L’expansion viking : jusqu’en Amérique et en Méditerranée
À partir du viiie siècle, venus de toute la Scandinavie, des navigateurs audacieux enchaînent des expéditions de plus en plus lointaines qui vont faire connaître les drakkars depuis le ProcheOrient jusqu’aux rivages de l’Amérique du Nord. Selon leurs origines, les Vikings se lancent dans plusieurs directions et adoptent des façons d’agir différentes.
De manière schématique, car parfois on ne les distingue pas de façon certaine des Norvégiens, les Vikings du Danemark conduisent des razzias et reviennent chez eux entre deux raids lointains. L’Angleterre, l’Irlande, la France et l’Espagne subissent l’une après l’autre des attaques qui semblent obéir à une stratégie élaborée sur le long terme. De fait, après l’attaque de l’abbaye de Lindisfarne en 793, on les voit en Irlande deux ans plus tard. En 799, un raid sur Noirmoutier prélude à de nouvelles attaques sur la côte atlantique à partir des années 800. En 841, des Vikings remontent la Seine pour piller Rouen et les grandes abbayes normandes.
Les deux années suivantes, ils remontent la Loire, la Charente et la Garonne. En 845 pour la première fois, Paris est attaquée et Charles le Chauve obtient le départ des Vikings contre le versement d’un tribut. 846 voit l’établissement d’une base permanente viking sur Noirmoutier. En 856, Paris subit une nouvelle attaque, mais l’opération la plus audacieuse reste à venir. En 859-860, une flotte passe le détroit de Gibraltar et pénètre en Méditerranée: elle remontera le Rhône jusqu’à Valence et l’Isère jusqu’à
En 841, des Vikings remontent la Seine pour piller Rouen et les grandes abbayes normandes.
Romans! S’ils conduisent aussi des attaques comme celles des Vikings danois, les Norvégiens connaissent surtout un mouvement migratoire vers l’ouest: îles Féroé (825), Islande (870) et Groenland (978), puis Amérique du Nord avec des installations temporaires (1000). Le départ de Norvège semble avoir répondu à deux motivations. Le manque d’espace vital offert par des contrées où les montagnes tombent à pic dans la mer, laissant des zones cultivables vite surpeuplées. Cet état de fait explique pourquoi, dans la société viking, les actes de violence sont punis de bannissement. S’y ajoute le désir d’indépendance de chefs locaux qui n’acceptent pas la centralisation
mise en place par le roi Harald Ier, dit « à la belle chevelure » (850-933). Les Vikings suédois sont aussi appelés Varègues, ou Rus. Vivant sur les rivages de la mer Baltique, ils orientent leurs voyages vers les grands fleuves et les lacs russes. Il ne s’agit d’ailleurs pas de razzias mais d’expéditions commerciales. Par le fleuve Néva, le lac Ladoga, le Dniepr, la Volga et le Don, ils fondent un véritable empire commercial qui s’étend de la mer Baltique à la mer Noire. En 753, ils fondent Aldeigjuborg, la future Saint-Pétersbourg. En 839, ils atteignent Constantinople. En 850, ils prennent en main l’administration de la région de Novgorod et la conservent dans les siècles à venir. Et c’est ainsi que les Rus donnent son nom à la Russie.
S'ils conduisent aussi des attaques comme celles des Vikings danois, les Norvégiens connaissent surtout un mouvement migratoire vers l’ouest : îles Féroé (825), Islande (870) et Groenland (978), puis Amérique du Nord avec des installations temporaires.
Les navires et le savoir-faire nautique des Vikings
Les voyages accomplis par les Vikings laissent rêveur. Ce qui permet à cette civilisation de s’imposer pendant trois siècles au monde occidental est sa mystérieuse capacité à inventer un type de navire exceptionnel et à acquérir un savoir-faire nautique qui confine à la sorcellerie. Les navires vikings sont communément appelés drakkar, mais ce terme est impropre : il désigne seulement la tête de dragon arborée sur l’étrave du navire afin de terroriser les populations attaquées. On parle donc de langskib pour les bateaux destinés aux razzias, et de knarr pour les bâtiments de transport. Tous se caractérisent par leur coque très basse et de faible tirant d’eau, dont l’étrave effilée fend la houle telle une lame. Les Vikings ont compris que pour affronter le grand large, il ne faut pas défier les vagues mais faire corps avec elles. Ils ont donc mis au point des techniques de construction qui donnent aux coques une grande souplesse, leur permettant de se déformer au passage des vagues au lieu d’en supporter le choc. De plus, ces navires vont aussi bien à la voile qu’à l’aviron, ce qui les autorise à se jouer des vents contraires et à naviguer dans des eaux peu profondes ou étroites. De forme symétrique, ils vont d’ailleurs aussi bien en marche avant qu’en marche arrière.
Le plus étonnant est que les formes de leurs carènes sont déterminées par les volumineuses pièces d’étrave et d’étambot: sculptées dans la masse, elles déterminent l’angle et l’inclinaison des planches de bordage qui s’y encastrent. Ces pièces d’une rare complexité sont sculptées par des maîtres de hache détenteurs d’un savoir acquis au terme d’une longue initiation. Quant à la navigation, les Vikings trouvent leur chemin sans carte ni boussole: c’est une tradition orale, par la suite transcrite par les Sagas, qui indiquent les routes à suivre en précisant les temps de navigation, la présence d’oiseaux et de cétacés et la description des côtes… Ainsi sillonnent-ils l’Atlantique Nord entre la Scandinavie et le Groenland.