sur l’île de l’exil
Le lendemain, 7 mai, on l’habille de son traditionnel uniforme de colonel des chasseurs de la Garde et on l’expose au regard des curieux, notamment des habitants de l’île. Le 8, les procès-verbaux sont établis, puis on procède à la mise en bière. Enfin, le 9, l’inhumation a lieu au val du Géranium, là où il aimait se promener. Comme le gouverneur anglais a refusé que le corps rentre en France, il est enterré là, avec une simple plaque sans inscription marquant l’emplacement final, à l’ombre d’un saule. Le char funèbre est précédé de quatre chevaux et entouré des troupes des 20e, 53e et 66e régiments britanniques. L’abbé Vignali bénit ensuite le quadruple cercueil et des salves sont tirées. Il faut attendre le 27 mai pour que les Français quittent l’île et deux mois encore pour, qu’à son tour, Hudson Lowe ne reparte vers l’Europe. Mais, déjà, la nouvelle a enflammé les consciences. À Paris, le Journal des Débats a publié le 7 juillet 1821 : « Bonaparte n’est plus ; il est mort le samedi 5 mai, à six heures du soir, d’une maladie de langueur qui le retenait au lit depuis plus de quarante jours. » La légende commence.
JEAN TULARD : « NAPOLÉON, C’EST PROMÉTHÉE CLOUÉ SUR SON ROCHER »
Jean Tulard est un historien français, spécialiste français de Napoléon Ier et de l’époque napoléonienne.
Après sa seconde abdication, Napoléon a-t-il d’autre choix que se rendre aux Anglais ?
Avant même Waterloo, Napoléon est mis hors la loi par le congrès de Vienne. Les Prussiens annoncent qu’ils fusilleront l’empereur s’ils le capturent. Il n’y a donc que deux solutions : se rendre au tsar ou aux Anglais. En choisissant cette seconde solution après avoir refusé de se rendre aux États-Unis, Napoléon espère être jugé par l’habeas corpus. Mais la loi peut-elle s’appliquer, sachant qu’il est au ban de l’Europe? Les Britanniques le déportent alors, avec des officiers d’ordonnance, ses domestiques, ses livres et son argenterie. Cela n’est pas si inhumain qu’on le prétend : ils auraient pu le pendre ou le fusiller…
Quel est le rapport de l’exilé à Dieu ?
L’empereur n’a jamais manifesté de sentiment religieux. Malgré la présence d’aumôniers, les derniers mots consignés sont révélateurs. Le 1er mai 1821, dans les cahiers de Bertrand, on lit pour réponse à la question « Qu’y a-t-il après la mort ? », ce simple mot : « Rien. » Cela signifie que Napoléon ne croit pas à une vie au-delà. Sur ce plan, il rejoint Talleyrand, dont le scepticisme est connu, ou Fouché, qui considère que
« la mort est un sommeil éternel ».
Fallait-il connaître pareil martyr pour s’élever au rang de mythe ?
Napoléon n’ignore pas que Las Cases prend des notes, même s’il ne lit pas le Mémorial, paru seulement en 1823. Dans ce livre, si certains propos sont arrangés, l’empereur comprend qu’il ne peut s’échapper. Il déclare alors : « Si Jésus n’était pas mort sur la croix, il ne serait pas Dieu. » Et ajoute :
« Le martyr me dépouille de ma peau de tyran. » Napoléon, c’est donc Prométhée cloué sur son rocher, le rôle des dieux étant désormais interprété par les monarques de la Sainte-Alliance. Cette image fera une forte impression sur les romantiques, puis sur l’opinion publique.