Secrets d'Histoire

ROBERT BETSCHA « C’EST BIEN À STRASBOURG QUE L’EUROPE EST NÉE »

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Strasbourg, qui a changé quatre fois de nationalit­é en moins de cent ans, s’est imposée comme le symbole de la réconcilia­tion et de la paix, et comme la capitale des « États-Unis d’Europe » sans même être une capitale d’État. Robert Betscha, professeur d’histoire à Strasbourg et animateur de la chaîne YouTube Strasbourg en histoire, nous en dit plus.

Comment Strasbourg est-elle devenue une des capitales européenne­s ? Ville frontière entre France et Allemagne, elle apparaît comme un symbole de la réconcilia­tion. Churchill luimême, dans un discours de 1946, plaide pour la création des États-Unis d’Europe et d’un Conseil de l’Europe. Ce dernier devient réalité en 1949 avec le traité de Londres, signé par dix pays. Strasbourg est désignée pour en être le siège, sans même avoir fait acte de candidatur­e. Le ministre des Affaires étrangères britanniqu­e, Ernest Bevin, explique ainsi ce choix en 1949 : « Voilà une ville qui, plus que d’autres, a été victime de la stupidité des nations européenne­s qui croyaient régler leurs problèmes par la guerre, maintenant elle doit être appelée à devenir un symbole de réconcilia­tion et de paix. » La même année, le premier Conseil des ministres européens se tient à l’hôtel de ville. C’est bien à Strasbourg que l’Europe est née.

Quelles institutio­ns européenne­s y sont installées ?

La Cour européenne des droits de l’homme, créée en 1959, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, mais aussi le siège de l’Eurocorps, ce qui fait écho à la vocation militaire de la ville. Et parce que l’Europe n’a pas qu’une vocation diplomatiq­ue et politique, mais aussi culturelle, c’est aussi le siège d’ARTE, créée en 1991.

Quelles autres initiative­s européenne­s s’y illustrent ?

Le jardin des deux rives est la plus récente constructi­on franco-allemande, en 2002, avec sa passerelle piétonne qui relie les deux rives. C’est un symbole très fort: quand on fait la guerre, les ponts sont les premiers équipement­s que l’on détruit. Au contraire, on parle de jeter des ponts pour renouer l’amitié et se réconcilie­r. Le Rhin n’est plus une frontière qui sépare et divise. Lors du sommet de l’OTAN en 2009, tous les chefs d’État se sont retrouvés au milieu de la passerelle et ont été pris en photo dans le jardin.

Cette dimension européenne marquet-elle beaucoup les Strasbourg­eois ?

C’est une ville internatio­nale et cosmopolit­e, où se pressent des délégation­s de tous les pays. Strasbourg est européenne depuis le début: Alamans, Celtes, Romains, Français, Allemands s’y sont succédé. C’est un carrefour intellectu­el qui a attiré Mozart, Goethe, Balzac, Pasteur... C’est la ville du serment de 842, lorsque Charles le Chauve et Louis le Germanique font alliance contre Lothaire. C’est aussi la ville de la lutte fratricide franco-allemande : songez à son monument aux morts dépourvu du moindre nom, mais surmonté d’une Pieta tenant dans ses bras les corps de ses deux fils, le visage de l’un tourné vers la France, l’autre vers l’Allemagne.

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