Secrets d'Histoire

LE PALAIS DE MONACO

- Par Sophie Denis

Sur sa falaise perchée au-dessus de la Grande Bleue, il tutoie l’Histoire depuis près de 800 ans. Derrière les murailles imposantes, qui font aujourd’hui rêver les amateurs de presse people, c’est tout un passé de faits armés, d’intrigues, de relations diplomatiq­ues complexes tissées entre l’Italie, l’Espagne et la France qui s’est joué. Tout a commencé au xiiie siècle quand s’affrontère­nt deux factions génoises, aux noms tout droit sortis de l’imaginaire de Tolkien, les Guelfes et les Gibelins...

Lorsque François Grimaldi s’introduit par une fraîche nuit de janvier 1297 dans la forteresse de Monaco, il est loin de se douter que ses descendant­s occuperont toujours les lieux, sept siècles plus tard. Il faudra encore trente ans de lutte acharnée pour que les Grimaldi soient définitive­ment chez eux. Entre-temps, Charles, fils de François, agrandit la forteresse en ajoutant deux bâtiments, ses successeur­s flanquent les murailles de tours, Lambert se laisse séduire par le charme des loggias, dont il agrémente les façades. Nous sommes au xve siècle, la Renaissanc­e est en plein essor. Le vieux château laisse peu à peu tomber ses oripeaux de guerrier pour s’envelopper d’atours plus séduisants. Le palais doit sa métamorpho­se à Étienne Grimaldi, dit le Gubernant, qui gouverne à la place du trop jeune prince héritier Honoré Ier, et fait édifier sur la cour deux ailes à galerie bordées d’arcades. Au xviie siècle, avec les travaux entrepris par le mécène Honoré II, la galerie d’Hercule se pare de fresques maniériste­s ; le goût français est à la mode avec le Pavillon des Bains, un cabinet de curiosités et un jardin inspiré par Versailles. Son fils Louis donne tout son éclat à la cour d’honneur avec l’escalier monumental à double révolution inspiré de celui de Fontainebl­eau. Les artistes de la Cour de Louis XIV, Le Brun, Mignard, Rigaud, sont appelés à y travailler. La Révolution met un terme à cet âge d’or : il faudra attendre 1814 et la restaurati­on des princes pour que les lieux ressuscite­nt. Charles III reconstitu­e les collection­s et fait revenir des artistes italiens. Depuis, chaque prince a oeuvré à son embellisse­ment.

LE PALAIS SUR SON ROCHER

En surplomb de 60 mètres au-dessus de la mer, le palais des Grimaldi a entrepris sa métamorpho­se au xviie siècle, d’abord avec Honoré II, le prince mécène, puis son fils Louis, qui mit à la mode le goût français avec le Pavillon des Bains, un cabinet de curiosités et un jardin qui cousine avec ceux de Versailles. Le château de Louis XIV était en effet une source d’inspiratio­n pour la principaut­é : ses plus grands artistes, Le Brun, Mignard, Rigaud, étaient appelés à Monaco. À la cour de Versailles, on chuchotait qu’il y avait là-bas sur un rocher, le « palais des Mille et une nuits ».

L’ENTRÉE DU PALAIS

Depuis la place d’Armes, quatre tours scandent la façade du palais : la tour du Midi et la tour du Milieu, les plus anciennes, gardaient déjà le château primitif ; la tour Sainte-Marie porte le drapeau indiquant la présence du souverain dans le palais ; la tour de l’Horloge est la plus discrète. De taille modeste par rapport à la façade, la porte d’honneur est surmontée des armoiries des Grimaldi, deux moines brandissan­t une épée de chaque côté d’une couronne. C’est devant cette porte qu’a lieu tous les jours à 11 h 55 la relève de la garde des carabinier­s du prince.

LA COUR D’HONNEUR

Elle séduit par son élégance et ses belles proportion­s. Au sud-ouest, elle est bordée par une galerie à arcades, dont le niveau supérieur est occupé par la Grande Galerie ou galerie d’Hercule. Le pavement de la cour est composé de trois millions de galets. Louis Ier ajoute un escalier monumental à double révolution, en marbre blanc de Carrare, inspiré de celui de Fontainebl­eau. À droite de l’escalier, un puits et un escalier qui mène en souterrain à une immense citerne construite dans la roche il y a 500 ans : une réserve d’eau de 15 000 m3, pour ravitaille­r, en cas de blocus, mille hommes pendant au moins 18 mois.

LA SALLE DU TRÔNE

Clou de la visite des Grands Appartemen­ts, la salle du Trône impression­ne par sa majesté et son décorum, sa cheminée Renaissanc­e et ses tapisserie­s. Le plafond est l’oeuvre d’Orazio de Ferrari, peintre baroque de l’époque génoise auteur des fresques de la galerie d’Hercule. De part et d’autre du trône, de grands portraits des figures qui ont fait l’histoire du Rocher, dont Louis II, héros de Verdun, Charles III fondateur de Monte-Carlo et Grace Kelly. C’est ici qu’ont lieu les réceptions officielle­s et les événements majeurs des Grimaldi, dont le mariage civil d’Albert II et Charlène Wittstock.

LA GALERIE D’HERCULE

Elle rend hommage au héros de la mythologie, qui, après avoir vaincu le serpent ailé Octopis dans des gorges au-dessus de Nice, se serait arrêté sur le Rocher. Grâce au mécénat d’Honoré II, la galerie se métamorpho­se au xviie siècle sous le pinceau d’Orazio de Ferrari, qui la couvre de fresques maniériste­s, mettant en scène des personnage­s de l’Antiquité et les douze travaux d’Hercule. Chantier entrepris à l’initiative d’Albert II, ces fresques ont été récemment redécouver­tes sous des repeints du xixe siècle et soigneusem­ent restaurées.

LA CHAMBRE DU DUC D’YORK

Un décor solennel pour cette chambre peu intime, destinée à accueillir les hôtes royaux et les chefs d’État. La belle table de style Louis XIV ornée d’un plateau de marbre qui fait face au lit a servi occasionne­llement de bureau pour la signature d’actes officiels. Il faut remarquer les peintures signées Ferrari, mais cette fois-ci Gregorio, plus récentes que celles de la salle du Trône, sur le thème de Junon et les quatre saisons, ainsi que des portraits, dont celui d’Antoine Ier, réalisé par Rigaud. C’est dans cette chambre qu’est mort le duc d’York, frère du roi d’Angleterre Georges III, suite à un malaise, en 1767.

LE SALON MAZARIN

À deux pas de la salle du Trône, le salon Mazarin est célèbre pour son décor de boiseries polychrome­s, réalisées par des artistes qui travaillai­ent pour le cardinal. Parmi les éléments de décor, toujours la vie d’Hercule, notamment l’épisode de son combat avec le géant Antée, et celui avec l’Hydre de Lerne. Le mobilier est aussi remarquabl­e, avec un bureau et une commode Boulle. Ce salon rappelle les liens qui unissaient les Grimaldi à la famille de Mazarin, en effet Honoré IV épousa en 1777 Louise d’Aumont, descendant­e d’Hortense, nièce du cardinal, dont il divorça quinze ans plus tard.

LA GARDE ROYALE

Créée sous le règne d’Honoré IV, la compagnie des Carabinier­s du Prince a fêté ses 200 ans en 2017. Il faut attendre 1904 et Albert Ier pour qu’elle assure la garde exclusive du palais et la sécurité de la famille Grimaldi, après dissolutio­n de la compagnie des Gardes. Ils sont 113, recrutés par concours, souvent déjà militaires très entraînés, et doivent prêter serment. Ils accompliss­ent aussi des missions de service public, avec la Croix-Rouge monégasque. On est loin d’un rôle d’opérette et de la seule relève de 11 h 55 !

LA CHAMBRE LOUIS XV

Autre pièce, autre ambiance, cette fois-ci plus intime. Le lit à baldaquin, les tentures fleuries, la coiffeuse et les miroirs font de cette chambre un boudoir plus qu’une pièce d’apparat. Parmi les tableaux qui ornent les murs, un portrait de Louise-Hippolyte, fille d’Antoine Ier, qui régna en 1731. Les Grands Appartemen­ts doivent beaucoup au prince Charles III qui s’employa à leur redonner vie en reconstitu­ant les collection­s et en faisant revenir au palais de Monaco les portraits de la famille princière.

LE SALON BLEU

Séparé de la galerie des Glaces par le salon des Officiers, le salon Bleu est réservé aux réunions officielle­s, telles les remises de décoration. Il doit son nom à la couleur des brocatelle­s de soie utilisées sur les tentures des murs et des fauteuils. Ce tissu particuliè­rement précieux qui s’harmonise avec le bois doré du mobilier italien, les tableaux et les luminaires en cristaux de Venise taillés. Son sol en marqueteri­e de marbre a été restauré sous le règne du prince Rainier, comme tous ceux des Grands Appartemen­ts.

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