SIMONETTA CERRINI : « LES TEMPLIERS SONT UNE CRÉATION NOUVELLE, PARADOXALE ET RÉVOLUTIONNAIRE »
En quoi la création de l’ordre des Templiers étaitelle « révolutionnaire » ?
C’est ainsi que j’ai traduit le mot « novitas » que le cistercien saint Bernard de Clairvaux comme le clunisien Pierre le Vénérable avaient choisi pour les définir à leur naissance. À cette époque, la « novitas » était encore perçue avec méfiance, à l’opposé de la « traditio », tradition. L’autorité se fondait sur la tradition, alors que la nouveauté représentait toujours un danger. Les Templiers sont une création nouvelle, avec un caractère paradoxal et révolutionnaire. Dans une société qui à l’époque se partageait entre les « trois ordres » – ceux qui prient, qui combattent et qui travaillent – les Templiers choisissent d’unir dans une même personne l’homme qui prie et celui qui prend les armes, le clerc et le laïc. Cette fusion entre oratores et bellatores qui créa un premier ordre de guerriers sacrés ne fut pas sans conséquences et entraîna toute une série de changements et d’ouvertures.
Vous parlez également d’une révolution pacifique, « non pas dans un sens antibelliciste, mais dans leurs rapports et leurs échanges avec les autres religions »...
Les Templiers étaient des soldats, mais ils ont exercé cette fonction comme un travail, comme une profession et non comme un privilège de classe, selon le principe « ora et labora », « prie et travaille » de saint Benoît. Donc, comme le prévoit la règle, ils ont combattu l’ennemi qui était désigné comme tel par l’autorité publique, ennemi qui n’était jamais l’islam en tant que tel. Dans une société où la guerre existe, ils ont choisi de partager la responsabilité du mal et de la violence, en travaillant constamment pour l’éliminer. Cela dit, la révolution pacifique des Templiers consiste à vider de l’intérieur la fonction du clergé dans la société et à élargir cette fonction à la société elle-même, pour aboutir à une société religieuse, mais non cléricale. Ce qui a impliqué une ouverture aux femmes, la diffusion de la culture religieuse en langue vulgaire, mais aussi la cohabitation avec des expériences religieuses différentes, les chrétiens d’Orient, qui étaient considérés schismatiques, et aussi les musulmans.