Le retour des cendres en 1840
La concorde nationale recherchée par Louis-Philippe permet le retour des cendres de l’Empereur dont l’exil post-mortem continue d’émouvoir l’opinion. Contre toute attente, les démarches auprès de la reine Victoria aboutissent : le corps de Napoléon pourra, comme exigé dans son testament, reposer « sur les bords de la seine, au milieu [du] peuple français ».
Le 12 mai 1840, le ministre de l’Intérieur Charles de Rémusat déclare devant la Chambre des députés : « Messieurs, le roi a ordonné à S.A.R. (Son Altesse Royale, N.D.L.R.) Monseigneur le prince de Joinville de se rendre avec sa frégate à l’île de Sainte-Hélène pour y recueillir les restes mortels de l’empereur Napoléon! Nous venons vous demander les moyens de les recevoir dignement sur la terre de France et d’élever à Napoléon son dernier tombeau. » Un long et périlleux pèlerinage est dirigé par le fils du roi avec certains des derniers compagnons d’exil, comme le grand-maréchal
Bertrand, le général Gourgaud, le fils de Las Cases, les anciens domestiques Marchand, Ali, Pierron, Noverraz, Coursot et Archambault. La frégate la Belle-Poule quitte Fréjus avec la favorite le 7 juillet 1840 et parvient, après une courte halte à Toulon et des escales à Cadix, Madère, Tenerife puis Bahia, à rallier Sainte-Hélène le 8 octobre. Pour que la cérémonie coïncide avec le vingt-cinquième anniversaire de l’arrivée de l’empereur, on attend une semaine pour se rendre sur sa sépulture dans la vallée de la Tombe. Dès le matin du 15 octobre, des ouvriers descellent la dalle, extraient le cercueil avant que l’abbé Coquereau ne bénisse le corps que l’on redécouvre.
La stupeur envahit l’assistance: le visage n’a pas été altéré par le temps. Chacun retrouve l’homme qui est mort dix-neuf ans plus tôt, « fort reconnaissable, dans son habit vert des chasseurs de la Garde, avec ses épaulettes de colonel, sa culotte blanche, ses hautes bottes, son grand cordon de la Légion d’honneur […] sous l’habit et le petit chapeau de feutre noir, posé sur les cuisses, en travers. Les mains étaient blanches et souples, le visage également blanc, mais dur, avec le menton rendu bleuâtre par une poussée de barbe légère et posthume. Napoléon avait l’air de dormir ».
La stupeur envahit l’assistance : le visage n’a pas été altéré par le temps. Chacun retrouve l’homme qui est mort dix-neuf ans plus tôt.
De Sainte-Hélène aux Invalides
Même la barbe et les cheveux ont poussé, tout comme les ongles, qui sortent des bottes. On sait aujourd’hui que les phanères (ongles, poils, etc.) ne poussent plus après la mort mais la rétractation de l’épiderme à cause de la déshydratation peut donner cette impression. L’émotion passée, on replace la dépouille dans son cercueil puis on la transborde sur la frégate, restée dans la rade de Jamestown. Les Français repartent le 18 octobre et atteignent cette fois Cherbourg le 29 novembre 1840 au soir, avant de gagner Le Havre, Rouen puis, à bord du navire la Dorade III, les villes de Val-de-la-Haye, Vernon, Mantes, Poissy, Maisons-Laffitte et Courbevoie le 14 décembre. À Paris, dès le lendemain, le catafalque est cette fois entouré d’un symbolique bataillon de vieux grognards. Le cortège passe sous l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile, dont la construction avait été commandée par l’empereur en 1806 et achevée seulement quatre ans plus tôt, bifurque lentement place de la Concorde, avant de se rendre aux Invalides. Le roi Louis-Philippe, avec Moncey, Bertrand, Gourgaud et Las Cases père (devenu aveugle), reçoit le cercueil, temporairement placé dans la chapelle Saint-Jérôme. Le monumental tombeau de quartzite sera quant à lui mis en place à partir du 6 février 1841 sur une plaque de marbre et de granit. Il faudra finalement attendre le Second Empire, précisément le 2 avril 1861, pour que la dépouille soit placée sous le Dôme où, depuis désormais cent soixante ans, se recueillent des millions de visiteurs, venus du monde entier.