Les chefs d’État et leurs palais
Qu’ils soient empereurs, rois ou présidents, les chefs d’État du monde entier peuvent se targuer de vivre dans les plus beaux palais qui existent sur la planète. Chacune à leur manière, par leur architecture et leur rayonnement international, ces majestueuses bâtisses illustrent la culture d’un pays. Si toutes sont le théâtre d’événements politiques majeurs, certaines abritent aussi des siècles d’Histoire et témoignent de la puissance de leurs occupants. LE PALAIS ROYAL, À MADRID
Le palais royal de Madrid fut la demeure des monarques espagnols du règne de Charles III (1759-1788) à celui d’Alphonse XIII (1886-1931). Bien que le roi d’Espagne n’y réside plus aujourd’hui, le « Palacio Real » est encore sa résidence officielle – elle accueille à ce titre des cérémonies protocolaires et autres grands événements. L’édifice actuel a été bâti à la demande de Philippe V sur les ruines de l’ancien Alcázar royal, détruit par les flammes en 1734. Il a été imaginé par les architectes italiens Filippo Juvarra, Giovanni Battista Sacchetti et Francesco Sabatini. Conçu pour éviter de nouveaux incendies, le château est principalement fait de granite et de pierre blanche. Ses quelque 3000 pièces recèlent de nombreux trésors qu’il serait dommage de voir partir en fumée… À commencer par sa précieuse collection de peintures, signées Velásquez, Caravage, Goya ou encore Rubens.
LE PALAIS DE L’ÉLYSÉE, À PARIS
Au début du xviiie siècle, on ne compte pas les hôtels particuliers qui se construisent dans les faubourgs parisiens. De 1718 à 1722, à la demande du comte d’Évreux, l’architecte Armand-Claude Collet s’applique sans le savoir à bâtir le futur palais de l’Élysée. Jusqu’au xixe siècle, l’édifice attire de nombreux propriétaires : la marquise de Pompadour ; la duchesse de Bourbon, qui l’a baptisé « Élysée » ; Joachim et Caroline Murat, à qui l’on doit le célèbre salon Murat, où se tient le Conseil des ministres; Louis-Napoléon Bonaparte, qui s’y installe lorsqu’il est élu président de la IIe République en 1848… Le 8 rue du Faubourg-Saint-Honoré sera ensuite la résidence officielle du chef de l’État sous la IIIe République. Délaissé sous le régime de Vichy, il le redevient définitivement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Le palais de l’Élysée, résidence officielle du président de la République, Paris (8e). Ci-dessous : le salon Doré.
LA HOFBURG, L’ANCIEN PALAIS IMPÉRIAL DE VIENNE
En traversant les 18 ailes et les près de 2600 pièces de la Hofburg, le président de la République d’Autriche marche dans les pas des Habsbourg. Durant six siècles, la famille impériale exerça son pouvoir depuis ce monument incontournable du centre historique de Vienne. Pensez que la République autrichienne a à peine plus de 100 ans! Elle fut instaurée en 1919, après la dissolution de l’Empire austrohongrois et l’exil du dernier empereur, Charles Ier. Pendant l’entre-deux-guerres, le président résidait au siège de la Chancellerie fédérale, situé à quelques mètres du palais. La Hofburg ne devint la résidence officielle du chef de l’État qu’en 1946. Les bureaux d’Alexander Van der Bellen et de son personnel se trouvent aujourd’hui dans l’aile Léopold, bâtie de 1660 à 1667 à l’initiative de l’empereur Léopold Ier. La décoration rococo des intérieurs date quant à elle du règne de Marie-Thérèse d’Autriche.
LA « MAISON ROSE », À BUENOS AIRES
Située face à la plaza de Mayo dans le centre de Buenos Aires, la Casa Rosada, « Maison rose » en français, est le siège du pouvoir exécutif argentin et la résidence officielle du président. Bâtie au cours du xixe siècle à l’emplacement d’une ancienne forteresse espagnole du xvie siècle, elle doit son nom à la couleur atypique de sa façade, obtenue grâce à un mélange de chaux et de sang de boeuf. Datant des années 1870, cette teinte rosée symbolisait aux yeux du président Domingo Faustino Sarmiento, dit-on, la réconciliation entre deux partis politiques historiquement opposés depuis l’indépendance du pays en 1816 : les Fédéralistes rouges et les Unionistes blancs. L’édifice actuel fut officiellement inauguré par le président Roca en 1898.
LE PALAIS DE BUCKINGHAM, À LONDRES
Lorsque l’étendard royal flotte au-dessus du palais de Buckingham, c’est que la reine Élisabeth II y a pris ses quartiers! Résidence officielle des souverains britanniques à Londres depuis l’ère victorienne, le monument est un symbole de la monarchie anglaise dont la première pierre fut posée en 1703. La maison construite à l’époque par John Sheffield, duc de Buckingham, sera rachetée par le roi George III en 1761. Elle sera ensuite transformée en palais par l’architecte John Nash sous George IV, puis par Edward Blore sous le règne de Victoria. Parmi les 775 pièces du château, on recense ainsi 240 chambres, 92 bureaux, 78 salles de bains et 19 salles d’apparat. Le château dispose également de son propre bureau de poste, d’un commissariat, d’un cabinet médical et même d’un distributeur automatique de billets.
LE RASHTRAPATI BHAVAN, À NEW DELHI
Voilà un héritage du passé colonial de l’Inde devenu le symbole de sa démocratie! Conçu par les architectes britanniques Edwin Luytens et Herbert Baker (1920-1930), le palais fut la résidence du vice-roi et gouverneur général des Indes jusqu’en 1947. Le dernier Anglais à y avoir vécu fut Louis Mountbatten, le cousin du roi d’Angleterre George VI. Après le vote en faveur de l’indépendance par le Parlement britannique en juillet 1947, qui sera effective le 15 août, il devient gouverneur général du dominion de l’Inde et fait prêter serment au Premier ministre Jawaharlal Nehru dans la salle du trône située sous le dôme central du palais – l’actuel Durbar Hall. En 1948, Chakravarti Rajagopalachari est le premier gouverneur général indien à y résider. Une fois la République proclamée en 1950, le premier président du pays, Rajendra Prasad, y emménage et le rebaptise « Rashtrapati Bhavan ».
LE KŌKYO, PALAIS IMPÉRIAL DE TOKYO
En 1868, l’empereur du Japon Meiji quitta son palais de Kyoto pour s’installer au château d’Edo. Bâti à l’aube du xviie siècle au coeur de l’actuelle ville de Tokyo, l’ex-siège du shogunat Tokugawa – du xiie au xixe siècle, le « Shogun » dirigeait le Japon – était une gigantesque forteresse. Détruite une première fois par un incendie en 1873, elle disparut sous les bombardements de 1945. Il n’en reste que les douves, les remparts et quelques tours de défense. La résidence actuelle de l’empereur date des années 1960, et l’ensemble du site se compose essentiellement de jardins. Certains sont accessibles au public, mais le palais demeure, lui, soustrait aux regards, à l’exception du 2 janvier, à l’occasion des voeux de l’empereur, et le jour de son anniversaire, le 23 décembre.
LE GRAND PALAIS DU KREMLIN, À MOSCOU
Le Kremlin est le coeur historique de Moscou. Bâti au xiie siècle sur une colline surplombant la Moskova, il s’est agrandi au fil du temps et compte désormais une dizaine de monuments somptueux symbolisant la grandeur de la Russie. Les premières églises, trop modestes, cédèrent leur place à des cathédrales magnifiques vers la fin du xve siècle. Une enceinte en briques de 2235 mètres de long fut également élevée à cette époque autour de l’ensemble. Du xviie au xixe siècle, les palais fleurirent entre ces murs, et parmi eux, le grand palais du Kremlin. Édifié par l’architecte russe Constantin Thon de 1838 à 1850, il a été la résidence des tsars avant de devenir celle du président de la fédération de Russie. Son interminable façade blanche et dorée dissimule quelque 700 salles sur plus de 20000 mètres carrés de surface. Les dépendances et les anciens appartements privés de la famille impériale se situent au rez-de-chaussée, les salles d’apparat au premier étage. C’est ici que les tsars étaient couronnés en leur temps; c’est également là, dans la salle du trône, que Vladimir Poutine, élu pour la quatrième fois, prêta serment le 7 mai 2018.
LE PALAIS NATIONAL, À MEXICO
Le palais national de Mexico étire son intimidante façade sur plus de 200 mètres le long de la Zocalo, place principale de la capitale mexicaine. Construit au début du xvie siècle par Cortès sur les ruines du palais de l’empereur aztèque Moctezuma, il fut la résidence des vice-rois d’Espagne, puis celle des présidents de la République au xixe siècle. Bien que le palais abrite aujourd’hui les bureaux du président Andrés Manuel López Obrador, certains espaces sont accessibles au public. À l’intérieur du monument, les visiteurs peuvent découvrir les fresques monumentales peintes par Diego Rivera de 1929 à 1935, retraçant l’Histoire du Mexique. Monument emblématique de la République fédérale mexicaine, le palais abrite aussi le ministère des Finances et les Archives nationales. En outre, l’indépendance du pays y est célébrée chaque année, le 16 septembre, par le président. Il déclame à son balcon le Grito de Dolores prononcé par le curé Hidalgo le même jour en 1810 pour inviter le peuple mexicain à se soulever contre l’occupation espagnole.
LE PALAIS DU QUIRINAL, À ROME
Avant de devenir la résidence officielle du président de la République italienne en 1948, le palais du Quirinal n’était rien de moins… qu’une résidence papale! Elle fut édifiée sur la plus haute des sept collines de Rome à partir de 1583, à l’initiative du pape Grégoire XIII. Au fil des siècles, de nombreux architectes italiens se succédèrent pour l’embellir : Ottaviano Nonni, Domenico Fontana, Flaminio Ponzio, Carlo Maderno, Gian Lorenzo Bernini, Alessandro Specchi, Ferdinando Fuga… Du xvie au xixe siècle, le palais du Quirinal servit de demeure secondaire à une trentaine de papes. Le dernier d’entre eux, Pie IX, dut se retirer au Vatican lors de la prise de Rome en 1870. Son palais tomba alors aux mains des rois d’Italie et le resta jusqu’à la proclamation de la République, en 1946.
LA MAISON-BLANCHE, À WASHINGTON
Bien qu’il fut à l’origine de sa construction, George Washington, décédé en 1799, n’eut pas le loisir de profiter de sa Maison-Blanche… Bâtie entre 1792 et 1800 par l’architecte irlandais James Hoban, elle est la résidence et le bureau du président des États-Unis depuis John Adams, deuxième président américain de l’Histoire. Il s’y est installé en 1800 alors que les travaux étaient à peine achevés, quelques mois seulement avant la fin de son mandat. Agrandie au fil des ans par ses éminents occupants et restaurée à la suite de deux incendies en 1814 et 1929, la demeure présidentielle, inspirée du style georgien, compte aujourd’hui 132 pièces – dont le célèbre bureau ovale aménagé sous l’administration de Taft, en 1910 – et de nombreux équipements luxueux: terrains de tennis, de basket, de golf, piscine, bowling, cinéma… Elle a accueilli cette année, le 20 janvier, son 45e locataire, Joe Biden.
Ci-dessus, la Maison-Blanche (1792-1800), édifiée en grès et peinte en blanc, où réside et travaille le président américain. Le bureau ovale, situé dans l’aile ouest de la Maison-Blanche, bureau officiel du président des États-Unis, et lieu de symbole de son pouvoir.