LOUIS IX, SACRÉ DANS L’URGENCE
C’est la seconde fois, sous les Capétiens, que le roi meurt sans avoir fait sacrer son successeur. Le premier à avoir ainsi risqué sa couronne était Louis VIII lui-même, que Philippe Auguste n’avait pas fait roi de son vivant. Il ne le sait que trop bien: pendant tout le temps qui sépare la mort du monarque du sacre de son héritier, le pouvoir semble dangereusement vacant. Avant de mourir, Louis VIII demande aux 26 personnes présentes autour de lui à Montpensier (conseillers, serviteurs, barons…) de faire couronner son fils le plus vite possible. Sitôt après l’inhumation du roi à Saint-Denis le 15 novembre, la reine et le dauphin se dirigent donc vers Reims. Louis IX est adoubé en route à Soissons, puis sacré sans prestige, par un évêque, dans une cathédrale en chantier.
La révolte des barons
Bien qu’agrandi par son beau-père, le domaine royal dont la reine a pris la tête est encore cerné par les fiefs de puissants barons. Or, tous ne voient pas d’un bon oeil qu’une femme, étrangère qui plus est, soit aux commandes de l’État. Et ils ne tardent pas à engager les hostilités. Dès janvier 1227, ils demandent la libération des comtes de Flandre et de Boulogne, deux vassaux du roi anciennement alliés à Jean sans Terre, gardés prisonniers par la couronne depuis leur défaite à Bouvines face à Philippe Auguste, le 27 juillet 1214. Celle du premier était déjà prévue; pour le second, c’est un refus. À la même période, Thibaud de Champagne, Pierre Mauclerc, Hugues de Lusignan et le comte de Bar s’allient contre la reine. Ils se regroupent dans l’Ouest, occupent Bellême et Saint-James-de-Beuvron et, dans le Poitou, avancent jusqu’à Thouars.
Encore enceinte de son dernier enfant, Blanche de Castille marche vers Chinon pour les arrêter. Elle est accompagnée du légat pontifical Romain Frangipani et de ses vassaux Philippe Hurepel et Robert de Dreux. Bientôt, elle est même rejointe par… Thibaud de Champagne! Car les trahisons vont bon train entre les seigneurs peu scrupuleux du Moyen Âge. Le gentilhomme, à qui l’on prête un faible pour la reine, a-t-il changé de camp par amour pour Blanche ? Quelle qu’en soit la raison, cette défection fragilise la coalition. Les barons acceptent de négocier et, le 16 mars, signent le traité de Vendôme, qui scelle une courte trêve entre eux et la reine.
Pierre Mauclerc, l’ennemi n° 1
Les barons n’en ont pas encore fini de batailler ! Outre les guerres privées qu’ils se livrent entre eux, ils tenteront de renverser le pouvoir royal à plusieurs reprises au cours de la régence. Le plus menaçant d’entre eux est sans conteste Pierre de Dreux. Surnommé Pierre Mauclerc, le « mauvais clerc », pour avoir renoncé à sa car
rière ecclésiastique, il est une épine dans le pied de Blanche de Castille. C’est pourtant un Capétien, que Philippe Auguste avait sciemment marié à l’héritière de la Bretagne en 1213, afin de resserrer les liens entre le comté et le royaume de France. Depuis, il contrôle un territoire hautement stratégique, où se joue régulièrement le conflit entre la France et l’Angleterre. Malheureusement pour la reine, cet ancien allié de Philippe Auguste est désormais celui d’Henri III ! Avec le soutien du monarque anglais, Pierre Mauclerc est de toutes les révoltes. Après une vaine tentative d’enlèvement de Louis IX par les barons en 1228, il mène une nouvelle fronde l’année suivante. De 1229 à 1231, les tensions sont vives entre Blanche de Castille et ses vassaux. Les alliances se font et se défont, si bien qu’on ne sait bientôt plus qui est l’ennemi de qui. Une chose est sûre, la reine et son fils ne se laissent pas faire. En 1229, leur armée s’empare des places fortes de l’Ouest les unes après les autres et assiège Bellême, forçant les seigneurs à capituler un à un. En mai 1230, Henri III débarque en Bretagne avec ses troupes pour apporter son aide à Pierre Mauclerc, mais ils sont repoussés par l’ost royal. Diplomate et guerrière, Blanche dirige toutes ces opérations d’une main de maître, avec fermeté et bon sens. On raconte par exemple que si le siège de Bellême s’est soldé par une victoire, c’est parce qu’elle aurait ordonné de faire de grands feux pour réchauffer ses troupes… Face à elle, les vassaux se résignent. Seul Pierre Mauclerc fait de la résistance. Il faudra qu’une puissante armée levée par Louis IX marche vers la Bretagne pour qu’il accepte une nouvelle trêve de trois ans, en 1231. Jusqu’à la fin, plusieurs sursauts de révolte vains et désorganisés perturberont ainsi le règne de Blanche de Castille.
Un courage à toute épreuve
Talentueuse gouvernante, Blanche affirme son autorité dès le début de la régence. Elle triomphe de tout: la crise de l’université de Paris en 1229 – elle met un terme aux violences provoquées par des étudiants dans la capitale –, l’hérésie des Albigeois, le débarquement anglais, les provocations des féodaux… Pourtant, les attaques calomnieuses pleuvent. Comme le résume Georges Minois, elle est « accusée d’être une femme perverse et débauchée, comblant de biens ses amis espagnols, empêchant le roi de régner, et couchant avec le légat et le comte de Champagne, désormais considéré comme traître à la cause des grands féodaux ».