Stéphane Bern : « La postérité a absous les Templiers et le tribunal de l’Histoire a condamné Philippe le Bel comme leur persécuteur »
À l’occasion du tournage d’une prochaine émission de Secrets d’Histoire, Stéphane Bern est parti sur les traces de Philippe le Bel et des Templiers et nous livre ses impressions sur leur fin tragique et sur les lieux chargés d’Histoire qu’il a visités.
Selon vous, pour quelles raisons Philippe le Bel poursuit-il les Templiers ?
Il ne s’agissait pas réellement de questions religieuses. Il a ourdi un complot contre ce qu’il considérait comme un État dans l’État. Ma vision, c’est qu’il voulait certainement s’emparer au passage de leurs biens et de leurs terres, mais surtout affirmer l’autorité royale. Cette histoire de trésor n’était qu’une légende. Leur véritable fortune était spirituelle et morale : les Templiers faisaient le bien, ils avaient accompli de grandes choses et étaient très respectés.
Les Templiers étaient-ils en partie coupables selon vous ?
Non, ces accusations n’étaient qu’un tissu de mensonges destinés à se débarrasser d’eux. Mais il faut reconnaître que leurs rites initiatiques, auréolés de mystère, en faisaient une sorte de société secrète qu’il était facile d’accuser de sorcellerie, de moeurs dissolues.
Finalement si l’on parle de légende noire, elle ne s’attache pas tant aux Templiers qu’à Philippe le Bel ?
Exactement. Ce qui est terrible, c’est que cela s’est retourné contre le roi. Dans l’inconscient collectif, les Templiers ont pris une importance symbolique bien supérieure du fait de leur condamnation. On les a placés sur un piédestal précisément à cause de cette fin tragique. On peut dire qu’ils ont remporté la bataille de l’image car ils restent à jamais les persécutés de Philippe le Bel. C’était un très mauvais calcul politique de la part de ce dernier, qui apparaît dès lors comme un roi cupide et très autoritaire. Il s’est attaqué à une autorité morale qui ne le menaçait pas réellement. Et bien sûr, la légende entretenue par Maurice Druon a encore renforcé la popularité de l’Ordre. La passion du public pour tous ces mystères est fascinante: on adore tout ce qui est secret et resté sans réponse. La transparence n’est pas au coeur de l’âme humaine, on a tous des parts d’ombre et de lumière. Et ce qui fascine dans l’Histoire, c’est de percer à jour ces secrets.
Comment décririez-vous Philippe le Bel ?
C’est un homme assez étrange, avec une sorte de double personnalité. Il semblait à la fois expier ses fautes, mais ce faisant, il déployait le zèle de ceux qui se savent en faute. C’était
« MA VISION, C’EST QU’IL VOULAIT CERTAINEMENT S’EMPARER AU PASSAGE DE LEURS BIENS ET DE LEURS TERRES, MAIS SURTOUT AFFIRMER L’AUTORITÉ ROYALE. »
un roi très jaloux de son autorité, cruel, très dur, un être sans-coeur et sans pitié. Il a commis beaucoup d’erreurs, aveuglé par son désir de puissance et de gloire. Sa rivalité avec le pape est très intéressante. C’était un curieux personnage, mal dans sa peau, animé de désirs contradictoires et capable de violences sourdes et aveugles.
Vous vous êtes rendu récemment à plusieurs endroits marqués par le souvenir des Templiers…
Oui, et ces lieux sont assez magiques, on y ressent une grande force morale et spirituelle. Les commanderies sont fascinantes: elles n’ont jamais été bâties au hasard. Ce sont toujours des sites très chargés en ondes, comme les sites gallo-romains. Il y a d’abord La Couvertoirade et son château, qu’il faut absolument visiter ! Mais aussi Sainte-Eulaliede-Cernon, qui est vraiment incroyable. C’est un endroit magique qui m’a fasciné, notamment la grande salle commune où les frères vivaient. C’est très impressionnant. Il y a également une remarquable chapelle templière à Laon qui a été retenue par la mission Patrimoine. Nos équipes ont suivi les traces des Templiers à Chinon, à Avalleur, à la Conciergerie, à Paris, qui était l’ancien palais de Philippe le Bel, et jusque dans la flèche de la Sainte-Chapelle, bâtie par Saint Louis.
Pensez-vous que l’on pourra percer un jour tous les mystères des Templiers ?
On pourra encore certainement trouver des documents mais on ne découvrira pas d’hypothétique trésor !
« C’ÉTAIT UN TRÈS MAUVAIS CALCUL POLITIQUE DE LA PART DE PHILIPPE LE BEL, QUI APPARAÎT DÈS LORS COMME UN ROI CUPIDE ET TRÈS AUTORITAIRE. »