Secrets d'Histoire

LE DERNIER COMBAT DU CONQUÉRANT Un empire et un roi à l’agonie

- PAR COLINE BOUVART

En 1086-1087, les rumeurs venues de Normandie sont alarmantes. Des seigneurs français profitent de l’absence du duc pour attaquer les terres de ses partisans. Guillaume prend la tête de ses troupes pour y mettre bon ordre. Ce sera sa dernière traversée.

En 1087, Guillaume approche de la soixantain­e. Son état de santé s’est dégradé, entre l’énergie qu’il a dû déployer pour maintenir son empire et l’obésité qui entrave ses mouvements et fatigue son corps. Le roi d’Angleterre est contraint de rester alité par moments. Mais il compte bien châtier les seigneurs français qui ont dévasté les terres de ses alliés, et en profiter pour revendique­r et remettre la main sur le Vexin, quitte à rentrer en conflit avec le roi de France. Il envoie une ambassade auprès de ce dernier pour demander réparation des ravages sur son duché, et réclamer la restitutio­n de plusieurs villes. Philippe Ier rejette ses demandes : les fauteurs de troubles sont ses proches, peutêtre même téléguidés par le roi. Certaines chroniques racontent que Philippe Ier aurait osé faire une plaisanter­ie très humiliante pour le roi d’Angleterre. Furieux, Guillaume rassemble son armée, attaque le

Vexin français et ravage tout sur son passage, avec une cruauté et une sauvagerie qui surpassent parfois celles de ses campagnes précédente­s. Il s’empare de Mantes, que ses hommes pillent et incendient. C’est alors que Guillaume est victime d’un accident de cheval. Selon certains témoignage­s, sa monture se serait cabrée et le roi aurait basculé en avant, le pommeau de sa selle lui donnant alors un grand coup dans le ventre. D’autres racontent que ce serait la chaleur excessive des

incendies et la canicule qui auraient provoqué un malaise. Des études avancent également un infarctus du myocarde. L’armée du roi de Guillaume, qui avait pourtant pris l’ascendant, est obligée de battre en retraite et de se replier à Rouen.

LA MORT DU CONQUÉRANT Guillaume agonise, tout en conservant toute sa lucidité.

Il est entouré de ses fidèles, de deux de ses fils, Guillaume le Roux et Henri Beauclerc, mais Robert Courteheus­e, pourtant certaineme­nt averti de l’état de son père, reste à la cour de Philippe Ier. Guillaume pardonne à certains seigneurs félons, confirme les droits de Robert Courteheus­e sur le duché de Normandie et lègue l’Angleterre à Guillaume le Roux. Après une dernière nuit où la douleur semble lui avoir laissé un répit, le Conquérant expire le 9 septembre en prononçant ces derniers mots: « la justice... le droit... la paix de Dieu... ». C’est la désolation et la panique dans son camp. Le corps est ramené sans grande cérémonie à Caen où il est installé dans l’abbaye SaintÉtien­ne. La population se presse pour se recueillir. Déjà de funestes présages laissent deviner combien le fragile équilibre et l’ordre instaurés par Guilllaume sont sur le point de vaciller. Un incendie embrase une partie de la ville, interrompa­nt les funéraille­s. L’Angleterre et la Normandie se trouvent à nouveau dans des mains différente­s. C’est bientôt l’anarchie tandis que s’enflamment les ambitions, les rivalités et les règlements de compte. Mais en 1091, Guillaume le Roux et Robert Courteheus­e unissent leurs forces pour rétablir l’ordre. Quant à leur frère Henri, il sera couronné roi d’Angleterre en 1100 à la mort de son frère Guillaume. C’est lui qui réussira à réunir à nouveau duché de Normandie et royaume d’Angleterre, après la bataille de Tinchebray, en digne héritier de son père dont il fait rétablir l’ordre.

 ?? ?? Le tombeau de Guillaume le Conquérant est installé dans le choeur de l’abbaye aux Hommes, au sein de l’abbatiale Saint-Étienne de Caen, depuis plus de 900 ans.
Le tombeau de Guillaume le Conquérant est installé dans le choeur de l’abbaye aux Hommes, au sein de l’abbatiale Saint-Étienne de Caen, depuis plus de 900 ans.
 ?? ?? Funéraille­s de Guillaume le Conquérant (1027-1087), roi d’Angleterre (1066-1087), à l’Abbaye aux Hommes de Caen, de Jean Paul Laurens, 1876.
Funéraille­s de Guillaume le Conquérant (1027-1087), roi d’Angleterre (1066-1087), à l’Abbaye aux Hommes de Caen, de Jean Paul Laurens, 1876.
 ?? ?? Portrait de Robert Courteheus­e, de Henri Decaisne, 1843. Il hérite du duché de Normandie à la mort de son père Guillaume, en 1087.
Portrait de Robert Courteheus­e, de Henri Decaisne, 1843. Il hérite du duché de Normandie à la mort de son père Guillaume, en 1087.

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