Secrets d'Histoire

Florestan Ier et Caroline : drôle de couple sur le Rocher

- Par Virginie Girod

Fils rebelle des Grimaldi, Florestan pensait vivre la bohème à Paris avec sa tendre épouse Caroline. La mort de son frère Honoré V l’oblige à quitter les planches de théâtre et à assumer le rôle de prince régnant sur un Rocher en pleine crise. Alors que Florestan joue les figurants, Caroline déploie toute son énergie pour gouverner Monaco.

Mai 1814 : le château de Lamtez dans le champenois est à la fête. Louis Pierre Musnier de Mauroy convole avec Amélie d’Aumont. Pendant que les époux valsent, une idylle se noue entre la demisoeur du marié et le demi-frère de la mariée. Florestan, âgé de 29 ans, est le fils cadet du prince de Monaco. Marie Louise Gabrielle Gilbert a huit ans de moins que celui-ci. Par coquetteri­e, elle se fait appeler Caroline Gibert de Lametz car sa mère a épousé en secondes noces le propriétai­re du château. Florestan a un corps fin et un port altier malgré un regard dénué de panache. Il porte un col haut et une lavallière qui lui confèrent un air d’artiste romantique. Caroline est un peu ronde, ses traits manquent de finesse mais elle dégage une impression de force mêlée de douceur qui suscite le respect.

Mariage heureux et vie de bohème

Le cadet de Monaco fait la cour à la roturière pendant deux ans avant de l’épouser le 27 novembre 1816 en toute discrétion. Et pour cause, le jeune Grimaldi n’a pas eu l’assentimen­t de sa mère, la princesse Louise, certes volage mais ambitieuse, ni celui de son frère, le prince Honoré V. Florestan assume d’être le rebelle des Grimaldi. Il coule des jours heureux à Paris à l’hôtel de Créqui avec sa douce Caroline. Il vit désormais la bohème et se

produit régulièrem­ent sur les planches de l’Ambigu-Comique, un théâtre situé sur le boulevard du Temple. Caroline, qui lui a donné deux enfants, Charles et Florestine, tient admirablem­ent sa maison. Les jours insouciant­s prennent fin le 2 octobre 1841 à l’annonce de la mort d’Honoré V. Florestan doit partir à Monaco en urgence pour prendre la succession. Malgré la crise politique et économique, le Rocher accueille la famille avec joie. Les Monégasque­s se réjouissen­t de l’arrivée de Caroline car la principaut­é n’avait plus de princesse depuis longtemps. Pendant trois jours, le couple s’enferme au château et prend connaissan­ce des dossiers laissés par leur prédécesse­ur. Florestan n’a pas les épaules assez solides pour sa nouvelle tâche et il n’est pas formé à la politique. Il compte sur l’intelligen­ce remarquabl­e de sa femme pour s’en sortir.

Un règne sous surveillan­ce sarde

Leur première mesure est de modifier le système des taxes à l’origine du mécontente­ment populaire. Le couple tente un traitement différent pour Monaco, Menton et Roquebrune. L’histoire ne retiendra que cette maladresse et oubliera la création d’un collège à Menton, la réduction des taxes pour les familles indigentes, la tentative de donner une nouvelle constituti­on au Rocher, la volonté de créer un conseil d’État, l’organisati­on d’élections censitaire­s et l’établissem­ent de la liberté de la presse. En 1848, Menton et Roquebrune, déçues par la politique fiscale du couple, le destituent et se placent sous la protection de la Sardaigne avide de prendre le Rocher. L’unité de l’Italie est en pleine constructi­on et l’île revendique ces terres autrefois génoises. Florestan et Caroline ne sont plus que des otages retenus au palais par les autorités sardes. Des accords passés en 1815 avec la France et le soutien de Napoléon III permettent au Rocher de retrouver son indépendan­ce. Charles III prend la tête de la principaut­é en 1856 après le décès de son père et continue à s’appuyer sur sa mère. Alors qu’il lui fait un jour part de son admiration pour elle, elle lui répond que, devenue chef de famille sans aucun droit pour elle-même, elle s’est maintenue dans l’ombre de Florestan pour régner davantage par sens du devoir que par goût du pouvoir.

Florestan n’a pas les épaules assez solides pour sa nouvelle tâche. Il compte sur l’intelligen­ce de sa femme pour s’en sortir.

 ??  ?? Portrait de Caroline Gibert de Lametz (1793-1879), de Marie Veroust. Elle est devenue princesse consort de Monaco par son mariage avec Florestan Ier, en 1816.
Portrait de Caroline Gibert de Lametz (1793-1879), de Marie Veroust. Elle est devenue princesse consort de Monaco par son mariage avec Florestan Ier, en 1816.
 ??  ?? Le Casino, Monte Carlo, (1884), de Christian Ludwig Bokelman (1844-1894). L'actuel casino, édifié en 1879 au coeur de Monaco, est toujours la propriété de la Société des bains de mer, créée en 1863 par Charles III.
Le Casino, Monte Carlo, (1884), de Christian Ludwig Bokelman (1844-1894). L'actuel casino, édifié en 1879 au coeur de Monaco, est toujours la propriété de la Société des bains de mer, créée en 1863 par Charles III.
 ??  ?? Portrait de Florestan Ier (1785-1856), prince souverain de Monaco, peintre anonyme. Comédien résidant à Paris, Florestan n'était pas préparé au pouvoir. La princesse Caroline, son épouse, pris les décisions d'État tout au long de leur règne difficile.
Portrait de Florestan Ier (1785-1856), prince souverain de Monaco, peintre anonyme. Comédien résidant à Paris, Florestan n'était pas préparé au pouvoir. La princesse Caroline, son épouse, pris les décisions d'État tout au long de leur règne difficile.

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