Louis XIII ronge son frein
Roi à 8 ans, Louis XIII est dépossédé de son pouvoir par sa propre mère. La régence plaît tant à Marie de Médicis qu’elle écarte son enfant de ses fonctions. Le petit souverain, mélancolique et bègue, se réfugie dans la chasse jusqu’à ce qu’une tournée dans le royaume ne réveille son désir de régner et de se rebeller contre une mère castratrice.
Conviés à la cour de France, les ambassadeurs vénitiens s’étonnent de voir le jeune Louis XIII écarté du pouvoir. Sa propre mère, la régente Marie de Médicis, le considère comme un adolescent empoté. Ivre de pouvoir, elle fait tout pour le disqualifier. Il est 7h15 en ce triste matin du 15 mai 1610 quand Louis XIII est réveillé. Son père est mort assassiné la veille. La nuit a été une succession de pleurs et de cauchemars. Le ventre noué, l’enfant de 8 ans boit une tisane en apprenant le texte qu’on lui a tendu au saut du lit. Habillé de violet, la couleur du deuil royal, il est emmené au couvent des Grands-Augustins où le Parlement l’attend pour un lit de justice, une cérémonie commandée la veille par Marie de Médicis où le jeune roi imposera sa volonté à cette institution.
Une cérémonie solennelle
Monté sur sa jument blanche, l’enfant entend le peuple s’écrier « Vive le roi ! » sur son passage. L’alacrité de la foule ne fait qu’accroître son chagrin. Arrivé au Parlement, il prend place sous un dais majestueux semé de lys d’or. Sa mère, vêtue d’une robe noire, le visage dissimulé sous un crêpe de deuil, se tient à ses côtés. Il est temps de prononcer les mots appris par coeur, des mots dont la maturité apparaît en décalage avec l’esprit d’un jeune enfant. Louis XIII intime au Parlement de reconnaître sa mère comme sa régente et de lui confier les pleins pouvoirs jusqu’à sa majorité à 13 ans et un jour. Soudain, tout remue autour de lui. Marie semble vouloir interrompre la cérémonie. Cette Italienne ombrageuse et un peu sotte se rend compte qu’elle vient de commettre une erreur politique. La veille, Sillery, Jeannin et Villeroy, les conseillers de feu Henri IV, ont poussé la reine à organiser ce lit de justice. En France, si la loi salique interdit aux femmes de porter la couronne, rien ne leur interdit d’être régente. Les exemples sont nombreux depuis le Moyen Âge et Catherine de Médicis a entériné cette tradition. Mais les
conseillers ont jugé opportun d’offrir la régence à la reine mère par le truchement du Parlement et non par son propre fils. Marie tient ainsi symboliquement son pouvoir d’une assemblée de nobles et non du roi en personne. Cela la fragilise mais il trop tard pour faire marche arrière.
Une relation mère-fils malmenée
À 8 ans, Louis XIII ne comprend pas ces subtilités. De retour au palais, il pleure entre les bras de sa gouvernante, Madame de Montglat. Il aurait voulu que son père soit toujours là. Il l’admirait tant. Henri IV a néanmoins laissé un héritage capital à son fils : la conscience et l’orgueil de son rang dont il se servira plus tard pour gouverner. Pour l’heure, Marie de Médicis exerce seule le pouvoir et assiste au Conseil trois fois par semaine entourée de Sillery, Jeannin et Villeroy. La voilà désormais pleine d’assurance. Prise par l’ivresse du pouvoir, elle voit son fils aîné comme son ennemi. Louis XIII est un enfant aux traits épais. Il n’est pas beau et son caractère s’est assombri depuis la mort de son père. Dépossédé de lui-même, il a à coeur de se faire obéir de ses précepteurs n’hésitant pas à leur imposer de rester debout lorsqu’il s’assoit. C’est bien tout ce qu’il a pour éprouver son pouvoir… En manque d’affection, il développe un bégaiement qui ôte toute fluidité à sa parole. Il n’est pas rare de le voir devenir rouge de colère lorsque les mots restent prisonniers de sa langue au point de se meurtrir le visage de ses mains. L’enfant n’est heureux qu’au grand air. Malgré une constitution fragile, il aime le jeu de paume et les exercices de guerre. Il montre très tôt un certain talent pour le maniement de l’épée et adore passer du temps à l’armurerie pour apprendre à utiliser des mousquets. La chasse est sa plus grande passion. Dès l’âge de 9 ans, il est capable d’éduquer des faucons et apprend patiemment à dresser les chevaux. Cela lui demande une grande discipline, de la patience et de la compassion. Grâce aux animaux, il apprend le sens de la justice qui fera de lui un roi clément avec les miséreux. Louis passe sa préadolescence en parties de chasse chevronnées. Tant qu’il chasse, il n’est pas au palais… Marie y trouve son compte.
La reine, ses alliés et le jeune roi
Elle gouverne maintenant avec son amie intime, Galigaï, et son mari, Concino Concini. L’Italien passe pour être l’amant de la reine et Louis XIII lui-même en est convaincu car il a déjà vu sortir l’homme des appartements de sa mère en faisant mine de se rhabiller. Mine seulement… car Marie ne couche pas avec lui, mais Concini tire des bénéfices à se faire passer à la Cour pour le maître de son coeur. Pendant la régence, les Grands profitent de l’affaiblissement du pouvoir pour se soulever à maintes reprises. Alors que son fils a 15 ans, Marie décide de l’emmener en tournée dans les villes de l’ouest du royaume pour fédérer ses soutiens. Louis XIII découvre le plaisir d’être acclamé dans sa tenue militaire. Il prend de l’assurance et cesse de bégayer. L’année suivante, en 1616, l’envie d’exercer enfin le pouvoir le taraude. Il doit trouver le courage de s’opposer à sa mère castratrice et à ses deux sbires. Il envoie un subtil signal de rébellion en jouant un rôle dans le ballet Armide et Renaud
Marie de Médicis exerce seule le pouvoir et assiste au Conseil trois fois par semaine. La voilà désormais pleine d’assurance. Prise par l’ivresse du pouvoir, elle voit son fils aîné comme son ennemi.
monté au palais. Dans cette oeuvre, le protagoniste échappe au sortilège d’une sorcière… Tel Renaud, Louis XIII annonce qu’il se débarrassera bientôt de l’Armide maternelle.