Marie-Antoinette et Axel de Fersen
Les dernières révélations de leurs lettres d'amour
Une histoire d’amour qui débute comme une romance à la Cour, à la lueur des mille chandelles de la galerie des Glaces, se poursuit dans l’insouciance des parties de colin-maillard dans les jardins de Trianon et se termine à l’ombre de la guillotine, dans le sang et les larmes. Une reine très surveillée, un diplomate très épris : ces deux-là n’auraient jamais dû s’aimer. Leur passion malheureuse a sans doute modifié le cours de l’Histoire, la grande.
Ce soir-là, l’Opéra brille de tous ses feux, la fête bat son plein, dans un tourbillon d’étoffes de soie crissantes et de perruques poudrées. Attrait supplémentaire, le bal est masqué, les dominos qui couvrent les visages pimentent un peu plus les jeux de séduction. À l’abri d’un pilier, deux jeunes gens se parlent, et sont, pour quelques minutes encore, seuls au monde… Le 30 janvier 1774, la dauphine Marie-Antoinette rencontre Axel de Fersen, jeune comte suédois. Ils ont tous les deux 18 ans, et la vie devant eux. Quatre ans s’écoulent avant leur deuxième entrevue. Elle est devenue reine, lui un homme ambitieux, plus au fait du monde depuis qu’il a fait son « grand tour », un voyage initiatique de quatre années dans les cours d’Europe, réservé aux jeunes aristocrates. Son père Frédéric, connu à la cour de Louis XV, est chef du parti aristocratique de la Diète. Lui-même a reçu la meilleure éducation, maîtrise à merveille le français, porte beau, a le goût de la fête et l’ambition bien ancrée. La jeune reine est ravissante, dotée d’une carnation parfaite illuminée par de grands yeux bleus, et ne souhaite que s’étourdir pour oublier le poids de l’étiquette française et ce balourd de mari que sa mère, l’autoritaire MarieThérèse, lui a trouvé, pour le plus grand bien de l’Autriche. C’est vrai qu’il n’est pas très folichon le jeune roi de France : pas d’allure, une sensibilité inexistante ou du moins étouffée, une voix nasillarde, il n’est intéressé que par la chasse et les sciences. En outre, il a une peur panique des femmes et de la sexualité: il lui a quand même fallu des années pour consommer le mariage et huit ans pour que la reine tombe enceinte. C’est l’union de la carpe et du lapin.
L’appel de l’Amérique
Au contraire, la reine et le comte suédois ont beaucoup de points communs, à commencer par un bel appétit de vivre. Elle fait donc de lui son favori, sans doute pas encore son amant – elle est trop oie blanche et sous la coupe de sa mère pour oser braver les interdits qui pèsent sur la personne de la reine. De plus, elle est enfin enceinte de son premier enfant, Marie-Thérèse, future Madame Royale. En attendant, le bel Axel ne rate
pas une partie de colin-maillard et papillonne pendant deux ans à Versailles. Mais il a soif de découvrir le monde et d’y poser sa marque alors, en mars 1780, il embarque pour l’Amérique, aux côtés du comte de Rochambeau. S’ensuit une séparation de trois ans, pendant lesquels ils échangent leurs premières lettres ; alors qu’Axel se distingue à la bataille de Yorktown, Marie-Antoinette s’efforce de lui obtenir la direction du régiment RoyalDeux-Ponts. Même loin, il reste son favori. De son côté, elle perd sa mère, Marie-Thérèse, et sans doute par piété filiale, se rapproche de son époux qu’elle avait un peu tenu à l’écart. Le dauphin naît le 22 octobre 1781. De quoi l’occuper un peu, elle qui se morfond toujours dans cette Cour si empesée, excepté à Trianon, où elle reprend goût à la vie.
Un rendez-vous en tête-à-tête
Axel revient avant l’été 1783, qui sera la période la plus heureuse de leurs amours. La reine lui donne un rendez-vous en tête-à-tête le 15 juillet, après une partie de chasse avec le roi. Que se disent-ils, sinon des mots enflammés? Quelques jours plus tard, Axel écrit à sa soeur Sophie : « Je ne puis être à la seule personne à qui je voudrais être. » À la fin de l’été, il part continuer sa carrière en Suède et entame une correspondance avec une certaine Joséphine… et Josepha est le deuxième prénom de la reine. Leur complicité commence à faire jaser, ils prennent alors l’habitude d’envoyer leurs missives dans une double enveloppe. Elle ne saurait en effet être trop prudente. Son frère Joseph, qui a pris la succession de l’Autriche, la presse pour que la France soutienne ses ambitions, vis-à-vis de l’Empire ottoman et de la Hollande. Elle lui obéit et commence à se faire mal voir du peuple et de la noblesse. Qu’importe! Fersen revient le 7 juin à Versailles avec son roi, Gustave III de Suède. La reine organise des fêtes somptueuses à Trianon, dont le véritable héros est Axel, personne à Versailles n’a le moindre doute. Neuf mois plus tard, le 27 mars 1785, naît le second fils du couple royal. Fersen revient en mai, après un long séjour en Suède. La femme est heureuse, mais la reine s’alarme, car Paris lui réserve un accueil glacial pour la cérémonie des relevailles.