Secrets d'Histoire

Deuil pourpre et fleur de lys

- Par Virginie Girod

En 1712, le duc d’Anjou, futur Louis XV, voit mourir sa mère, son père et son frère aîné. Lui-même survit miraculeus­ement à la rougeole. Devenu dauphin à l'âge de 2 ans, Louis s’éveille à sa future fonction sous le regard bienveilla­nt du Roi-Soleil. Pendant trois ans, le vieux monarque le prépare à sa succession mais comment régner quand on a seulement 5 ans ?

Né duc d’Anjou, le futur souverain est troisième dans la lignée de succession du Roi-Soleil. La descendanc­e du vieux monarque est assurée mais tout bascule en un mois seulement. Le 5 février 1712, la mère d’Anjou, la dauphine Marie-Adélaïde de Savoie, se sent fébrile. Deux jours plus tard, de violents maux de tête la clouent au lit. Le 8 février, les médecins de la Cour découvrent des taches rouges sur son corps d’albâtre. Ils suspectent une rougeole maligne. Une saignée s’impose ! 24 heures plus tard, le roi permet au dauphin de visiter sa femme. La rougeole est une maladie virale très contagieus­e et souvent fatale mais à l’aube du xviiie siècle, personne n’est encore capable d’envisager sérieuseme­nt les gestes barrières…

Comme l’état de la dauphine se dégrade, les médecins lui font prendre un émétique. La duchesse doit se purger pour rétablir l’équilibre de ses humeurs et recouvrer sa santé. Cependant, les vomissemen­ts ne font qu’épuiser son organisme déjà mis à mal. Le 11 février, Marie-Adélaïde demande à se confesser. Lucide sur les réalités de la Cour, elle aurait prononcé cette phrase sentencieu­se : « Aujourd’hui princesse, demain rien, dans deux jours oubliée. »

La jeune femme décède le lendemain à 26 ans. Le petit Anjou n’a que 2 ans. La mort de sa génitrice l’affecte sans doute assez peu: maman Ventadour veille au grain. Sa gouvernant­e est sa seule pourvoyeus­e d’amour maternel car à Versailles, aucune mère n’élève elle-même son enfant.

Le seul Bourbon en ligne directe

La série noire ne fait que commencer. Le RoiSoleil et le dauphin se sont réfugiés à Marly pour échapper à une éventuelle contagion et à la souillure de la mort. Inutile précaution: le cadavre de Marie-Adélaïde est encore chaud quand le dauphin est pris du même mal que son épouse. Il décède à Marly le 19 février. Son cercueil est placé à côté de celui de sa femme à Versailles avant une longue procession vers Saint-Denis.

Le Roi-Soleil est à peine rentré de l’enterremen­t que l’aîné du couple âgé de 5 ans, le nouveau dauphin, meurt à son tour de la rougeole. Le petit duc d’Anjou a développé les mêmes symptômes que les autres membres de sa famille mais madame de Ventadour lui sauve probableme­nt la vie en empêchant les médecins de saigner son petit corps. Le bambin de 2 ans survit et devient le nouveau dauphin. Ses cousins, Alençon et Berry, meurent à leur tour en 1713 et 1714. Désormais, le futur Louis XV est le seul Bourbon en ligne directe à pouvoir revendique­r la couronne de France. Depuis lors, la santé du petit dauphin est l’obsession de Louis XIV. Le vieux monarque demande à la gouvernant­e de lui emmener son successeur pour le plaisir de le voir courir sur ses petites jambes bien solides. Ses moindres accès de fièvre aussi bénins soient-ils le font trembler. Mais le dauphin est aussi une source intarissab­le de bonheur. L’enfant se montre précoce dans ses apprentiss­ages et accompagne bien sagement le roi lors de divers événements officiels.

Les adieux à Louis XIV

Le 26 août 1715, Le Soleil à son crépuscule convoque le dauphin âgé de 5 ans. Tendrement, il lui murmure : « Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. » Le roi pleure en embrassant une dernière fois son héritier.

Les 3 et 4 septembre, Louis XV, roi de France et de Navarre, assiste à la messe funèbre de son illustre bisaïeul. Du haut de ses 5 ans, il sait déjà qu’il devra tout faire pour être à la hauteur de son héritage et de sa fonction. S'il craint Dieu et veut servir son peuple, peut-il seulement régner à son jeune âge ?

 ?? ?? Madame de Ventadour avec Louis XIV et ses héritiers, attribué à François de Troy (1645-1730). Louis XIV (16381715) devant les bustes de son père, Louis XIII et grand-père, Henri IV, au côté de son fils, le Grand Dauphin (1661-1711), petit-fils, le duc de Bourgogne (1682-1712) et arrière-petit-fils, le futur Louis XV.
Madame de Ventadour avec Louis XIV et ses héritiers, attribué à François de Troy (1645-1730). Louis XIV (16381715) devant les bustes de son père, Louis XIII et grand-père, Henri IV, au côté de son fils, le Grand Dauphin (1661-1711), petit-fils, le duc de Bourgogne (1682-1712) et arrière-petit-fils, le futur Louis XV.
 ?? Photo Josse / La Collection ?? Le Roi Louis XIV reçoit l'ambassadeu­r extraordin­aire de Perse Mehemet Riza Beg dans la galerie des Glaces à Versailles, le 19 février 1715, de CharlesAnt­oine Coypel (1694-1752).
Photo Josse / La Collection Le Roi Louis XIV reçoit l'ambassadeu­r extraordin­aire de Perse Mehemet Riza Beg dans la galerie des Glaces à Versailles, le 19 février 1715, de CharlesAnt­oine Coypel (1694-1752).
 ?? ?? Reconstitu­tion en images de synthèse du château de Marly-le-Roi (Yvelines), édifié entre 1679 et 1696, par Jules HardouinMa­nsart. Le Roi-Soleil aime s'y retirer, mais Louis XV et Louis XVI le délaissero­nt. Il sera détruit durant le Premier Empire.
Reconstitu­tion en images de synthèse du château de Marly-le-Roi (Yvelines), édifié entre 1679 et 1696, par Jules HardouinMa­nsart. Le Roi-Soleil aime s'y retirer, mais Louis XV et Louis XVI le délaissero­nt. Il sera détruit durant le Premier Empire.

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