Louis XV, un roi (trop) parfait ?
Sur son lit de mort, Louis XIV avait recommandé à son héritier d' « être soumis à Dieu » et de « soulager (ses) peuples ». Pieux, respectueux de l'étiquette, Louis XV va également assurer rapidement l'un de ses premiers devoirs de souverain : concevoir des héritiers. Son mariage avec Marie Leszczynska sera d'ailleurs heureux pendant plusieurs années, avant que la tentation ne le porte ailleurs.
Àpeine ses fiançailles rompues avec l'infante Marie-AnneVictoire, Louis XV est pressé par ses conseillers de se marier. On passe alors toutes les candidates en revue, mais c'est finalement une jeune fille « timide, pieuse », « sans alliance ni fortune » (Louis XV, Jean-Christian Petitfils, éd. Tempus) qui est retenue: Marie Leszczynska, fille de l'éphémère roi de Pologne. « Petite, mais fine et de taille bien proportionnée », elle a « des cheveux châtains, un front élevé, des yeux bruns vifs, un nez et un menton un peu fort ».
Elle a alors bientôt 22 ans, et cet écart d'âge n'est pas pour déplaire à Louis XV. Elle présente surtout l'avantage, pour ses conseillers, de pouvoir donner tout de suite des héritiers au trône de France.
Le 15 août 1725, Marie épouse par procuration le roi à Strasbourg, et le 4 septembre, Louis XV se porte à sa rencontre et l'accueille près la Grande-Paroisse, non loin de la forêt de Fontainebleau. Sous le charme de la jeune femme, il ne peut alors prononcer un mot. Le mariage est célébré dans la chapelle du château de Fontainebleau le lendemain, et au matin
de la nuit de noces, le couple royal est rayonnant. Dès lors, le roi se montre apparemment sincèrement amoureux de la reine.
Dix ans et dix enfants
Initié par la reine aux plaisirs de la chair, Louis XV s'y livre avec délectation. Quant à Marie, elle est très éprise de son époux et très heureuse. Mais leurs caractères et les grossesses successives et rapprochées de la reine finissent par les séparer, ainsi que l'écart de leurs naissances, selon Jean-Christian Petitfils. Louis XV se renferme. Les quelques tentatives d'intervention politique de Marie agacent le roi, qui devient froid. Le couple royal donne cependant naissance à dix enfants, huit filles et deux garçons, parmi lesquels seulement trois moururent en bas âge. Cinq de leurs filles sont envoyées à l'abbaye royale de Fontevraud, autant par souci d'économie que pour les protéger. Jamais leurs parents ne vinrent les voir.
Un roi pieux marqué par l'influence de Fleury
À sa majorité, Louis avait confirmé dans leurs fonctions la plupart de ses conseillers, mais il se sépare bientôt du duc de Bourbon, tombé en disgrâce. Le dimanche 16 juin 1726, raconte Jean-Christian Petitfils, le roi prend la parole à son Conseil: « Il était temps que je prisse moimême le gouvernement de mon État et que je me donnasse tout entier à l'amour que je dois à mes peuples, pour leur montrer combien je suis touché de leur fidélité. » S'il inaugure ainsi sa prise de pouvoir personnel, il renouvelle également sa confiance à Fleury, nommé cardinal la même année. En réalité, si le roi règne, c'est largement Fleury qui gouverne. C'est une véritable dyarchie qui se met en place, et la confiance et l'affection même qui lient le roi à Fleury, dureront encore près de vingt ans, jusqu'à la mort du prélat. Leurs caractères, leur amabilité, mais aussi leur prudence et leur méfiance, s'accorderont parfaitement. Chrétien convaincu et très pratiquant, Louis XV résiste plusieurs années à la tentation de tromper la reine. Ses scrupules, sincères, sont d'ailleurs renforcés par les mises en garde de Fleury. Ce fidèle conseiller craint en réalité aussi qu'une femme, prenant l'ascendant sur le roi, ne lui dispute son influence... Et Louis XV, qui vit dans la terreur de l’Enfer, sait qu’il ne peut, lui, le monarque de droit divin, accéder à la communion s'il est adultère. Mais la tentation, sous les traits de Louise de Mailly-Nesle, est trop forte...