MARIE MADELEINE, FIGURE MYTHIQUE Le culte magdalénien
À partir du xiiie siècle, Marie Madeleine devient un sujet récurrent pour les peintres et les sculpteurs. Les artistes la représentent soit en femme riche parée de bijoux au moment de sa conversion, soit en pénitente dans sa grotte. Ils se servent de son histoire de prostituée repentie pour explorer de nouveaux thèmes : la nudité et la sensualité.
MARIE MADELEINE DANS LA GROTTE HUGUES MERLE (1822-1881)
La première moitié du xixe siècle est considérée comme l’âge d’or de la peinture religieuse. Les sujets bibliques reviennent à la mode avec l’académisme et la volonté d’en finir avec les outrances anticléricales de la Révolution. Hugues Merle s’inscrit dans la queue de comète de ce mouvement. Sa peinture académique empreinte de romantisme confère une sensualité troublante à sa Marie Madeleine dans la grotte de la Baume. Les épaules nues, les yeux pâmés surplombant la bouche entrouverte et le fleuve d’or des cheveux lâchés suggèrent une extase dont on ne sait plus si elle est mystique ou érotique.
MARIE MADELEINE PÉNITENTE LAURENT PÉCHEUX (1729-1821)
Formé en Italie, le peintre lyonnais est un pionnier du néoclassicisme. Sa Marie Madeleine à la touche lumineuse s’inspire également de l’art baroque. Le motif choisi par le peintre est conventionnel. La Sainte se trouve dans sa grotte. Elle contemple un crucifix. Ses traits juvéniles, sa peau marmoréenne et la blondeur des mèches de ses cheveux lui confèrent une beauté angélique. Le tour de force artistique de Pécheux est de donner un air paisible à son modèle. Sa Marie Madeleine ne se pâme pas les yeux tournés vers le ciel. Ses prières ne sont plus qu’un long état de quiétude dont l’impression est amplifiée par les tons pastel de ses vêtements.
MARIE MADELEINE REPENTANTE LE CARAVAGE (1571-1610)
Le Caravage rompt avec les traditions des représentations de Marie Madeleine. Avant sa rencontre avec Jésus, on la figure en riche femme avec un flacon de parfum. En ermite, elle est généralement représentée nue. Le peintre italien choisit de la montrer au moment de sa conversion. Il la peint triste et solitaire, recroquevillée sur ellemême, au bord des larmes. Elle vient d’abandonner sur le sol ses bijoux dont elle s’est séparée avec rage comme en témoigne son collier cassé. Le flacon de parfum ne sera sans doute plus utilisé. Son abattement précède le mouvement dans lequel elle rejoindra le Christ pour devenir sa disciple.
LA MADELEINE À LA VEILLEUSE DE LA TOUR (1593-1652)
Georges de La Tour a peint plusieurs versions de Marie Madeleine, assez proches les unes des autres. Dans les autres versions, la présence du miroir et les bijoux épars peints avec une grande précision représentent la vie luxueuse abandonnée par la sainte. Dans la version à la veilleuse, il ne lui reste plus que des livres dont la Bible. Sur ses genoux, le crâne symbolise la fragilité de l’existence. L’apôtre semble plongée dans une profonde méditation. Après son renoncement au matériel, elle peut se consacrer au spirituel. La flamme qui éclaire la scène renvoie à la lumière divine… La grande virtuosité de La Tour réside dans sa maîtrise de la lumière qui semble éclairer le tableau depuis l’intérieur. Le dos et le flanc droit de la Sainte sont absorbés par l’ombre. Cet effet accroît l’impression du regardeur d’être un voyeur.
Jules-Joseph Lefebvre est un virtuose de l’art académique français. Il s’est fait une spécialité des nus féminins allégoriques, historiques ou bibliques. Sa Marie Madeleine, dont le corps semble irradié dans l’obscurité de la grotte, est un étonnant mélange de sensuel abandon et de tension nerveuse. Ses bras levés cachent son visage. Son dos est appuyé sur une cascade de cheveux cuivrés. Le crâne, le parfum et le crucifix ont disparu. Sa nudité renvoie à sa marginalité en tant qu’ermite mais cette sainte est intranquille. Peut-être goûte-t-elle à une secrète extase divine.