MARIE MADELEINE Que dit l’histoire ?
En quelques décennies, l’archéologie biblique a réalisé en terre d’Israël des découvertes prodigieuses. C’est ainsi qu’à partir de 2009 furent mis au jour les restes d’une ancienne cité portuaire sur les bords du lac de Tibériade, Magdala, la ville de la Galiléenne la plus célèbre, Marie de Magdala, autrement dit Marie Madeleine.
Àquatre kilomètres au nord de Tibériade et à une heure et demie de marche de Capharnaüm, se situe Magdala du nom de Magdal (« la tour » en araméen ; Migdal en hébreu). Elle portait aussi le nom grec de Tarichae (« poissons salés »). Il existait en effet en ce lieu des conserveries et des ateliers de salaison permettant l’exportation industrielle des poissons par paniers entiers vers Jérusalem, Damas et même Rome et l’Espagne. Strabon, Pline le Jeune et Flavius Josèphe en parlent dans leurs écrits.
Il semble qu’une large partie de la pêche, pratiquée par les villages lacustres de Capharnaüm et de Bethsaïde, y ait été traitée. Ainsi Marie de Magdala était originaire de cette active et industrieuse bourgade des bords du lac. On sait par l’Évangile de saint Luc (8, 2) que Jésus exorcisa cette femme et la libéra des créatures maléfiques qui l’avaient infestée. Il était question de sept démons : chiffre symbolique signifiant une grande quantité. Sa vie bascula à ce moment.
UN GROUPE DE FEMMES DÉVOUÉES
Emplie de reconnaissance envers son guérisseur, fascinée par sa personnalité charismatique et son enseignement hors du commun, elle le suivit jusqu’au calvaire. Elle n’était pas la seule: elle rejoignit le groupe de femmes dévouées, disposant d’un certain bien, qui aidaient matériellement le Maître et ses disciples dans leurs déplacements. Parmi elles, il y avait une certaine Suzanne, dont les Évangiles ne nous disent malheureusement rien, MarieSalomé, mère de Jacques et Jean, les pêcheurs du lac de Tibériade, amis de Simon Pierre et André, et Jeanne, épouse de l’intendant du tétrarque de Galilée Hérode Antipas, un personnage d’importance dans la région, même s’il n’était que le souverain fantoche d’un petit territoire vassal de Rome. C’était ce dernier qui avait fait arrêter et décapiter Jean le Baptiste, le dernier prophète du Premier Testament. Ces femmes – fait inouï dans cette société patriarcale ancienne, fortement encadrée par la loi mosaïque – avaient quitté leur famille, leur mari pour suivre Jésus, ce prédicateur itinérant qui apportait par le mystère même de son être et l’annonce du Royaume une nouveauté radicale à l’intérieur du judaïsme ancien. Autant dire que leur comportement dut susciter beaucoup d’indignation et de réprobation.
RENCONTRE AVEC LE RESSUSCITÉ
Au sein de ce petit groupe, Marie de Magdala semble avoir occupé la première place par son enthousiasme et sa fidélité à suivre le Messie. Elle fut à côté de Jean l’Évangéliste, de Marie de Nazareth, mère de Jésus, de la soeur de celle-ci et de Marie de Clopas, leur belle-soeur ( Selon Hégésippe de Jérusalem, écrivain chrétien du iie siècle, elle aurait été l’épouse du frère ou demi-frère de Joseph, le père de Jésus.) le témoin de sa crucifixion et de son ensevelissement. Elle fut la première encore, avec les autres « saintes femmes », à constater que la pierre fermant le tombeau avait été enlevée, mais surtout la première à rencontrer le Ressuscité. On doit ce témoignage à Jean, le disciple bien-aimé, auteur du quatrième évangile, qui, après être venu lui-même au tombeau en compagnie de Simon Pierre et y avoir constaté la disparition du corps de Jésus et les linges affaissés, raconte que Marie Madeleine y était retournée pour y pleurer à son aise. Penchant sa tête à travers l’ouverture étroite et sombre de la sépulture, elle eut la surprise de découvrir deux anges habillés de blanc, assis sur la banquette où avait été déposé le corps, l’un à la tête, l’autre au pied. « Femme, lui demandèrentils, pourquoi pleurez-vous ? Que cherchez-vous ? » « C’est qu’on a enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où on l’a mis » (Jean, 20, 13). À peine avait-elle prononcé ces mots que, se retournant, elle vit un homme qui s’adressa à elle :
« Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » C’était Jésus. Mais elle le prit d’abord
pour le jardinier. « Seigneur, s’écria-t-elle, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis et je l’enlèverai. » « Marie », lui fit-il. « Rabbouni », s’exclamat-elle le reconnaissant enfin. En araméen, le mot vient de rabbi, et signifie « maître » ou « cher maître ».
MESSAGÈRE DU CHRIST
Dans un élan de tendresse, elle s’était précipitée à ses pieds pour les saisir. Elle avait eu tellement peur ! Jésus lui répondit par le fameux Noli me tangere, que l’on trouve dans la version latine de saint Jérôme, « Ne me touche pas. » Le grec du texte semble plutôt se traduire par : « Ne me retiens pas… », et Jésus de poursuivre : « … car je ne suis pas encore monté vers le Père ; mais va trouver mes frères et dis-le leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20, 17). Ce fut donc elle qui, quittant le jardin et la butte voisine du Golgotha, retourna en ville et annonça la merveilleuse nouvelle aux apôtres et aux disciples. L’Histoire ne dit rien de plus à son propos. Des rapprochements – malencontreux, aux yeux de nombre de biblistes et d’historiens – ont été faits avec deux autres personnages des Évangiles : la pécheresse, dont parle saint Luc, qui, dans un village dont le nom n’était pas donné, avait oint les pieds de Jésus d’un flacon de parfum, tout en essuyant ses pleurs de ses longs cheveux. « À cause de cela, dit Jésus à son hôte, Simon le pharisien, ses nombreux péchés lui sont remis, puisqu’elle a beaucoup aimé… » (Luc, 7, 36-50). Puis Marie de Béthanie, dont parle Jean dans le quatrième évangile.
UNESEULEETMÊME PERSONNE?
Six jours avant la Pâque fatale, alors que Jésus fêtait dans ce petit village proche de Jérusalem le retour à la vie de Lazare et que Marthe, sa soeur, servait, Marie, son autre soeur, entra, une fiole d’une livre de parfum de grand prix à la main. Elle en brisa le col, oignit les pieds de Jésus, puis les essuya de sa longue chevelure défaite, emplissant la pièce d’une agréable senteur. La fiole en question était probablement une de ces ampoules dont les archéologues ont retrouvé des exemplaires et que l’on brisait
pour en libérer le contenu.
En 591, le pape saint Grégoire le Grand fit de Marie Madeleine, de la pécheresse anonyme de Luc et de Marie de Béthanie une seule et même personne.
LA PÉCHERESSE ET LA POSSÉDÉE
Cette thèse n’a plus guère de partisans aujourd’hui. Pour ceux qui savent combien Luc dépend de la catéchèse orale de Jean l’Évangéliste, dont il n’a pas toujours assimilé les détails historiques de localisation ni les circonstances, il n’y a guère de doute : la figure un peu floue de pécheresse et celle de Marie de Béthanie se confondent. Quant à cette dernière, une Judéenne, qui occupait avec son frère Lazare et sa soeur Marthe une maison proche de Jérusalem, on voit mal comment on pourrait l’assimiler à Marie Madeleine, riche Galiléenne de Magdala. Bref, il convient de distinguer deux femmes disciples du Christ : Marie de Béthanie, la pécheresse, qui versa du parfum sur les pieds de Jésus, et Marie Madeleine, la possédée exorcisée par Jésus.