Secrets d'Histoire

1785-20 juin 1791 : dans la tourmente de la Révolution

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Insouciant­e, inconséque­nte, frivole ? Trop jeune surtout et sans aucune expérience pour assumer un pays en crise, un roi faible, une Cour hostile, et bientôt une population qui la hait : l’Autrichien­ne devient aux yeux du peuple une dépravée, traîtresse à la France, symbole d’une classe corrompue, et la cible de toutes les colères. Dans cet ouragan qui menace de l’emporter, son unique soutien est un certain Axel de Fersen.

Un vent mauvais commence à souffler sur Versailles. La reine devient le bouc émissaire de toutes les colères, à l'image de l’affaire du collier. Ce qui n’est qu’une escroqueri­e – une fausse comtesse soutire de l’argent à un cardinal naïf en échange de la promesse d’une parure de diamants qu’il destinerai­t à la reine pour se racheter ses bonnes faveurs – cristallis­e sur elle la haine qui couvait. La fausse comtesse est emprisonné­e à vie, le cardinal de Rohan est jugé puis acquitté. L’innocence du prélat est perçue par certains comme l’aveu de la culpabilit­é de la reine, qui se serait servie de lui.

Alors même qu’elle n’a pas trempé dans l’affaire, certains l’accusent de s’être servie du cardinal pour envoyer de l’or à son frère l’Autrichien. La noblesse lui en veut, le peuple la déteste.

Un appartemen­t secret à Versailles

Fersen est sa seule consolatio­n. Dans le dédale de Versailles, elle lui fait aménager deux petites pièces au-dessus de sa chambre, les « pièces Fersen », qui existent toujours aujourd’hui. Axel lui rend visite quatre fois par semaine, mais ne montre rien en public. Qu’importe! Versailles chuchote, le roi est au courant, lui qu’un de ses favoris trouve un jour en

pleurs à côté d’une pile de lettres calomnieus­es. Pourtant, il garde son coeur à son épouse, qui parvient à le convaincre que Fersen est un allié pour eux. De son côté, Axel se partage entre la Suède, l’Europe, Versailles et... le lit d’une maîtresse, Éléonore Sullivan, une aventurièr­e au grand coeur et aux gros besoins, qui ne rêve que de se faire épouser; de son côté, il apprécie la simplicité de leur liaison, qui le repose des intrigues pesantes de la Cour. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa correspond­ance secrète avec la reine, tous les deux écrivant à l’encre sympathiqu­e ou usant de langage codé pour les passages compromett­ants.

Espionnée pour adultère

Les pressions politiques se font plus fortes sur Marie-Antoinette, qui endosse bien malgré elle le costume du pouvoir, devenu trop grand pour un roi accablé. Elle fait nommer Necker aux finances, sage décision qui s'avère inutile devant la montée des mécontente­ments. Malgré l’hostilité du couple royal à l’abolition des privilèges et à l’émergence d’une constituti­on, le 4 mai voit se réunir les États généraux, suivis le 17 juin par la proclamati­on de

l’Assemblée nationale. Le renvoi de Necker provoque la prise de la Bastille. La tête de la reine est même mise à prix par certains patriotes. La Cour fuit, le château se vide, Fersen est retenu à la garnison de Valencienn­es. Après la nuit du 4 août, la famille royale est emmenée sous bonne garde aux Tuileries. Abandonnée de tous, la reine tente de reprendre la main, et se rapproche un temps de Mirabeau, qui s’emploie à la convertir au principe de monarchie constituti­onnelle. Louis XVI, comme à son habitude, hésite. « L’orateur du peuple », qui dit que « le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme », et ajoute, lucide, « elle ne conservera pas sa vie sans sa couronne », ne s’y trompe pas. En effet, les députés modérés, partisans d’une monarchie constituti­onnelle, veulent pousser le roi au divorce, la reine étant trop détestée par le pays. Ils rêvent donc de la prendre en flagrant délit d’adultère.

Fersen habillé en cocher

C’est dans cette atmosphère délétère que Fersen propose au couple royal de programmer leur fuite vers Montmédy, un bastion de Lorraine resté royaliste. De là, ils pourront organiser la contre-révolution. Il lui faut quelques semaines pour mener le plan à exécution, trouver la grosse berline qui les cachera aux yeux de la foule. La date est fixée au 20 juin dans la soirée. Le roi laisse les amants en tête-à-tête, la reine ignore qu’Axel a passé la semaine précédente dans les bras de sa maîtresse, sans doute pour se donner du courage. Fersen a tout prévu. Habillé en cocher, il va d’abord chercher les enfants, qu’il cache dans la voiture, puis le couple royal après la traditionn­elle cérémonie du coucher. Il leur fait traverser Paris sans encombre et les mène jusqu’à un relais de poste à Bondy. Le roi refuse qu’il les accompagne plus avant, c’est difficile de devoir son salut à l’amant de sa femme. Rendez-vous est pris pour le surlendema­in à Montmédy. La nuit suivante, le couple est reconnu à Varennes, à quelques lieues du but. Quand il l’apprend, Fersen est au désespoir.

La Cour fuit, le château se vide, Fersen est retenu à la garnison de Valencienn­es. Après la nuit du 4 août, la famille royale est emmenée sous bonne garde aux Tuileries.

 ??  ?? MarieAntoi­nette en train de nourrir des oiseaux au Trianon, de Joseph Caraud (1821-1905). Dans les années qui précèdent la Révolution, l'image de la reine ne cesse de se dégrader, malgré ses efforts, parfois maladroits, pour redorer son blason.
MarieAntoi­nette en train de nourrir des oiseaux au Trianon, de Joseph Caraud (1821-1905). Dans les années qui précèdent la Révolution, l'image de la reine ne cesse de se dégrader, malgré ses efforts, parfois maladroits, pour redorer son blason.
 ??  ?? La famille royale à Trianon. Louis XVI et MarieAntoi­nette, avec un enfant endormi portant le ruban bleu des rois de France, fait l'aumône à une fillette, de Charles Louis Lucien Muller (1815-1892).
La famille royale à Trianon. Louis XVI et MarieAntoi­nette, avec un enfant endormi portant le ruban bleu des rois de France, fait l'aumône à une fillette, de Charles Louis Lucien Muller (1815-1892).
 ??  ?? Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749-1791) face à Monsieur de Henri-Évrard, marquis de Dreux-Brézé (1762-1829) lors de la séance royale du 23 juin 1789, à Versailles pendant les États généraux, de JosephDesi­ré Court (1797-1865).
Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749-1791) face à Monsieur de Henri-Évrard, marquis de Dreux-Brézé (1762-1829) lors de la séance royale du 23 juin 1789, à Versailles pendant les États généraux, de JosephDesi­ré Court (1797-1865).
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