CAMILLE PASCAL « ELLE PENSE QUE LA CHARGE DE MAÎTRESSE ROYALE DOIT ÊTRE L’APANAGE DES PLUS GRANDES FAMILLES DE FRANCE »
Pour la noblesse de Cour, être maîtresse royale est une charge comme une autre. Les soeurs MaillyNesle s’efforcent donc de la conserver dans la famille mais le tragique épisode de Metz sera à l’origine de la chute de Madame de Châteauroux et sèmera la première graine de la Révolution française.
Madame de Châteauroux aime-t-elle vraiment Louis XV ou n’est-il que l’objet de son ambition? Dans les lettres inédites que j’ai pu consulter, la duchesse de Châteauroux s’en explique au duc de Richelieu: elle commence à aimer le roi après lui avoir cédé. Elle n’est pas amoureuse du roi mais s’est laissée séduire par l’homme. Cependant, la conquête du souverain par Madame de Châteauroux est bien le fruit d’une stratégie. Elle pense que la charge de maîtresse royale doit être l’apanage des plus grandes familles de France et que celle-ci doit rester dans le clan Mailly-Nesle. Pour elle, succéder à ses soeurs dans le lit du roi n’est pas une forme d’inceste mais la passation d’une charge. Elle exige cependant d’être présentée à la Cour, d’avoir un appartement et des rentes. Elle veut être maîtresse déclarée comme la Montespan.
Madame de Châteauroux pousse-t-elle le roi à entrer en guerre contre l’Autriche ?
Le cardinal de Fleury a assuré, jusqu’à sa mort, plus de vingt ans de paix au royaume. Cette longue
période de calme déplaît à la noblesse conçue pour tirer son prestige de la guerre. Un roi doit être un roi de guerre! Madame de Châteauroux pousse donc Louis XV à guerroyer. Elle a des intérêts financiers dans le conflit car elle est proche des frères Pâris, des financiers liés à la guerre. Le roi, lui, utilise sa maîtresse pour initier des négociations diplomatiques secrètes et agir sans l’aval de ses ministres.
En quoi consiste l’épisode de Metz ? Contribuet-il à fissurer le pacte mystique entre le peuple et la monarchie ?
Alors que le roi part sur le front des Flandres, les Autrichiens attaquent l’Alsace. Le souverain bifurque vers Metz pour contrer l’offensive. Là, il est rejoint par Madame de Châteauroux au moment où il tombe malade. Le roi s’enferme dans sa chambre avec sa maîtresse, Richelieu et quelques intimes, et tente de cacher la gravité de son état. Au bout de quelques jours, le premier aumônier exhorte le roi à s’en remettre à Dieu. Pour lui donner l’absolution, le prélat exige du souverain le renvoi de ses maîtresses et une confession publique. Louis XV reconnaît devant la Cour, l’état-major et le parlement de Metz qu’il n’est pas digne d’être roi. Sa confession retranscrite par écrit est envoyée et lue dans toutes les paroisses de France. Ses aveux suscitent pour la première fois de l’histoire un sentiment de rupture entre le peuple et son souverain. C’est un traumatisme psychologique collectif à l’image d’une fêlure dans une porcelaine qui, au final, se brisera : la cassure nette interviendra en 1793...