Une alliance politique réussie, une union malheureuse
Destiné à préserver la paix civile et à décourager toute ingérence espagnole dans les affaires intérieures françaises, le double mariage de Louis XIII et de sa soeur Élisabeth avec l’infante et le prince des Asturies permettait également à Marie de Médicis de consolider sa régence, le trône de Louis XIII et l’avenir de la dynastie. Tout en oeuvrant à faire avancer la Réforme catholique.
Scellé en 1611, le projet de mariage entre Louis XIII et l’infante Anne d’Autriche avait été l’occasion de grandes réjouissances. Louis XIII lui-même, à qui son entourage parlait de l’infante depuis son enfance, envisageait ce mariage favorablement: lors de l’échange de leurs portraits, il avait trouvé l’infante fort jolie. Mais la jeunesse des futurs époux, nés tous les deux en 1601 à quelques jours d’écart, avait repoussé le mariage de quelques années.
Une tournée de mariage
En août 1615, la régente, le roi et la Cour quittent Paris, direction Bordeaux qu’ils atteignent le 7 octobre. Le 18, le mariage d’Élisabeth et de Philippe des Asturies est célébré par procuration dans la cathédrale Saint-André. À plusieurs centaines de kilomètres de là, le même jour à Burgos, Anne d’Autriche, après avoir renoncé à ses droits sur la couronne d’Espagne, est mariée par procuration à Louis XIII. Élisabeth, la soeur de Louis XIII, et Anne d’Autriche se retrouvent à la frontière franco-espagnole, le 9 novembre, sur les rives de la Bidassoa, et rejoignent l’une et l’autre leur nouveau pays. Impatient de voir la future reine, Louis XIII, qui était resté à Bordeaux, va à sa rencontre, l’aperçoit à Castres, et lui lance, en dépassant son carrosse: « Io son incognito, Io son incognito ! » Ils sont officiellement présentés le 22 novembre à Bordeaux. Anne, richement parée, est plus belle encore que sur ses portraits. Après quelques échanges galants le lendemain, Louis XIII et Anne se marient le 28 novembre 1615 dans la cathédrale Saint-André.
Une nuit de noces désastreuse
Jusqu’aux 7 ans de Louis, on avait survalorisé sa « guillery », organe proprement « faiseur de roi », en encourageant sa curiosité sans refréner même certains attouchements. Il est possible, selon Marie-Claude Canova-Green, qu’au moment de « passer aux hommes », les interdits soudains à ce sujet aient pu déstabiliser l’enfant. « Il était certainement assez pudique, et probablement choqué par les débordements sexuels de son père. Il a pu en concevoir un rejet précoce des excès de chair. » Au soir de leurs noces, bien qu’Anne lui plaise manifestement, Louis XIII paraît donc très gêné, honteux même, et prétexte la fatigue pour regagner sa chambre après avoir conduit la reine dans la sienne. Mais la consommation du mariage était absolument nécessaire pour sceller l’alliance. Et Marie de Médicis va y veiller! Louis XIII finit donc par rejoindre Anne, et au bout d’un peu plus de deux heures, sort de la chambre en annonçant qu’il a accompli son devoir. En réalité, « à deux reprises, il avait tenté de déflorer la petite reine sans y parvenir et avait retiré de l’amour physique un dégoût profond » (Jean-Christian Petitfils). Traumatisé, il fuira toute nouvelle visite conjugale à la reine pendant quatre ans !