Tentations libertines : les soeurs Mailly-Nesle
Pendant dix ans, Louis XV entretient des liaisons avec les soeurs Mailly-Nesle. Ces adultères avec des femmes soucieuses de flatter son ego lui donnent confiance en lui. Il s’affranchit de l’influence de ses tuteurs pour subir celle plus libertine mais aussi belliciste du clan MaillyNesle lors de soupers privés en rupture avec l’étiquette instaurée par Louis XIV.
Les échos des rires résonnent au château de La Muette. Pendant le souper, le roi lève son verre à « l’Inconnue ». Un frisson parcourt l’assemblée. Le souverain a une maîtresse, enfin! En 1733, Louis XV a 23 ans. Il sort progressivement de la tutelle du régent et du cardinal de Fleury. Le choix d’une favorite est une forme d’émancipation mais il fait aussi entrer une femme dans le jeu des influences politiques. Mademoiselle de Charolais, la cousine du roi, sait qu’en choisissant sa maîtresse, elle s’assurera une place privilégiée dans les cercles officieux du pouvoir. Elle se met en tête de présenter au roi une fille soumise et redevable de ses services, l’aînée des soeurs Nesle: Louise Julie de Mailly, l’une des dames du palais de la reine. Son rôle d’entremetteuse lui vaudra le surnom de « maquerelle royale ».
Louis XV s’entoure du clan Nesle
Un soir, Louis XV rend visite à son épouse mais il est impatient d’écourter ce moment familial. Après son départ, Louise Julie demande à la souveraine l’autorisation de se retirer. Celle-ci, bafouée mais impuissante, rétorque sèchement : « Allez-y puisque vous êtes la maîtresse. »
Plutôt timide, Madame de Mailly n’exige rien du souverain. En lui permettant de se sentir beau, fort et puissant, elle développe sa confiance en lui. En outre, le sexe épanouit cet homme à la nature sensuelle. Désormais affranchi de certains rituels, le roi s’autorise des soupers en comité restreint où seul est admis le clan Nesle. Si beaucoup de femmes jalousent la favorite, il en est une prête à tout pour prendre sa place. Pauline Félicité de Nesle est l’une de ses petites soeurs. Elle supplie la favorite de l’accueillir à Versailles. De guerre lasse, Madame de Mailly l’introduit à la Cour et la présente au roi lors d’un souper. Pauline Félicité est laide et sent mauvais au point qu’on dit qu’elle a une « odeur de singe », mais elle a l’esprit vif et beaucoup d’humour. Louis XV tombe sous son charme. Aussi, demandet-il à Louise Julie d’organiser une rencontre avec la jeune fille. Madame de Mailly cède sa place à sa cadette après un court ménage à trois. Comme la bienséance exige que Mademoiselle de Nesle soit mariée, Mademoiselle de Charolais lui trouve un jeune époux enclin à supporter un cocufiage contre une rente. L’heureux élu est le comte de Vintimille, le petit-neveu de l’archevêque de Paris. La nouvelle Madame de Vintimille est choyée par le roi. Elle est la première à jouir d’une reconnaissance particulière sous le règne du Bien-Aimé. Mais pour Pauline Félicité, ce n’est pas assez. Elle souhaite ardemment que son amant s’illustre sur le champ de bataille – il s’agit de la raison d’être de la noblesse à l’époque – et le pousse à entrer en guerre contre l’Autriche. Elle contribue à faire ainsi pencher la balance des jeux d’influence du côté des bellicistes.
En 1741, la favorite met au monde un petit garçon qui sera surnommé « Demi-Louis » en raison de sa ressemblance avec le roi. Hélas, la mère est prise d’une terrible fièvre puerpérale. Louis XV veille au silence nécessaire à son repos, fait couper les fontaines du jardin et en ordonne de joncher la cour de fumier pour amortir le bruit des pas et des carrosses. Les courtisans crottent leurs souliers pour rien: Madame de Vintimille meurt quelques jours après son accouchement.
Rivalités et réceptions libertines
Chez les Mailly-Nesle, une soeur peut en cacher une autre. Dans l’espoir de renforcer son clan autour du roi, Madame de Mailly fait venir deux autres de ses soeurs à la Cour. Madame de Flavacourt, la seule qui ne visitera jamais le lit du roi, obtient de Louise Julie son poste de dame d’honneur chez la reine. Elle assure ainsi durablement sa présence à Versailles. Madame de Tournelle, quant à elle, jeune veuve étourdissante de beauté qui ne songe qu’à prendre la place encore chaude de Madame de Vintimille atteint sans peine son objectif. La dame est aussi belle qu’orgueilleuse. Elle a toujours un mot perfide pour la reine et ne manque pas de condescendance envers le roi qu’elle traite comme son esclave. Elle exige de lui le renvoi de Madame de Mailly. Littéralement exilée à Paris, l’aînée des soeurs Nesle sera la dernière favorite royale à s’imposer le port du cilice pour flétrir sa chair coupable. Madame de Tournelle trouve en sa soeur, Madame de Lauraguais, une autre rivale. Comme Louise Julie des années plus tôt, elle est obligée d’organiser les rendez-vous de son amant et de sa cadette. Elle garde cependant la mainmise sur les soupers du roi. Les femmes y sont rares et les courtisans triés sur le volet. Le duc de Richelieu a souvent l’heur d’y être admis. Ces réceptions privées réservées aux libertins bellicistes attisent la haine des courtisans. Selon de Luynes, Madame de Tournelle est amoureuse d’un autre homme et se sert du roi pour assouvir ses ambitions. Les plus dévots crient au scandale : ces adultères flirtant avec l’inceste sont l’expression la plus terrible du péché de luxure.
En 1743, Madame de Tournelle triomphe. Le roi la fait duchesse de Châteauroux et lui offre la charge inédite de surintendante de la maison de la nouvelle dauphine. Les soeurs Mailly-Nesle et leur clan sont au fait de leur gloire pour le meilleur et pour le pire…