QUAND CATHERINE s’empare du pouvoir
Directement menacée depuis que son époux Pierre est devenu empereur, Catherine sait qu’elle doit agir dès que possible. Sans verser la moindre goutte de sang, du moins officiellement, forte des appuis et du réseau de fidèles qu’elle s’est attaché, Catherine va s’emparer presque facilement du trône.
Les débuts catastrophiques du règne de Pierre III, ses décisions inconséquentes enhardissent les opposants à son pouvoir et les rallient à Catherine, dont la popularité ne cesse de croître, contrairement à celle du souverain. Les conjurés, comme Catherine, savent que le temps leur est compté. Le 28 juin 1762, alors que Pierre III et sa maîtresse se sont retirés à Oranienbaum, Catherine réside à Peterhof. Alexis Orlov l’y rejoint dans la nuit et ils gagnent ensemble Saint-Pétersbourg, escortés par le fameux régiment Izmaïlovski venu se mettre au service de l’impératrice. D’autres régiments de la Garde se joignent à eux, et tous prêtent serment de fidélité à Catherine, acclamée par la foule, tandis que l’Église garde un silence bienveillant et complice. Depuis Pierre le Grand, le régime est si instable que les coups d’État se sont répétés et que l’absence de légitimité des souverains successifs a posé la Garde comme arbitre, explique Hélène Carrère d’Encausse. Averti des événements et de l’approche des troupes de Catherine, Pierre III tente de se rendre à Cronstadt, mais il doit rebrousser chemin et accepte de signer le manifeste actant sa renonciation au trône. Son épouse ordonne qu’il soit conduit à Ropcha, pour y être assigné à résidence, dans des conditions a priori plutôt agréables. Pierre lui écrit alors avec humilité une longue lettre pour demander à pouvoir partir avec sa maîtresse en Allemagne… mais quelques jours plus tard, il est retrouvé mort. On a évidemment soupçonné Catherine de l’avoir fait disparaître. La piste la plus vraisemblable est qu’il a été tué par accident dans une rixe entre
ivrognes. Cette sortie de l’échiquier de Pierre III arrange Catherine. Son autorité reste fragile. Ses ennemis essaient de pousser un autre candidat, un héritier des Romanov, Ivan VI, et ses soutiens eux-mêmes sont partagés: certains la veulent pour régente, d’autres pour impératrice. Catherine sent qu’il n’y a qu’un seul moyen d’affermir sa légitimité: se faire couronner au plus vite. Pierre III, lui, avait fait l’erreur de trop attendre et s’en était trouvé fragilisé.
UN COURONNEMENT FASTUEUX
Quelques jours après son putsch, Catherine II ordonne que l’on prépare son couronnement pour le 5 septembre suivant.
Et elle ne lésine pas sur la dépense, comme le raconte sa biographe, Francine-Dominique Liechtenhan : « 50000 roubles pour sa couronne, une livre d’or, vingt livres d’argent et 400 peaux d’hermine pour le manteau. Les accessoires à eux seuls coûtèrent 122000 roubles […]. 120 tonnelets de chêne […] contenant 5000 roubles furent envoyés à Moscou. Ils étaient destinés à être distribués au peuple. » L’arrivée de l’impératrice et de son cortège est retardée par la maladie de son fils Paul pendant le voyage mais, le 22 septembre, dans la cathédrale de l’Assomption, Catherine II, accompagnée de celui-ci, ceint la couronne elle-même et assiste à la suite de la cérémonie munie des regalia. Ointe par l’archevêque de Novgorod, elle se rend ensuite à la cathédrale de l’ArchangeSaint-Michel pour se recueillir, et au Kremlin où sous un dais, elle distribue titres et récompenses après avoir répandu des pièces à la foule. Un fastueux repas est servi, tout comme dans les rues vins et plats pour les passants. Des feux d’artifice illuminent enfin le ciel moscovite le soir. Les réjouissances durent plusieurs jours et finissent en apothéose le 29 septembre avec une fête au palais à Facettes où un spectacle éblouissant met en scène une représentation de Catherine II venue sauver la Russie. Ainsi son pouvoir et sa légitimité semblent-ils bien affermis. ∫