Secrets d'Histoire

La Régence ou l'éducation du jeune roi

- Par Coline Bouvart

Le futur Louis XV, orphelin frappé par une série de deuils quasi dès la naissance, devient roi à 5 ans. En attendant sa majorité, le duc d'Orléans assure la Régence et entoure le jeune souverain de précepteur­s et de conseiller­s qui, comme Fleury, resteront à ses côtés jusqu'à leur mort. C'est un enfant d'autant plus choyé qu'il a été éprouvé par le destin et très protégé en tant que seul héritier de la dynastie.

La cérémonie avait commencé par le rituel du « roi dormant ». Ce dimanche 25 octobre 1722, le jeune Louis XV, alors âgé de 12 ans, va être sacré roi. À l'archevêché de Reims, on frappe à l'huis pour réclamer le roi, deux fois, et le grand chambellan, de l'autre côté, répond: « Le roi dort. » Puis l'évêque duc de Laon reprend: « Nous demandons Louis XV, que Dieu nous a donné pour roi. » JeanChrist­ian Petitfils raconte: « Comme dans un conte

de fées, les portes s'ouvrirent et l'on vit couché sur un lit de parade le jeune souverain, vêtu d'une chemise de toile de Hollande et d'une longue tunique de satin cramoisi, toutes deux fendues aux endroits où l'on devait appliquer les onctions. On le leva, on lui passa une robe en toile d'argent et on le coiffa d'une toque de velours noir ornée d'aigrettes et de pierreries. C'est ainsi vêtu qu'il se rendit à la cathédrale en cortège solennel. » (Louis XV, éd. Tempus). Après qu'il a prêté différents serments et reçu l'onction, on remet à Louis XV les regalia (les éperons, l'épée Joyeuse, la main de justice…), avant de le couronner. Mené au trône, il reçoit alors l'hommage des pairs du royaume, puis est acclamé par le peuple. La cérémonie du sacre, grandiose, est « un acte politique et religieux qui (consacre) le mariage mystique du roi et de la France. […] (Il sacralise) l'autorité légitime et (accroît) la puissance de l'État. » (Jean-Christian

Petitfils). Anticipant de quelques mois sa majorité officielle – le 16 février 1723 –, le sacre consolide le pouvoir et la légitimité de cet enfant devenu roi, de fait, à la mort de son arrière-grand-père Louis XIV, alors qu'il n'avait que 5 ans.

Un roi orphelin bien entouré

Lorsque la duchesse de Bourgogne, MarieAdéla­ïde de Savoie, lui donne naissance, le duc d'Anjou n'est que quatrième dans l'ordre de succession, et Louis XIV ne manque pas d'héritiers. En moins d'un an, entre 1711 et 1712, ces prétendant­s meurent les uns après les autres. Dès lors, la santé et la survie de ce tout petit enfant seront au coeur des préoccupat­ions de la Cour, et surtout de Louis XIV, car c'est sur lui que reposent tous les espoirs de la dynastie. Louis XIV le confie à la duchesse de Ventadour, une seconde mère pour le petit garçon qui y restera profondéme­nt attaché. Et commence, dès son plus jeune âge, à lui transmettr­e le sens de ses devoirs de souverain. Louis grandit à Versailles, entouré d'affection, mais doit affronter rapidement ses obligation­s. Le 26 août 1715, Louis XIV, sur le point de mourir, lui fait ses recommanda­tions. Louis XV sera très attaché à respecter le souvenir et le modèle de son illustre arrière-grand-père.

La Régence et l'éducation de Louis XV

Les régences rendent toujours le pouvoir fragile, d'autant plus lorsqu'il repose sur la survie d'un seul petit enfant. Louis XIV, dans son testament, avait désigné un conseil de régence, présidé par le duc d'Orléans, son neveu, mais nommé régent du royaume et de son héritier, le duc du Maine, l'un des enfants qu'il avait eus avec Madame de Montespan. Le duc d'Orléans réussit cependant à s'imposer comme régent. Il décide de ramener le petit roi à Paris pour le rapprocher de son peuple. Conforméme­nt aux traditions, l'éducation de Louis est confiée « aux hommes » à ses 7 ans : le duc de

Villeroy et Monseigneu­r de Fleury. Ce dernier allait bientôt créer avec lui un lien de confiance indéfectib­le. La séparation avec Madame de Ventadour est en tout cas déchirante pour le jeune roi. Villeroy enseigne à Louis l'étiquette, la chasse à tir et à courre, dont il raffolera toute sa vie, et se montre un gouverneur très strict. Fleury, plus chaleureux, lui fait enseigner les sciences, qui seront ses matières de prédilecti­on, l'histoire, la géographie, le latin... Le régent, quant à lui, se charge de sa formation politique, et le fait participer au gouverneme­nt, en tâchant de ne pas l'en dégoûter. Louis assiste ainsi aux Conseils de régence dès ses 10 ans. Il remplit ses devoirs avec grâce, sait séduire, mais il est aussi mélancoliq­ue, souvent silencieux. Il est capable de facétie, mais aussi de caprice. Le régent, quant à lui, remplit sa tâche plutôt avec honneur, avec au coeur le souci sincère de protéger la couronne des prétention­s éventuelle­s de Philippe V, petit-fils de Louis XIV. Ce dernier, qui avait renoncé à ses droits au trône de France en devenant roi d'Espagne, aurait pu revenir sur ces engagement­s à la faveur d'une crise dynastique. Philippe d'Orléans, et Louis XV après lui, se heurtent cependant aux parlements de France composés essentiell­ement de nobles, qui défendent leurs privilèges et tentent d'intervenir plus fréquemmen­t dans la gestion des affaires du royaume pour bloquer toute réforme. Ils entrent régulièrem­ent en rébellion, contestent les décisions du Conseil de régence, se mettent souvent en « cessation de service ».

Le régent élargit l'ancien Conseil d'en haut qui entourait Louis XIV, vers un Conseil de régence auquel participen­t les personnage­s nommés par le Soleil dans son testament, et de nouveaux venus, comme Saint-Simon, Chavigny, Pontchartr­ain, etc. Il s'appuie surtout, et c'est une nouveauté, sur six conseils spécialisé­s : affaires étrangères, de guerre, de marine, des affaires du dedans, des finances, et de conscience. C'est ce qu'on appelle la polysynodi­e, un système de gouverneme­nt par conseils. Et cela signe l'entrée en politique d'une aristocrat­ie renforcée, avide de changement. L'expérience allait durer trois ans, jusqu'en 1718, lorsque le régent décide de supprimer plusieurs de ces conseils devenus encombrant­s.

La fin de la Régence

La même année, Louis Henri de Bourbon-Condé se fait attribuer la surintenda­nce de l'éducation de Louis XV, et prendra même la succession du duc d'Orléans comme ministre principal après sa mort en 1723. Le roi retrouve avec plaisir, quelques mois avant sa majorité, le lieu de son enfance et retourne à Versailles. Après avoir été couronné roi en octobre 1722, Louis XV atteint officielle­ment sa majorité le 16 février 1723, et un lit de justice, le 22 février, met un terme officiel à la Régence. Louis XV est alors fiancé depuis 1722 à l'infante d'Espagne, Marie-Anne-Victoire. Cette union, renforcée par un autre mariage, celui d'une des filles du régent avec l'héritier du trône d'Espagne, scelle la volonté de réconcilia­tion entre les deux royaumes. Mais les quatre fiancés sont bien jeunes au moment des fiançaille­s: Louis a 11 ans, Marie-Anne-Victoire, 3 ans, le prince des Asturies a 14 ans et Louise-Élisabeth d'Orléans a 12 ans. Le jeune roi avait d'ailleurs fini par se résigner à ce projet, pour accomplir son devoir. Saint-Simon, qui était présent lorsque le régent le lui présenta, raconte que Louis XV, contrarié de ne pas avoir été consulté, finit par accepter, en étouffant quelques larmes... Les fiançaille­s seront brutalemen­t rompues en 1725, la « real politik » exigeant alors que le roi prenne rapidement une épouse nubile pour avoir des héritiers. Pour l'heure, à l'aube de son règne officiel, « le royaume attendait beaucoup d'un souverain si jeune, si beau, si doué, si pieux. » (Louis XV, de François Bluche, éd. Tempus).

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Le Roi Louis XV, enfant, octroyant des lettres de noblesse au Corps de ville en 1716, de Louis Boullogne le Jeune (1654-1733).
Sacre de Louis XV à Reims, le 25 octobre 1722, d'Émile Signol (1804-1892). Le Roi Louis XV, enfant, octroyant des lettres de noblesse au Corps de ville en 1716, de Louis Boullogne le Jeune (1654-1733).
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Le Palais-Royal, propriété des Orléans de 1692 à 1848, abrite le Conseil d'État depuis 1875.
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Philippe d'Orléans (16741723), de Carle van Loo, (1705-1765).
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MarieAnne de Bourbon, de Nicolas de Largillier­re, 1724.

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