CATHERINE ET LES ARTS Une collectionneuse boulimique
Surnommée la « Sémiramis du Nord » par son ami Voltaire, Catherine manifestait un grand intérêt pour les arts. Acheteuse compulsive plutôt que mécène, boulimique plutôt qu’esthète, elle recherchait dans les oeuvres, livres, tableaux, statues, une manifestation du standing dû à son rang, la légitimation de son pouvoir politique.
Je ne suis pas amatrice, je suis glouton. » C’est ainsi que Catherine décrivait son appétence pour les arts. Dans ce domaine, elle manifestait un insatiable appétit. Désir de connaissances ou manifestation d’un tempérament excessif, qui avait besoin de beaucoup pour se sentir bien? Prenons les livres, dont on sait qu’elle aimait s’entourer. Elle a acheté la bibliothèque de Diderot en 1765, lui proposant une somme plus élevée que celle demandée et une pension annuelle, faisant de lui le bibliothécaire de ses propres livres, désormais dans la bibliothèque de Catherine... tout en restant à Paris! À la mort de Voltaire en 1778, elle renouvelle l’opération avec les collections de son ami, dont elle se porte acquéreur pour les installer dans le palais de l’Ermitage. C’est le baron von Grimm, homme de lettres et ami de Diderot, qui se charge de la transaction concernant 7000 ouvrages en échange d’une somme d’argent aux héritiers et d’une statue du patriarche de Ferney signée Houdon. Insatiable, elle se procure la collection du roi Stanislas Poniatowski, son ancien amant, lorsqu’elle s’empare de Varsovie en 1795. Amie des livres, oui, mais de la littérature, c’est moins sûr. En dehors de quelques auteurs français à la mode tels Voltaire, Molière et Corneille, elle manifeste peu d’intérêt pour les autres. Racine l’ennuie, Beaumarchais l’indigne. Allemande d’origine, elle n’apprécie pas Goethe et Schiller pour autant. La poésie ne l’intéresse pas, elle lui préfère les sujets politiques. Montesquieu oui, Racine non. Ses goûts sont subordonnés à la mission dont elle s’est sentie investie dès ses 14 ans: gouverner les hommes.
AFFIRMER SA GLOIRE
Il en est de même pour les quelque 4 000 tableaux acquis par ses soins au travers de collections extraordinaires, comme la galerie du comte de Brühl ou celle de Croizat et son catalogue composé de Poussin, Raphaël, van Dyck, Rembrandt. Elle passe aussi des commandes à Horace Vernet et à Chardin. Il s’agit pour elle d’une affirmation de la gloire qui doit accompagner un grand souverain, à l’image de Louis XIV, ajouté à son plaisir de collectionneuse. Cette passion lui fait acquérir les 1467 pierres gravées du duc d’Orléans, de très belles gemmes taillées dont certaines avaient appartenu à Rubens ou Laurent de Médicis. Elle partage cette attirance avec Lanskoï et l’abandonne en partie à sa mort. Elle n’a en revanche que peu d’attrait pour la musique. Pour le standing, elle entretient un opéra, des étoiles et un compositeur italien, Giovanni Paisiello. Elle n’hésite pas à le reconnaître: en termes de tonalités, elle parvient juste à reconnaître les aboiements de ses chiens préférés! ∫