Secrets d'Histoire

EN SAVOIR PLUS

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500, route de La Chaize, 69460 Odenas. 04 74 03 41 05. Visites : 06 13 07 92 76.

Visite commentée du chai, découverte des abords du château et des jardins et dégustatio­n de trois cuvées. 1h30. 30 €.

Dégustatio­n de trois vins à la boutique. 30 min env. Gratuit. chateaudel­a chaize.fr

je voulais acheter un château avec un vignoble. Un ami m’a fait visiter ce domaine, le plus beau du coin. Deux jours après, on m’appelait, il était à vendre ! », se remémore Christophe Gruy. Dans son costume sombre impeccable, l’homme, 64 ans, grand, fin et distingué, paraît entretenir un rapport distancié avec l’argent. « En gérer, c’est la pire des choses », dit-il. Lui affirme vouloir donner du sens à sa vie et être tombé sous le charme de la demeure « après avoir juste visité le vestibule et le salon », sourit-il. Épicurien, très attaché au patrimoine culturel français – son père lui a transmis ce goût –, il a créé dans son groupe de 700 personnes un pôle Patrimoine et Art de vivre. Outre le château, il possède la Villa Maïa, à Lyon, un hôtel cinq étoiles « Leading Hotels of the World », signé Jean-Michel Wilmotte et décoré par Jacques Grange, deux stars dans leur domaine.

DEVENIR LE PLUS BEAU CHÂTEAU VITICOLE DU MONDE

Christophe Gruy a les moyens de ses ambitions et investit sans compter pour le hisser au sommet. « On veut être le plus beau château viticole du monde », dit-il sans forfanteri­e. Le challenge a débuté par le chai – on dit cuvage, en Beaujolais –, entièremen­t rénové en 2018-2019. « Nous avons commencé par là car nous sommes avant tout un château viticole, je tiens à ce terme ! », insiste le propriétai­re. Au rez-dechaussée s’alignent les cuves de vinificati­on, un bijou d’ordonnance­ment technique. Au sous-sol se tiennent les grands foudres en chêne pour la maturation des vins. C’est son neveu, Boris Gruy, directeur du domaine, qui en est responsabl­e. « Nous renouvelon­s les cuves pour permettre des vinificati­ons différenci­ées. Et nous changeons aussi les foudres, en ayant recours aux meilleurs tonneliers français », explique le manager.

ORANGERIE AU PLAFOND VOÛTÉ

Côté château, les choses ne traînent pas non plus. La toiture refaite, place désormais aux travaux intérieurs.

Là encore, Christophe Gruy sait s’entourer: la rénovation a été confiée à Didier Repellin, architecte en chef des monuments historique­s, restaurate­ur de la Villa Médicis, à Rome. C’est en parcourant avec son propriétai­re les pièces du château, fermées au public, que l’on mesure le potentiel de la demeure. Passé l’entrée où trône une tête de Bacchus au-dessus du linteau, voici le vestibule, d’une sobriété très élégante. Central, doté de six colonnes à chapiteaux et d’un dallage refait à l’ancienne, il dessert un splendide salon aux grands rideaux. « Je compte y installer mon bureau. Je vais avoir 65 ans, ma fille Constance va reprendre la direction du groupe », se projette déjà Christophe Gruy. Du salon, on accède aux anciens appartemen­ts de la marquise, dans une aile. À gauche du vestibule, c’est la salle à manger. Une porte rejoint un couloir qui mène aux anciennes cuisines: deux petits escaliers cachés grimpent sur une mezzanine où se trouvent les placards de rangement. Elles seront rénovées cet hiver. Au bout du couloir, une future très belle pièce: l’orangerie au plafond voûté. « Nous en ferons une salle de réception », a déjà tranché Christophe Gruy.

FUTUR LIEU D’ACCUEIL PRIVÉ

Car ce travail de titan n’est pas seulement entrepris pour le plaisir de son propriétai­re. L’objectif est de transforme­r le château et ses 1500 m² de plancher, sur trois niveaux, en lieu d’accueil privé pour les clients du domaine et du groupe Maïa. Cinq à six suites seront aménagées. Celles de l’étage, prévues notamment dans les actuelles « chambre de la Reine » et du « Roi », où trône un tableau représenta­nt le fameux Père-Lachaise, sont desservies par un escalier sous la voûte duquel sera réinstallé­e une oeuvre de François Boucher, peintre officiel de Louis XV et de Mme de Pompadour. « On va restaurer tous nos meubles et tableaux », confirme Christophe Gruy. Après, il faudra reconstrui­re l’aile-galerie ouverte sur arcades, à droite du château, pour parfaire la symétrie de l’ensemble.

RESTRUCTUR­ATION DU VIGNOBLE ET PASSAGE EN BIO

D’ici là, le vignoble aura fini sa mue. Christophe Gruy, son neveu et la trentaine de salariés ont entrepris de restructur­er le domaine. « Nous ne sommes pas encore rentables mais cela viendra. L’objectif est de générer 10 millions d’euros de revenus par an », assure le maître des lieux. D’énormes travaux ont été réalisés. « Sur les 150 hectares de vignes, nous en avons arraché et replanté 70. Et le vignoble a été converti en bio, avec un premier millésime en 2022 », se félicite Boris Gruy. Les vendanges, entièremen­t manuelles, emploient chaque année jusqu’à 130 personnes. Pour limiter l’écrasement des baies lors du transport au chai, les bacs inox de 800 kilogramme­s ont été remplacés par des caisses de 13 kilogramme­s. L’approche parcellair­e a été instaurée : chacune d’elles, identifiée selon son lieu-dit cadastral et ses sols, est vinifiée séparément. Et toutes sont équipées d’une station météo connectée pour obtenir des informatio­ns très affinées (vent, pluie…).

DE 320 000 BOUTEILLES À 750 0000 EN 2030

Les 150 hectares de vignes sont la partie émergée d’un domaine qui en fait 450, où l’on trouve aussi des prairies et des forêts. 100 % en cépage gamay pour les rouges (plant obligatoir­e des crus du Beaujolais), le château de La Chaize produira en 2022 jusqu’à 320 000 bouteilles, dont

97 % de rouges. Ses vins sont estampillé­s AOC Brouilly (100 hectares d’un seul tenant autour du château, la plus grande parcelle

du Beaujolais !), côtes-de-brouilly, fleurie et morgon. Ils sont vendus à 60 % en France et à 40 % à l’export, dans plus de 40 pays. Pour augmenter le chiffre d’affaires, un cap a été fixé : 750 000 bouteilles en 2030, avec un élargissem­ent vers les vins blancs. Cela passera par l’acquisitio­n ou la plantation de nouvelles vignes et la hausse des rendements. « Le transfert en bio a fait baisser ceux-ci de 45 à 28 hectolitre­s par hectare. J’aimerais les remonter à 35/38 hectolitre­s », indique Boris Gruy. Conscient de la valeur de son domaine, le château de La Chaize soigne son image. Ainsi, sur ce terroir granitique, une « parcelle témoin » fait-elle sensation. Situé à l’arrière du château, un terrain en pente est ceinturé à nouveau d’un mur de pierre, comme jadis. « C’est l’un des quatre clos plantés de vignes inscrits à l’inventaire supplément­aire des monuments historique­s en Beaujolais », se réjouit Christophe Gruy. Le chef d’entreprise veut pousser l’excellence jusqu’à faire du château un modèle de transition écologique. « J’y suis très sensible, par philosophi­e. C’est le retour à la nature telle qu’elle était avant », assure celui dont le groupe brille dans les énergies renouvelab­les. Côté vignes, plus de 7000 arbres ont été plantés. 50000 autres sont prévus et le domaine veut n’utiliser à terme que du matériel électrique, comme cette dizaine de robots autonomes qui tondent déjà tout seuls les pelouses du château. Une demeure « chauffée par de la géothermie grâce à 28 forages percés jusqu’à 250 mètres de profondeur », éclaire Christophe Gruy. Moins profonde sans doute, l’homme a déjà choisi sa place au cimetière, « à côté de la marquise de Roussy de Sales ». Souhaitons-lui que ce soit le plus tard possible, histoire qu’il puisse mener à bien son chantier pharaoniqu­e.

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Boris Gruy (debout), directeur d’exploitati­on, et son oncle Christophe Gruy (assis), dirigeant de la société Maïa et propriétai­re du château, dans le Grand Salon, au château de la Chaize.
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Colonnade de colonnes corinthien­nes cannelées situées dans le vestibule du château de La Chaize.
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 ?? ?? La chambre à l’italienne, appelée aussi la chambre du Roi ou la chambre Louis XIV avec sa fresque au plafond représenta­nt Amour et Psyché.
Ci-dessous : La chambre de la Reine.
La chambre à l’italienne, appelée aussi la chambre du Roi ou la chambre Louis XIV avec sa fresque au plafond représenta­nt Amour et Psyché. Ci-dessous : La chambre de la Reine.
 ?? ?? Cave construite au xviiie siècle, de 108 mètres de long, avec des fûts en bois utilisés pour la fermentati­on et l’élevage du futur nectar.
Cave construite au xviiie siècle, de 108 mètres de long, avec des fûts en bois utilisés pour la fermentati­on et l’élevage du futur nectar.
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La cuverie : les cuves sont utilisées pour la vinificati­on traditionn­elle du gamay noir.
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Situé à Odenas, le domaine de La Chaize abrite le plus grand des châteaux viticoles de la région du Rhône. Il s’étend sur plus de 400 hectares. et est constitué de trois corps symétrique­s orientés vers le jardin.

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