Vengeance et coup d’État, Louis devient roi
En 1610, Louis XIII, âgé de 9 ans, au spectacle de ses proches se disputant leur autorité sur lui, laisse tomber froidement : « J’espère qu’un jour je serai à moi ! » Majeur en 1614, il reste cependant sous la tutelle de sa mère et ronge son frein en dissimulant sa rage. Il lui faudra plus de dix ans pour être enfin « à lui ».
Arguant de sa santé fragile et de ses difficultés d’élocution, Marie de Médicis écarte très souvent le jeune roi du Conseil. L’équitation, la chasse, la musique, la danse le passionnent, certes, mais, tout en « faisant l’enfant », il rumine en secret son unique ambition: être le roi, pleinement et sans entrave, comme le lui dictent sa naissance et son droit sacré.
Des années de frustration
En 1617, il est torturé par des douleurs intestinales et rongé par les humiliations, qu’elles proviennent de la reine, du prince de Condé et, plus encore, du maréchal d’Ancre, Concini, qui reste couvert devant lui, le roi, et le traite derrière son dos de « nullité ». C’en est trop! En outre, il est persuadé que Concini est l’amant de sa mère, ce que sa piété et son sens de la majesté royale lui font regarder comme une ignominie. Marié depuis deux ans à Anne d’Autriche – mariage manqué dont il ne goûte aucun des plaisirs charnels ou affectifs – Louis XIII n’a que les gens de sa Maison, ses compagnons de chasse, au premier rang desquels son oiseleur, Charles d’Albert de Luynes, et quelques amis gentilshommes pour partager sa volonté d’en finir avec le favori honni. Il ne donne pas l’ordre explicite de le tuer et souhaite le déférer devant le Parlement pour ne pas inaugurer son règne dans le sang, mais le fait est que, le 24 avril 1617, Concino Concini baigne dans le sien (lire encadré ci-dessous). Louis XIII peut enfin proclamer: « À cette heure, je suis roi ! » Marie de Médicis est exilée à Blois, tandis que la marquise d’Ancre, Galigaï, est exécutée et brûlée comme une sorcière le 8 juillet suivant.
L’exercice du pouvoir
C’est désormais le temps de Luynes, aussi avide que le fut Concini, mais sans autre ambition que de conserver la faveur du roi et d’en tirer tous les avantages pour lui et sa famille. En réalité, Louis XIII est bien décidé à exercer le pouvoir seul, avec l’appui d’anciens ministres de son père. Mais alors que la Réforme catholique triomphe, la question protestante reste inquiétante, notamment en Béarn, dont sa grand-mère, Jeanne de Navarre, a fait une véritable « république » huguenote. Dans la droite ligne de l’édit de tolérance de Nantes, il reconnaît la liberté de conscience à condition qu’elle ne menace pas l’unité du royaume. En 1622, les villes protestantes sont soumises et La Rochelle et Montauban constituées en places de sûreté par la paix de Montpellier. Entre-temps, Marie de Médicis s’est enfuie de Blois et menace de rallier à sa cause nombre de grands féodaux. Par deux fois, après une véritable guerre armée entre la mère et le fils, Richelieu s’entremet pour les réconcilier. Louis s’y résout sans toutefois redonner à la reine le droit de vote au Conseil. En revanche, il s’est rapproché d’Anne d’Autriche, est délivré de Luynes depuis 1621 et a révoqué ses ministres corrompus. Il marie sa soeur, Henriette-Marie, au roi d’Angleterre en 1625, et pose les premiers jalons d’une politique extérieure ambitieuse. Louis XIII est-il enfin « à lui »?