1940-1962 : « The First Lady of the world »
Le temps presse. La guerre, qui est aux portes de l’Europe, apparaît inévitable aux États-Unis. Franklin tente de convaincre un pays qui ne veut pas s’engager de se lancer dans la lutte contre les fascismes. Vieillissant, fatigué par sa maladie, il a plus que jamais besoin de l’encombrante Eleanor pour y parvenir. Tout d’abord pour se faire réélire une troisième fois. Peut-il toujours compter sur sa loyauté ?
Les horreurs de la guerre d’Espagne ont chahuté les convictions pacifistes du couple présidentiel. La montée de l’antisémitisme perturbe profondément Eleanor, elle qui, en bonne WASP (protestant anglo-saxon blanc de milieu aisé), se permettait auparavant des propos racistes sur les Juifs. Roosevelt est persuadé que la guerre en Europe est inévitable et que les ÉtatsUnis doivent fournir les démocraties en armement. Il donne ainsi la priorité à l’industrie militaire.
Un troisième mandat
Il arrive à la fin de son second mandat et doit donc être réélu pour que cet effort soit poursuivi. Il veut Henry Wallace, marqué très à gauche, comme vice-président, et envoie Eleanor défendre leur cause à la convention démocrate qui fait la fine bouche. Jamais une First Lady n’a eu à remplir un tel rôle. Roosevelt obtient finalement l’investiture et est réélu à une bonne majorité. Merci Eleanor! La guerre va séparer les époux. Peu reconnaissant, Franklin met sa femme de côté, ne la tient pas au courant des affaires militaires, ne fait plus appel à ses talents de médiatrice. Est-ce parce que la guerre est une affaire d’hommes ? Même pas, puisqu’il s’appuie de plus en plus sur Anna, leur fille aînée. Eleanor dépérit. Le salut vient de l’Angleterre. Invitée par le roi Georges VI, elle est chargée par Franklin de resserrer les liens entre les deux pays. Une mission dont elle s’acquitte avec brio en rencontrant Churchill. Rassuré, Franklin l’envoie dans le Pacifique Sud soutenir les troupes américaines, ce que lui ne peut faire en fauteuil roulant. Cinq semaines durant, Eleanor sillonne 17 îles, se lève à l’aube, dort sur un lit de camp et visite des soldats. Elle revient épuisée, elle a perdu 14 kg.
La dernière trahison
En 1944, fait inédit dans l’Histoire des ÉtatsUnis, Roosevelt est élu pour un quatrième mandat. Malade et très fatigué, il se rend néanmoins à la conférence de Yalta avec sa fille Anna, en février 1945. À son retour, il va se reposer à Warm Springs, là où avait commencé son combat contre sa maladie. Le 12 avril, une hémorragie cérébrale vient le prendre, pendant une banale séance de pose pour un tableau. Eleanor avertit le vice-président Truman et fait rapatrier le corps de son mari en train. Le long des voies, aux passages à niveau, le peuple américain rend un dernier hommage à l’homme qui les gouverna treize ans durant en fauteuil roulant. Sans être dévastée, Eleanor est très choquée. Elle a découvert que Lucy Mercer, l’ancienne maîtresse de son mari, était présente à Warm Springs. Et, double trahison, Anna, sa fille, était au courant. « L’histoire est terminée », dit-elle en quittant la Maison Blanche. Pas la sienne! Elle refuse une carrière politique, mais se bat pour la charte des Nations unies. Poussée par Truman, elle part avec la délégation américaine pour l’Assemblée générale à Londres, est nommée à la commission des affaires sociales; elle se bat pour les réfugiés en posant la question de ceux qui sont déplacés pour fuir la mort dans leur pays. En 1947, elle est nommée présidente de la Commission des droits de l’Homme. Le 9 décembre 1948, elle présente la Déclaration universelle des droits de l’Homme devant un parterre conquis par son charisme. Truman la surnomme The First Lady of the world.
La vie secrète d'une femme d'exception
Elle voyage avec l’ONU, rencontre Nehru, affronte Khrouchtchev, soutient Kennedy… jusqu'à sa mort le 7 novembre 1962, des suites d'une tuberculose osseuse. Trois présidents, Truman, Eisenhower et Kennedy, assistent à ses funérailles.
En 1978, une correspondance privée est dévoilée entre Eleanor et une journaliste, Lorena Hickok, décédée dix ans plus tôt. On les découvre amantes. Leur rencontre remonte aux élections de 1932: Lorena vient de couvrir l'affaire du kidnapping du bébé Lindbergh. Leur amitié amoureuse durera trente ans, dont les 3300 lettres racontent l’histoire soigneusement cachée. Imprévisible Eleanor, plus que jamais icône féministe!