LA RÉFORMATRICE Entre Ivan le Terrible et Montesquieu
Proche des philosophes des Lumières, souriante et aimable, Catherine II a incarné idéalement le despotisme éclairé. Afin de ne pas mettre en péril son pouvoir absolu, ses réformes sociales et économiques n’ont pas abordé les problèmes de fond, tel celui du servage contesté par de violents soulèvements populaires.
Dès son avènement, Catherine II est confrontée à deux factions rivales : celle des propriétaires terriens, autocrates et adeptes du servage, et celle de nobles libéraux et de bourgeois, favorables au développement d’une classe moyenne entreprenante et novatrice.
JUSTICE ET DESPOTISME
Son attachement aux Lumières semble la rapprocher de la deuxième faction. Sauf que celle-ci souhaite une monarchie moins autoritaire. Une idée insupportable à notre despote, tout éclairée soit-elle, dépendante, par ailleurs, de ceux qui l’ont aidée à conquérir le trône, notamment les frères Orlov, avides de terres, de dignités et d’honneurs. Reste qu’elle est consciente, sinon de la condition réelle des serfs – le peuple n’apparaît jamais dans ses écrits – du moins de l’image archaïque que renvoie le servage et de son incompatibilité avec le progrès économique. En 1767, elle convoque une Grande Commission législative de plus de 500 membres à laquelle elle propose une Instruction ou Nakaz, prônant à la fois une justice plus humaine et un despotisme renforcé. Le début de la guerre avec la Turquie interrompt définitivement les travaux d’une commission confrontée à une utopie hésitant entre Ivan le Terrible et Montesquieu! Ses réformes ne porteront donc pas sur les structures politiques mais sur l’administration et le renforcement des liens avec les gouverneurs des provinces, divisées en districts, afin de mieux contrôler le clientélisme et la corruption endémique des fonctionnaires.
LA«RUSSIFICATION»
Son grand projet d’harmonisation de toutes les couches de la société se heurte à la résistance de la noblesse sur laquelle elle est contrainte de s’appuyer et dont elle doit renforcer les privilèges pour maintenir son propre pouvoir. Les ressources de la Russie en fer, cuivre, bois, lin, chanvre et fourrures sont énormes. Des trains de caravanes exportent ces produits vers l’Asie et en ramènent du coton, de la soie, du tabac, du thé. De nombreux colons étrangers sont installés en Sibérie, en Alaska et dans les nouveaux territoires conquis à l’ouest dont elle entreprend la « russification ».
Le retard économique de la Russie est immense. À la même époque, l’Angleterre, en pleine révolution industrielle, invente le capitalisme…
UNE RUSSIE PLUS RICHE ET PLUS PUISSANTE
En 177I, la peste se déclare à Moscou. Catherine envoie son favori Orlov imposer les mesures sanitaires nécessaires. Pour la variole, elle donne l’exemple en 1768, dix ans avant Louis XVI, en se faisant inoculer publiquement, alors qu’elle est terrifiée par cette maladie. Deux millions de Russes se feront vacciner. Elle crée des hôpitaux dans toutes les capitales et des institutions pour les milliers d’orphelins. En fille des Lumières, elle double le nombre des écoles, ouvre des écoles militaires et un institut d’éducation pour les jeunes filles, inspiré de celui de Madame de Maintenon à SaintCyr. Les concerts l’ennuient profondément, mais elle crée une Académie de musique et de danse. Et surtout, elle lègue à la Russie sa formidable collection d’oeuvres d’art, plus de
4000 tableaux de maîtres, glanés dans toute l’Europe. À sa mort en 1796, la Russie est plus puissante, plus riche et évoluée qu’au début de son règne. Elle l’a ouverte aux idées nouvelles et les réformistes et autres révolutionnaires du xixe siècle s’en souviendront... ∫
En fille des Lumières, elle double le nombre des écoles, ouvre des écoles militaires et un institut d’éducation pour les jeunes filles, inspiré de celui de Mme de Maintenon à Saint-Cyr.