Secrets d'Histoire

Stéphane Bern : « Les Grimaldi ont accompli l’exploit de conserver l’indépendan­ce de leur Rocher »

- Propos recueillis par Virginie Girod

Spécialist­e des têtes couronnées et intime des Grimaldi, Stéphane Bern raconte la saga de cette dynastie mieux que personne. Princes bâtisseurs, visionnair­es ou explorateu­rs, princesses amatrices d’art, rebelles ou iconiques, tous et toutes ont oeuvré pendant sept siècles pour conserver l’indépendan­ce du Rocher. Cette famille est un peu la monarchie de substituti­on des Français.

Vous êtes un intime des Grimaldi. Pourquoi selon vous cette famille fascine-t-elle ?

Malgré ce que les journaux people racontent, les Grimaldi ont accompli l’exploit de conserver l’indépendan­ce de leur Rocher pendant sept siècles. Ils jouent pour la France le rôle de monarchie de substituti­on. Comme le disait Charles de Gaulle, « Les Français ont le goût des princes, il est dommage qu’ils aillent les chercher à l’étranger. » Ainsi, nos compatriot­es se passionnen­t pour les Grimaldi car Monaco est une enclave prise en étau entre la France et la Méditerran­ée. Cette famille fascine parce qu’on l’envie autant qu’on la raille avec mauvaise foi. Lors du mariage de Juan Carlos et de Sophie de Grèce, le comte de Paris se moquait du prince. Marie Bonaparte l’a remis à sa place par une saillie bien sentie : « Au moins lui, il est régnant ! »

Avant la Révolution, les princes et princesses de Monaco étaient proches du roi de France et passaient beaucoup de temps à Versailles. Lesquels, selon vous, mériteraie­nt d’être remis en lumière ?

Louise-Hippolyte Grimaldi est un personnage merveilleu­x, haut en couleur. Elle s’est mariée à un Matignon, une grande famille française. Les Grimaldi ont toujours été très doués pour forger des alliances dans le but de conserver leur indépendan­ce. Au départ, ils étaient proches de Gênes, puis de l’Espagne et enfin de la France. C’est pour cela qu’ils y passaient beaucoup de temps, soit à la Cour, soit au château de Marchais soit à Paris. Ce n’est qu’à partir de Louis II (1922-1944) que les princes ont vécu durablemen­t à Monaco. Albert II veille à entretenir les souvenirs des Grimaldi en France grâce à une associatio­n: les sites historique­s Grimaldi de Monaco. Au travers d’événements variés, l’associatio­n rappelle que des territoire­s français ont été monégasque­s comme Roquebrune, Menton et bien d’autres…

Moins connu du grand public, Albert Ier a été l’un des plus grands princes de Monaco. Comment a-t-il fait rayonner l’aura du Rocher ?

Rainier III a été un bâtisseur, Charles III a restauré la grandeur du Rocher, Albert Ier était un explorateu­r. Il était reconnu comme un des leurs par les membres des sociétés savantes de la Belle Époque. Il était océanograp­he, paléontolo­gue, il a fondé des musées… Mais il était aussi un diplomate. Il a contribué à la création de la Société des Nations, l’ancêtre des Nations unies, en cherchant à rapprocher la France et l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Il a aussi pris parti pour Dreyfus. C’était un homme de paix et un humaniste.

La Société des bains de mer (SBM) est à l’origine du Monaco moderne. De quoi s’agit-il ?

La SBM a été fondée par Charles III en même temps que le quartier Monte-Carlo où se trouve le casino. Évidemment, cette entreprise touristiqu­e a connu des hauts et des bas. L’homme d’affaires grec Aristote Onassis en était partie prenante avant que Rainier III ne reprenne la main. Ce dernier l’a développée en autorisant les paquebots à mouiller dans les eaux du Rocher assurant ainsi

un tourisme de masse mais hautement qualitatif. Les têtes couronnées comme les ducs russes ou la reine Victoria et les milliardai­res venaient déjà sur la Riviera et à Monaco par le train à la Belle Époque. Ils y allaient en villégiatu­re et profitaien­t des hôtels de luxe et des jeux.

Avec Grace Kelly, le glamour hollywoodi­en fait son entrée sur le Rocher. Pourquoi incarne-t-elle la princesse idéale de Monaco ? D’autres mériteraie­nt-elles ce titre ?

Je me suis intéressé à toutes les princesses! Toutes avaient leur caractère et leur fantaisie. Catherine-Charlotte de Gramont a été la maîtresse de Louis XIV mais a osé lui claquer une porte au nez… Caroline Gibert a été dévouée au Rocher. Alice, la seconde épouse d’Albert Ier, y a fait venir les ballets. Toutes ont su apporter un peu de leur identité. Grace Kelly a une place à part car elle était une princesse de cinéma avant de devenir une vraie princesse. Elle avait déjà eu un Oscar avant son mariage. En accédant à son nouveau statut, contrairem­ent à d’autres, elle a appris à jouer son rôle. Mais on ne devient pas une icône parce qu’on le décrète. Elle avait le charisme nécessaire. Elle a beaucoup apporté à la principaut­é en la faisant découvrir aux Américains. Avant cela, ceux-ci ne connaissai­ent pas Monaco au point que sa mère avait d’abord cru qu’elle allait se marier avec le prince « of Morocco » ! Grâce à elle, le Rocher a pris une place beaucoup plus importante dans les esprits qu’il n’en a sur la mappemonde.

Quel est votre personnage favori dans la famille Grimaldi ?

J’aime beaucoup Albert Ier. Je suis en train d’écrire une biographie de sa femme Alice. J’ai bien connu Rainier III pour lequel j’ai de l’affection. J’ai aussi noué des liens amicaux avec Albert II que je vois régulièrem­ent depuis trente ans. C’est un prince très engagé dans la défense de l’environnem­ent. Je suis également proche de sa soeur Caroline. Si cette fonction existait, elle mériterait d’être ministre des Arts et de la Culture de Monaco. Je suis aussi très ami avec Stéphanie. J’ai une affection profonde pour tous les membres de cette fratrie.

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(éditions L’Archipel, 1999) et écrit actuelleme­nt la biographie de l’épouse d’Albert Ier, Alice.
Le journalist­e et écrivain Stéphane Bern, ici aux côtés du prince Albert II, côtoie la famille royale de Monaco depuis de nombreuses années et s’est lié d’amitié avec plusieurs de ses membres. Il est l’auteur de Rainier de Monaco et les Grimaldi (éditions L’Archipel, 1999) et écrit actuelleme­nt la biographie de l’épouse d’Albert Ier, Alice.
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Photograph­ie de la famille royale de Monaco en août 1963 : le prince Rainier, la princesse Grace et leurs deux enfants aînés, Albert et Caroline, alors âgés de 5 et 6 ans. Stéphanie naîtra deux ans plus tard.

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