LES ÉVANGILES et Marie Madeleine
Nombreuses et diverses sont les mentions de Marie Madeleine dans les Évangiles. Mais ce n’est pas tant dans les quatre Évangiles canoniques bien connus que dans les Évangiles apocryphes, non canoniques, que cette figure féminine occupe une place de choix. Chacun de ces textes dresse un portrait qui lui est propre de la disciple « préférée » du Christ.
LA MARIE MADELEINE DES ÉVANGILES CANONIQUES
Notre galerie de portraits de la Marie Madeleine des textes évangéliques commence par les Évangiles canoniques, ceux de Matthieu, Marc, Luc – ce sont les trois Évangiles dits synoptiques – et Jean. Les Évangiles, du grec euangélion qui signifie « bonne nouvelle », racontent la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth. Ces quatre textes, qui dans la Bible constituent la majeure partie du Nouveau Testament, sont d’époques et d’origines légèrement différentes, tandis que leurs auteurs sont identifiés avec plus ou moins de certitude. Présentonsles et relisons-les pour voir quelle image ils dessinent de Marie Madeleine. Généralement daté des années 80-90, peut-être écrit en Syrie, à Antioche ou en Phénicie, l’Évangile de Matthieu est le premier dans l’ordre canonique. Alors que le texte même ne dit rien de son auteur, celui-ci est identifié par la plus ancienne tradition comme l’apôtre Matthieu, aussi connu sous le nom de Lévi, cet ancien percepteur d’impôts qui a rejoint Jésus. Relativement proche des trois autres pour ses sources
et son contenu, la singularité de cet Évangile tient à la posture d’enseignant, de maître, que le Christ y assume.
BRÈVE APPARITION
Dans l’Évangile de Matthieu, Marie Madeleine occupe une place assez limitée, pour deux raisons. D’une part, il n’est question d’elle qu’à la fin du récit, à partir de la crucifixion de Jésus. Elle apparaît ainsi au pied de la croix de Jésus (27, 55-56), lors de sa mise au tombeau (27, 61), puis enfin lors de la résurrection (28, 1-10). D’autre part, elle n’est jamais singularisée ou mentionnée seule, comme ce peut être le cas dans d’autres textes. En effet, elle est toujours nommée avec une ou plusieurs autres femmes, compagnes du Christ. Cette formulation, que l’on trouve au chapitre 27 de l’Évangile, est révélatrice: « Cependant Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du tombeau. »
FACE AU RESSUSCITÉ
Placé après celui de Matthieu dans l’ordre des livres bibliques, l’Évangile de Marc aurait été composé à Rome, après la persécution de Néron en 64 et la mort de Pierre. Son auteur présumé, Marc, était un des compagnons des apôtres Paul et Barnabé, puis de Pierre. Se présentant comme une suite de récits courts, cet Évangile est généralement apprécié pour les talents de conteur de son auteur qui dresse un portrait vivant de Jésus. La Marie Madeleine de Marc est assez similaire à celle de Matthieu: c’est pour les mêmes épisodes qu’elle est mentionnée. À une différence près toutefois: au verset 9 du chapitre 16, Marc précise que Marie Madeleine est la première personne, seule, à qui Jésus ressuscité apparaît et rappelle son passé trouble:
« ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine, de laquelle il avait expulsé sept démons », épisode que
nous verrons traité dans le livre suivant, celui de Luc.
L’ÉPISODE DES DÉMONS
Contrairement aux deux premiers, le texte même de l’Évangile de Luc comporte des informations explicites sur son auteur et son projet grâce au prologue qui ouvre le livre biblique. Luc, identifié comme le médecin du même nom cité à plusieurs reprises par Paul dans ses écrits, se présente à la manière d’un historien, soucieux de la qualité de ses sources et de la chronologie, et qui veut rapporter les événements aux origines de l’Église. Il s’adresse à un certain Théophile mais aussi, à travers lui, à tous les chrétiens de culture grecque. C’est dans cet Évangile de Luc, au chapitre 8, qu’il est fait allusion aux démons dont Jésus a libéré Marie Madeleine, elle qui faisait partie des « femmes qu’il avait délivrées d’esprit mauvais et guéries de leurs maladies. » C’est sur cet épisode, magnifiquement rendu, que s’ouvre la série The Chosen qui met Marie Madeleine à l’honneur. L’Évangile de Luc, où cet épisode des démons succède immédiatement à celui de la femme pécheresse pardonnée, dont le nom n’est toutefois pas donné, est à l’origine de l’assimilation longtemps faite entre Marie Madeleine et la pécheresse.
LA MESSAGÈRE DE JÉSUS
Des Évangiles canoniques, celui de Jean accorde le plus grand rôle à Marie Madeleine. Pour ses originalités d’ordre chronologique et géographique, ses différences dans le style et la composition, ses épisodes singuliers, le texte de Jean se distingue des trois autres. Fruit d’un long travail de rédaction et d’élaboration, cet Évangile a été attribué à Jean, « le disciple que Jésus aimait », l’un des Douze. On pense autrement que son auteur est un chrétien écrivant en grec, vers la fin du ier siècle, et appartenant à une Église d’Asie. Dans cet Évangile, Marie Madeleine est particulièrement honorée comme premier témoin privilégié de la résurrection de Jésus, au chapitre 20, verset 11 à 17: alors qu’elle est toute bouleversée, et pleure la disparition de son Maître, Jésus lui apparaît au tombeau. Dans cette scène émouvante, Marie Madeleine le prend d’abord pour le jardinier. Une fois reconnu d’elle, Jésus la charge de transmettre son message aux disciples.