Secrets d'Histoire

Les Landes, tout un roman

- Par Sophie Denis

On connaît leur verte nature, aux fragrances iodées et balsamique­s, forêts de pins à l’infini, plages sauvages, stations balnéaires chics ou familiales. On oublie souvent qu’elles sont terres d’Histoire, partie prenante de celle mouvementé­e de l’Aquitaine, racontée par ses abbayes romanes, ses bastides médiévales jusqu’aux bunkers du mur de l’Atlantique.

Il y a les Landes de pins, celles des forêts tirées au cordeau et des plages à l’infini, et celles de la Chalosse, bosselées de coteaux verdoyants et parsemées de rivières bavardes. Belles endormies, les premières ne se sont vraiment réveillées qu’au xixe siècle, avec les plantation­s de pins et l’émergence des stations balnéaires ; terre de bastides gasconnes et d’abbayes romanes, les secondes ont été chahutées par les conflits qui ont agité l’Aquitaine, entre guerre de Cent Ans et affronteme­nt entre catholique­s et protestant­s. Conquise par Crassus, lieutenant de César, l’Aquitaine vit une période prospère, à l’image du reste de la Gaule, pendant la Pax Romana. Devenue Novempopul­anie, le pays des neuf peuples, elle s’urbanise avec des villes comme Dax, qui à l’époque s’appelle Aquae Tarbellica­e, les eaux des Tarbelles, du nom du peuple présent du sud des Landes jusqu’à la Chalosse. Ses eaux y sont déjà chaudes, mais ne deviendron­t curatives qu’à la Renaissanc­e. Au ve siècle, les Wisigoths concluent un traité avec l’Empire romain, qui leur alloue le titre de

peuple fédéré (foedus) en Aquitaine. C’est à cette période qu’une princesse goth, Quitterie, nouvelleme­nt convertie, est décapitée pour avoir refusé d’abjurer sa foi. Son culte s’installe à Aire-surAdour, comme ceux des évangélisa­teurs Sever et Girons, venus propager le christiani­sme en Novempopul­anie. Au xe siècle, Guillaume Sanche prend la tête du duché de Vasconie, qui deviendra Gascogne au xiie siècle. Il repousse les Vikings qui avaient déjà menacé la région en remontant l’Adour, ravagé Bayonne et Dax, et remporte une victoire importante à Taller en 982. Il peut désormais asseoir son pouvoir en fondant une dizaine d’abbayes dont celle de Saint-Sever, qui s’enrichisse­nt avec l’afflux des pèlerins en route vers Saint-Jacques de Compostell­e. Après le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenê­t, en 1152, la région bascule sous la domination anglaise pour trois siècles. C’est aussi le début de la fondation des bastides, ces villes nouvelles construite­s sur un plan en damier, où les population­s viennent se réfugier pour échapper aux conflits, Hastingues, Tursan, Geaune, Grenadesur-l’Adour, Montfort-en-Chalosse.

Des guerres de Religion pendant près de quarante ans

Les guerres de Religion affectent profondéme­nt la région. La responsabi­lité en revient à Marguerite de Navarre, soeur de François Ier, qui, alors récemment convertie, contribue à la diffusion du protestant­isme lors de ses séjours à Mont-de-Marsan. Jeanne d’Albret reprend le flambeau en autorisant le calvinisme sur ses terres. S’ensuivent trente-six ans de guerre civile, qui opposent les troupes catholique­s de Blaise de Monluc aux huguenots rassemblés derrière le comte de Montgomery. Saint-Sever, Dax, Grenade-sur-Adour, Mont-de-Marsan, Labastided’Armagnac passent plusieurs fois d’un camp à l’autre, les massacres se répondent des deux côtés. En villégiatu­re à Biarritz, Napoléon III s’intéresse à la Haute Lande, qui n’est alors qu’un territoire hostile, désert de dunes en bord d’océan, et marais à l’intérieur des terres, où subsiste un agropastor­alisme misérable. Il soutient une loi pour obliger les propriétai­res à assainir le sol en y plantant des pins. C’est ainsi que naît la plus grande forêt d’Europe. Lui-même crée un domaine impérial de 8000 hectares, vitrine des nouvelles méthodes agricoles, et lui donne le nom d’une récente victoire: Solférino. Les deux guerres mondiales épargnent les Landes. Pendant la seconde, les Landes participen­t malgré elles à l’effort de guerre allemand avec l’édificatio­n de nombreux bunkers, le long du mur de l’Atlantique. Aujourd’hui encore, on en dénombre 154, dont la moitié entre Capbreton et Tarnos.

Après le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenê­t, en 1152, la région bascule sous la domination anglaise pour trois siècles.

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 ??  ?? Vue aérienne de l’embouchure du courant d’Huchet, qui relie le lac de Léon à l’océan à Moliets, au coeur de la végétation luxuriante des paysages des Landes.
Vue aérienne de l’embouchure du courant d’Huchet, qui relie le lac de Léon à l’océan à Moliets, au coeur de la végétation luxuriante des paysages des Landes.
 ??  ?? Chef-d’oeuvre du xiie siècle, cette fresque de la chapelle SainteRade­gonde (Chinon) représente une chevauchée royale, ou une partie de chasse, avec différents membres de la famille Plantagenê­t, dont Aliénor d’Aquitaine et ses fils.
Chef-d’oeuvre du xiie siècle, cette fresque de la chapelle SainteRade­gonde (Chinon) représente une chevauchée royale, ou une partie de chasse, avec différents membres de la famille Plantagenê­t, dont Aliénor d’Aquitaine et ses fils.
 ??  ?? Photograph­ie de femmes participan­t à la récolte de la résine des pins maritimes dans les Landes, en 1907. À l’époque, la grande utilité de sa résine, notamment pour fabriquer torches et bougies puis, en la distillant, de l’essence de térébenthi­ne, a valu au pin maritime le surnom d’ « arbre d’or ».
Photograph­ie de femmes participan­t à la récolte de la résine des pins maritimes dans les Landes, en 1907. À l’époque, la grande utilité de sa résine, notamment pour fabriquer torches et bougies puis, en la distillant, de l’essence de térébenthi­ne, a valu au pin maritime le surnom d’ « arbre d’or ».

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