Une Castillane pour défendre la couronne de France
Le 29 novembre 1226, trois semaines seulement après le décès de Louis VIII, Blanche de Castille fait sacrer son fils héritier afin que sa légitimité ne soit pas contestée. Âgé de 12 ans seulement, Louis IX est encore trop jeune pour régner. Cette tâche revient à sa mère, bien que cela déplaise fortement aux grands du royaume ! Une femme et une étrangère à la tête de l’État ? Blanche prouvera que l’idée n’était pas si saugrenue…
Aussi dévastée soit-elle par la perte de son mari, Blanche n’a pas le temps de s’abandonner à son chagrin. « Ses enfants étaient petits et elle était une femme seule, de contrée étrangère, souligne le Ménestrel de Reims (chroniqueur du xiiie siècle). Elle avait à mater de grands seigneurs, le comte Philippe Hurepel de Boulogne, le comte Robert de Dreux, le comte de Mâcon son frère, le seigneur de Courtrai, le seigneur Enguerrand de Coucy, et tout ce grand lignage d’alors. Aussi, les redoutait-elle beaucoup. » Les vassaux du roi de France ne tardent pas à vouloir décrédibiliser la reine par tous les moyens. Ils accusent Blanche d’avoir fait empoisonner le roi par son supposé amant, le comte Thibaud IV de Champagne. Preuve de leur défiance à l’égard du pouvoir royal, la plupart ne sont même pas présents au sacre de Louis IX. Et cette situation fragilise la monarchie capétienne...
Désignée pour régner ?
Blanche de Castille devient « régente » sans en porter le titre. Le terme n’apparaîtra en France qu’au xive siècle et, pour l’heure, aucune règle juridique n’encadre ni ne définit ce statut. Il existe bien une coutume féodale prévoyant qu’une veuve puisse obtenir la tutelle d’un fief en cas de minorité de ses enfants, mais son pouvoir demeure dans les faits sans cesse confronté à
celui des vassaux. Louis VIII a eu beau prendre la précaution de rédiger son testament un an avant sa mort, il ne se doutait pas devoir rendre l’âme si tôt, et n’avait pas envisagé cette situation plus que précaire d’un héritier encore enfant. Légalement, Blanche disposerait du pouvoir en vertu des dernières volontés de son époux, prononcées à Montpensier. Une lettre authentique, datée de 1226 et signée de l’archevêque de Reims, des évêques de Chartres et de Beauvais, affirme que le roi les aurait tous les trois informés de son souhait de confier le « bail » et la « tutelle » du royaume et de ses enfants à la reine, jusqu’à ce que Louis atteigne « l’âge légal » pour gouverner. Un document « fortement suspect quant à son contenu », selon l’historien Georges Minois, mais dont la souveraine saura tirer le meilleur parti.
L’éducation de Louis IX, futur saint Louis
Louis est devenu l’héritier du trône à la mort de son frère aîné Philippe, en 1218. Depuis, Blanche de Castille s’est employée à éduquer le futur roi de
France. Elle souhaite qu’il devienne un monarque exemplaire, un modèle pour ses sujets, valeureux, érudit et juste. Son attention pour le dauphin augmente encore après le décès de Louis VIII. Profondément croyante, la reine délivre une éducation très pieuse à ses enfants. Louis IX grandit dans la crainte et l’amour de Dieu. En plus d’être formé aux lettres et à l’art du combat, il récite des psaumes, écoute la messe chaque jour, exerce son devoir de charité… Sa mère le guidera si bien sur le chemin du salut que la foi de Louis sera encore plus ardente que la sienne. Cette très grande dévotion lui vaudra d’être canonisé par le pape Boniface VIII le 11 août 1297. En parallèle, Blanche de Castille prend aussi soin de forger l’esprit de ses autres fils. Guillaume de Saint-Pathus, biographe contemporain de saint Louis, le confirme : « [elle] fit bien garder, élever et enseigner Monseigneur Robert – qui depuis fut comte d’Artois –, Monseigneur Alphonse – qui depuis fut comte de Poitiers –, et Monseigneur Charles – qui depuis fut comte d’Anjou puis roi de Sicile –, ses fils et frères du roi. Et avec eux Madame Isabelle qui fut dame de sainte vie. » Et pour cause, la reine sait qu’ils auront un rôle à jouer dans la consolidation du royaume de France.