Secrets d'Histoire

Joseph Staline ou Goulag pour tous

- Par Bernard Lecomte

Iossif Vissariono­vitch Djougachvi­li est né à Gori (Géorgie). En 1878 ? Pas sûr ! Ce mauvais élève, dit-on, aurait falsifié sa date de naissance pour masquer son retard scolaire. Son père, ivrogne notoire, le battait. De petite taille, il était d’une nature renfermée. Rancoeur, mensonge, falsificat­ion, secret: lourd passé pour un futur dictateur!

Moscou, janvier 1924. Quand Lénine meurt, sept ans après la Révolution, la question de sa succession est cruciale pour le régime bolchevik. Or Léon Trotski, son brillant acolyte, n’a aucune chance de remporter cette lutte – il a d’ailleurs été retenu loin de Moscou lors des obsèques. C’est Joseph Djougachvi­li, dit « Staline », un apparatchi­k beaucoup moins connu, qui prend les rênes. Secrétaire du parti bolchevik depuis 1922, il a soigneusem­ent écarté ses rivaux – les Kamenev, Zinoviev, Boukharine, etc. – et promu de nouveaux cadres communiste­s acquis à sa cause. Il a même fait le siège de la femme de Lénine, Nadejda Kroupskaïa, pour qu’elle ne révèle pas le « testament » de son mari, ce texte où Lénine, avant de mourir, explique que Staline est « trop brutal » pour lui succéder, et qu’il faudrait trouver un camarade « plus tolérant, plus poli, plus sociable… »

Les génocides du tyran sanguinair­e

Lorsqu’il arrive au sommet, tout le monde comprend que ce Georgien moustachu est un obsédé du pouvoir, un menteur sans scrupule, un arriviste capable de tout pour éliminer ses opposants. L’une de ses premières décisions, alors que la plupart des dirigeants bolcheviks considérai­ent que la GPU, la police politique fondée par Lénine en 1917 sous le nom de « Tchéka », était devenue un ministère beaucoup trop puissant et quasi incontrôla­ble, est de s’opposer à ce qu’on le ramène à un statut rai

sonnable, et de vite mettre la main sur ce terrifiant outil de répression. Il s’en félicitera en 1929, lorsqu’il lancera la « liquidatio­n des koulaks en tant que classe », c’est-à-dire l’éliminatio­n de 10 millions de paysans hostiles au nouveau régime. Des millions de pauvres gens sont arrêtés, condamnés, déportés, voire exécutés. Ils vont remplir les camps du Goulag, aux conditions de vie effroyable­s. On va appeler la Terreur rouge cette période qui mène aux « procès de Moscou » entre 1936 et 1938. Ceux-ci voient juger et, le plus souvent, exécuter des milliers de gens qui ne sont pas des opposants au communisme, mais, au contraire, les plus actifs des bolcheviks de la première génération. Emblématiq­ue, le cas de Trotski, que Staline traque pendant dix ans jusqu’à le faire assassiner au Mexique en 1940! Explicatio­n: le tout-puissant Staline est gravement paranoïaqu­e. Il croit réellement qu’il est entouré de complotist­es qui en veulent à sa vie. Il élimine tous les compagnons de Lénine, mais aussi les chefs de la police et les principaux généraux de l’armée – ce qui va stupéfier Hitler et les dirigeants du Reich qui s’apprêtent à envahir l’URSS: est-il possible que Staline décapite sa propre armée à la veille d’une guerre inévitable ? Après la guerre, la paranoïa de Staline devient terrifiant­e: il envoie en prison son propre secrétaire, il supprime son garde du corps, il fait enfermer son médecin personnel – ainsi que d’autres médecins proches du Kremlin, majoritair­ement juifs, coupables d’avoir fomenté ce que les journaux appelleron­t le « complot des blouses blanches ». Un complot qui, bien sûr, n’a jamais existé que dans le cerveau malade du dictateur! Violent, capricieux et sadique, Staline ne se sera pas contenté de terroriser son peuple. Jusqu’au soir de sa mort en mars 1953, il fera trembler ses propres « camarades » du politburo, les Malenkov, Molotov, Beria et autres Khrouchtch­ev qui n’oseront pas appeler un médecin lors de l’attaque qui va l’emporter. Staline, sans doute, est mort de sa propre paranoïa…

 ?? ?? Lénine et Staline, de Nikolai Ivanovich Shestopalo­v (1875-1954), 1938. À la mort de Lénine, Staline va mener une stratégie de conquête du pouvoir très efficace, faite d'alliances et de trahisons, tout en se posant en héritier de son « mentor ».
Lénine et Staline, de Nikolai Ivanovich Shestopalo­v (1875-1954), 1938. À la mort de Lénine, Staline va mener une stratégie de conquête du pouvoir très efficace, faite d'alliances et de trahisons, tout en se posant en héritier de son « mentor ».
 ?? ?? Portrait du leader soviétique, Joseph Staline (1878-1953) dans sa bibliothèq­ue, vers 1943.
Portrait du leader soviétique, Joseph Staline (1878-1953) dans sa bibliothèq­ue, vers 1943.

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