MARIE MADELEINE DANS LES TEXTES APOCRYPHES
Quittons les sentiers battus pour pénétrer dans les terres moins connues des Évangiles apocryphes qui nous livrent une autre image, plus riche et complexe, de Marie Madeleine. Définir ce qu’est un Évangile apocryphe, du grec apokryphos,
« caché, secret », n’est pas chose aisée. Pour ce qui est de leur statut, il s’agit de livres qui n’ont pas été admis par l’Église dans le Canon des écritures, souvent en raison de leur authenticité douteuse ou de leur matière non conforme à la doctrine de l’Église. Pour ce qui est de leur contenu, ces textes comportent des récits sur des personnages et événements bibliques, de grandes figures du christianisme, des révélations. Ces Évangiles apocryphes, qui ont circulé et ont très longtemps été lus en parallèle des écrits canoniques, comportent une mine d’informations sur Marie Madeleine.
LA PLACE DE MARIE MADELEINE
Le texte apocryphe le plus riche pour nous est sans aucun doute l’Évangile de Marie, centré précisément sur la figure de Marie Madeleine. Daté du milieu ou de la fin du iie siècle, composé en Égypte ou dans la région de la Syrie antique, ce texte accorde la première place à Marie Madeleine. Dans un long discours, elle relate à ses compagnons la vision qu’elle a eue de Jésus et les révélations de ce dernier. Ce texte pose la question de l’autorité et de la place de Marie Madeleine. En effet, alors qu’au début du texte, Pierre reconnaît que « le Sauveur [l’] aimait plus qu’aucune autre
femme », et que Marie connaît des paroles que personne d’autre n’a entendues, suite à son discours, il en vient à contester ce statut privilégié de Marie. Il faut alors que Lévi intervienne pour prendre la défense de Marie en ces termes: « Assurément, c’est sans faille que le Seigneur la connaît, c’est pourquoi il l’a aimée plus que nous. »
UN FAMEUX BAISER
Tout aussi intéressant est l’Évangile de Philippe dont l’histoire mérite d’être racontée. Daté du iiie siècle, mais perdu à l’époque médiévale, ce texte n’a été redécouvert par accident qu’en 1945, avec d’autres textes enterrés en Égypte. Composé d’un mélange de dictons, de paraboles, de brèves polémiques, ce texte est en grande partie consacré à une discussion sur le sacrement du mariage. Deux passages concernent explicitement Marie Madeleine et sa relation privilégiée avec Jésus. Au paragraphe 32, Marie Madeleine est mentionnée comme une des trois femmes « proches du Seigneur ». C’est surtout le paragraphe 55, sur le fameux baiser du Christ à Marie Madeleine, qui a retenu l’attention. Très lacunaire et pouvant se prêter à diverses interprétations, ce texte doit cependant être lu avec précautions. La jalousie des disciples est perceptible dans ce passage: on les voit reprocher à Jésus d’aimer Marie Madeleine plus qu’eux. Les disciples du Christ aussi restent des hommes, avec leurs passions et leurs défauts!
DIALOGUE AVEC JÉSUS
Troisième texte apocryphe essentiel pour la figure de Marie Madeleine, la Pistis Sophia ou Livre de la fidèle sagesse. Ce texte a été écrit en copte, sans doute dans la seconde moitié du iiie siècle. Composé de quatre livres, il se présente sous la forme d’un dialogue entre Jésus, Marie Madeleine et d’autres disciples, dialogue qui aurait eu lieu pendant les douze années ayant suivi
la résurrection de Jésus. Marie Madeleine tient le premier rôle dans ce texte, pour preuve, c’est elle qui pose 39 des 46 questions adressées à Jésus. De plus, nombreux sont les compliments élogieux que Jésus formule à son propos. Quelques exemples : « tu es bénie entre toutes les femmes qui sont sur la terre puisque c’est toi qui seras la Plénitude des plénitudes et la Perfection de toutes les perfections » (PS 19) ou encore « toi dont le coeur est droit vers le royaume des cieux plus que tous tes frères » (PS 017). Là aussi, cette faveur dont jouit Marie Madeleine suscite la jalousie de Pierre, qui se fait réprimander par Jésus.
D’AUTRES ÉVANGILES…
De nombreux autres textes apocryphes accordent une place, plus restreinte, à Marie Madeleine. Ainsi, elle est mentionnée pour son rôle au moment de la résurrection, conformément à ce qui est dit dans les Évangiles canoniques, dans Le Livre du Coq, l’Évangile de Nicodème et l’Évangile de Pierre. Plus original, dans la Réponse de Tibère à Pilate – un échange de lettres entre Tibère et Pilate à propos des événements qui ont conduit à la mort de Jésus – Tibère rapporte que Marie Madeleine est venue témoigner auprès de lui des pouvoirs de Jésus: « une femme est venue auprès de moi, qui s’est présentée comme sa disciple, c’est Marie Madeleine. » Cette visite est également mentionnée dans l’Évangile de Nicodème aussi connu sous le titre d’Actes de Pilate. On retrouve par ailleurs dans l’Évangile de Thomas les débats qui agitent les disciples sur la place des femmes et de Marie Madeleine en particulier, thème qui parcourt manifestement plusieurs des textes apocryphes.
Selon la philosophe et islamologue Razika Adnani, le Coran s’inspire d’Évangiles apocryphes dont celui de Jacques, le prétendu frère de Jésus, pour relater la vie de ce dernier et celle de Marie, sa mère, dont il évoque la jeunesse. À ce titre, la figure de Marie est évoquée trente-quatre fois dans le Coran. En revanche, Marie-Madeleine n’y apparaît pas.
Le Coran reconnaît-il les Évangiles ?
Oui étant donné qu’il les évoque. Il présente les chrétiens comme « des gens du Livre ». On y retrouve les mêmes récits sur les anciens prophètes et notamment sur Jésus. Mais il y a des différences avec les textes des Évangiles car le Coran se base plutôt sur des textes apocryphes comme le protévangile de Jacques (le frère de Jésus, ndlr). Par exemple, pour les chrétiens,
Jésus est né dans une étable, pour les musulmans, sous un palmier. Selon les historiens, cela s’explique parce qu’en Arabie les deux religions étaient bien connues avant l’arrivée de l’islam et que le prophète aurait été proche de Waraqa Ibn Nawfal, le cousin de sa première femme, qui était chrétien. Pour les musulmans, cela s’explique par le fait que c’est le même Dieu qui a dévoilé les trois monothéismes aux prophètes.
Dans le Coran, Jésus est-il célibataire ? Évoquet-on la figure de Marie Madeleine comme sa disciple ou sa femme ?
Pour les musulmans, la règle est que les prophètes se sont tous mariés conformément au verset 38 de la sourate 13 qui dit : « Car nous avons envoyé avant toi des prophètes. Nous leur avons donné des épouses et une progéniture. » Cependant, le Coran ne dit pas si Jésus était marié ou pas et les commentateurs ne disent
rien non plus sur le sujet. Marie Madeleine est un personnage important dans les Évangiles. En revanche, elle n’est pas évoquée dans le Coran.
Si Marie n’est pas une figure très importante dans les Évangiles, elle l’est beaucoup plus dans le Coran…
Marie est la seule femme dont le nom est cité dans le Coran. On la retrouve à trentequatre reprises. Elle est soit citée comme mère de Jésus sous la forme « Jésus, fils de Marie » (Issa ibn Maryam) ou pour elle-même comme c’est le cas dans la sourate 3 où elle est présentée comme la fille d’Imran. Elle y est décrite comme une jeune fille très pieuse qui a un rapport privilégié à Dieu. elle est son élue, purifiée et choisie parmi toutes les femmes et plusieurs versets racontent que Dieu a insufflé en elle le SaintEsprit pour créer Jésus. Voilà pourquoi elle est importante dans la religion musulmane. Dans la sourate 19 qui porte son nom, après la naissance de Jésus, quand les siens lui font des reproches, elle reste silencieuse, car selon le Coran, Dieu lui a imposé le silence. Elle fait signe de poser la question à son bébé. Moqueurs, ses contempteurs s’exécutent mais à leur grande surprise, le bébé répond. L’enfant Jésus promet qu’il est un prophète et que sa mère est pure. C’est l’un des miracles de Jésus selon le Coran.
L’enfant Jésus promet qu’il est un prophète et que sa mère est pure. C’est l’un des miracles de Jésus selon le Coran.