Secrets d'Histoire

Honoré III, un prince face à la Révolution

- Par Pauline Clamence

L'accession au trône d'Honoré III en 1733 suite à l'abdication de son père est accueillie avec espoir et soulagemen­t par les Monégasque­s après le règne calamiteux de Jacques Ier qu'ils n'avaient jamais accepté. Le jeune homme, alors âgé de 13 ans et élevé à la cour de France, sera un prince aussi tête brûlée qu'inspiré par le gouverneme­nt des Bourbons dont il partagera en partie le destin dans le fracas de la Révolution.

Jean des Cars raconte dans La Saga des Grimaldi (éd. Tempus) le premier coup d'éclat du jeune Honoré III, alors âgé de 21 ans: son père avait arrangé son mariage avec Marie Louise Henriette Jeanne de La Tour d'Auvergne, une héritière si riche et de si haute naissance que le roi Louis XV lui-même avait présidé son destin matrimonia­l. L'union avait été officielle­ment annoncée à Versailles en janvier 1641. Mais Honoré III annule le mariage: il est amoureux d'une jeune veuve, Madame de Néri, et compte l'épouser. Son père ne parvient pas à le raisonner; humilié et consterné, il doit annoncer au roi que le prince a perdu la tête et lui demande de le faire enfermer pour le ramener à la raison. Louis XV signe une lettre de cachet et fait saisir Honoré III, prisonnier de la citadelle d'Arras pour quelques mois.

Honoré III, qui se plaît surtout à Paris et à Versailles et s'illustre au combat au service du roi de France, regagne Monaco en 1754. Il se rend également à Gênes où il fait la connaissan­ce de Marie-Catherine de Brignole-Sale dont la famille est l'une des plus riches d'Italie. La jeune fille de vingt-deux ans sa cadette et le prince tombent éperdument amou

reux. Et tant pis si certaines mauvaises langues racontent qu'Honoré a été l'amant de la mère avant de courtiser la fille, ce qui aurait expliqué l'hostilité du père de la jeune fille, opposé à leur union pendant plusieurs années. Ils se marient finalement en 1757. Jean des Cars raconte comment, pour des questions de protocole, la cérémonie donne lieu à des semaines de tergiversa­tion afin de décider qui, du promis ou de la future épouse, doit accueillir ou recevoir l'autre. Le couple, un temps heureux et parent plusieurs fois, finit par se séparer en 1771. La réputation d'Honoré III, dont la vie dissolue n'est un secret pour personne, est durablemen­t entachée. Quant à Marie-Catherine, elle se remariera avec le prince de Condé.

Monaco gagné par la Révolution?

La situation de la principaut­é n'a rien à voir avec celle de la France à la veille de la Révolution, comme le souligne Jean des Cars. La population semble heureuse, l'avenir dynastique, avec deux fils, est assuré, et la famille est plutôt populaire.

Deux factions se dessinent pourtant, l'une plutôt fidèle aux Grimaldi, l'autre plus jacobine attachée à voir quelques réformes aboutir. Honoré III, qui vit dans son hôtel de Matignon à Paris, se concilie les autorités du temps en apportant des subsides et en semblant être du « bon côté de l'Histoire »: il a refusé d'émigrer et l'imprimerie de Monaco diffuse les « bons » bulletins d'informatio­n. Privé d'abord des revenus de ses biens en France, Honoré III est déchu après la proclamati­on de la libre souveraine­té des peuples. En janvier 1793, la population déclare vouloir être rattachée à la France. Monaco est rebaptisé Fort-Hercule et rejoint le giron de la France, dans le nouveau départemen­t des AlpesMarit­imes. Honoré III n'est plus qu'Honoré Goyon: « On le traque, sa correspond­ance est ouverte, ses biens confisqués » (Jean des Cars). Dans la nuit du 19 au 20 septembre 1793, Honoré est arrêté, comme son fils aîné, après le vote de la loi des suspects, et incarcéré à la prison de Sèvres. L'une de ses belles filles, Françoise de Choiseul-Stainville, l'épouse de son fils Joseph qui a émigré, est condamnée et guillotiné­e le 27 juillet 1794. Elle était revenue en France pour être auprès de ses filles. Son exécution touche particuliè­rement Honoré. Il est libéré le 5 octobre suivant, mais ne survit que quelques mois: après avoir regagné l'hôtel de Matignon, il y meurt en le 12 mai 1795, à 74 ans.

 ??  ?? Honoré III, prince de Monaco, de Jean Baptiste van Loo. Le duc de Valentinoi­s, qui a régné sur le Rocher pendant 59 ans, a vécu l'abolition de la principaut­é en 1773, pendant la Révolution, et l'annexion de Monaco à la France. Il a néanmoins échappé à la guillotine.
Honoré III, prince de Monaco, de Jean Baptiste van Loo. Le duc de Valentinoi­s, qui a régné sur le Rocher pendant 59 ans, a vécu l'abolition de la principaut­é en 1773, pendant la Révolution, et l'annexion de Monaco à la France. Il a néanmoins échappé à la guillotine.
 ??  ??
 ??  ?? Marie-Catherine Brignole (17371813), portrait d'une femme assise de face, peintre anonyme du xviiie siècle. Elle fut princesse de Monaco par son mariage avec le prince Honoré III en 1757.
Marie-Catherine Brignole (17371813), portrait d'une femme assise de face, peintre anonyme du xviiie siècle. Elle fut princesse de Monaco par son mariage avec le prince Honoré III en 1757.

Newspapers in French

Newspapers from France