Louis XIII et les femmes, tragi-comédie cornélienne
Dans la perspective indémontrable, compte tenu des sources mais aussi des faits, d’une homosexualité latente de Louis XIII, il est une réalité indiscutable : sa passion déclarée et affichée pour deux femmes, Marie de Hautefort et Louise Motier de La Fayette. Amours dont le platonisme doit tout au « surmoi très chrétien » du roi, mais aussi à la résistance inattendue des deux demoiselles…
a scène contée par Mme de Sévigné se déroule en 1674 : « M. le dauphin voyait l’autre jour Mme de Schomberg. On lui contait comme son grand-père en avait été amoureux ; il demanda tout bas : “Combien a-t-elle eu d’enfants ?” On l’instruisit des modes de ce temps-là ! » Mme de Schomberg, alias Marie de Hautefort, a été, en effet, le grand amour de Louis XIII pendant près de dix ans, de 1630 à 1639, et, en effet, elle n’en eut pas d’enfants car ni l’un ni l’autre ne transigea avec sa conscience et ne succomba, l’un à l’adultère, l’autre à la perte de sa réputation. Telle était la « mode » sous Louis XIII, mais précisons que le roi était quasi seul à la suivre !
Une passion platonique
Dès leur première rencontre, il est ébloui par ce tendron de 14 ans, fille d’honneur de Marie de Médicis, dont la blondeur radieuse lui a valu le surnom de Belle Aurore. Sa grand-mère, Mme de La Flotte, est dame d’atours d’Anne d’Autriche, charge prestigieuse dont elle héritera. Louis XIII est fou amoureux mais ne sait guère parler aux femmes, d’autant moins qu’il est bègue. Ce qui ne l’empêche pas de l’abreuver d’histoires de chiens, de chasses et d’oiseaux, tout en lui faisant des scènes de jalousie à propos de ses nombreux prétendants. Le tout sous les yeux d’Anne d’Autriche, dont Marie est devenue l’amie et la confidente et qui a confiance en
sa vertu et sa loyauté. Marie de Hautefort n’a rien d’une « allumeuse » et le roi lui en sait gré. Là réside l’ambiguïté de leurs relations. Il l’aime parce qu’elle est merveilleuse et parce qu’elle est vertueuse ! Elle ne l’aime pas et prend plaisir, avec Anne qui trouve ici l’occasion de se venger de ses infortunes conjugales, à lui jouer de petites scènes où la raillerie le dispute à la provocation. Ainsi lorsqu’il tente de récupérer avec des pincettes d’argent un mot doux dans son décolleté. Il souffre comme un damné et s’en épanche notamment auprès de son premier écuyer Saint-Simon – le père du mémorialiste – qui, devant ses désirs avoués, se targue de faire céder la résistance de la demoiselle. C’était mal connaître Louis XIII : « Il est vrai que je suis amoureux d’elle, que je le sens, que je la cherche, que je parle d’elle volontiers et que j’y pense encore davantage ; il est vrai encore que tout cela se fait en moi malgré moi, parce que je suis homme, et que j’ai cette faiblesse ; mais plus ma qualité de roi ne peut donner plus de facilité à me satisfaire qu’à un autre, plus je dois être en garde contre le péché et le scandale. » Du Corneille dans le texte !
Une très chaste favorite
Désespéré, Louis s’amourache en 1635 de Louise de La Fayette. Richelieu, soucieux de se débarrasser de Marie qui intrigue avec la reine et Gaston d’Orléans, a poussé en avant cette jolie brune aux yeux bleus, douée pour le chant et la danse et fort pieuse. Mais dès lors qu’elle s’avise de critiquer la guerre contre l’Espagne et la misère du peuple, sa chute est programmée. De toutes les façons, bien qu’amoureuse, elle ne veut rien céder au roi qui, pour la première fois, a été tenté de sauter le pas et lui a proposé de l’installer à… Versailles! Louise se retire en 1637 au couvent de la Visitation de Chaillot. Et c’est après l’avoir visitée, un jour de grand orage, que, sur ses conseils, il rejoint le lit d’Anne au Louvre…