Secrets d'Histoire

18 JANVIER 1650. CONDÉ EST ARRÊTÉ ET EMPRISONNÉ

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L’inextingui­ble soif d’honneurs et de faveurs du Grand Condé, qui est d’autant plus pressant qu’il considère que tout lui est dû, finit par lui aliéner Anne d’Autriche et Mazarin. Le remuant Condé devient encombrant et son arrestatio­n devient inéluctabl­e. Cet emprisonne­ment fait basculer le prince, auparavant loyal au roi, dans la Fronde. À la mort de Louis XIII, Anne d’Autriche s’empresse de faire casser le testament du roi qui instituait une forme de Conseil de régence, et nomme Mazarin Premier ministre. Si ses origines espagnoles avaient pu laisser espérer à certains – y compris son frère Philippe IV, roi d’Espagne – une paix rapide entre les deux royaumes, il n’en a rien été. La régente poursuit la guerre et dispose du meilleur des lieutenant­s : Louis, duc d’Enghien, victorieux à Rocroi et à Thionville. Elle va pouvoir compter sur lui pour réprimer la Fronde, avant qu’il ne se retourne contre Mazarin et prenne les armes contre son propre roi.

FIDÈLE LIEUTENANT DE LA RÉGENCE

Avec la régence, les cartes sont rebattues. Si Anne d’Autriche distribue avec générosité les privilèges et les faveurs afin de s’acheter des soutiens parmi les nobles, une pratique commune pour consolider une situation par essence fragile, le clan Condé va, plus que les autres, bénéficier de ses largesses et attiser les convoitise­s. D’abord grâce aux succès militaires du duc d’Enghien, mais également par son épouse, appréciée de la régente. Face à cela, Gaston d’Orléans, mais aussi les Vendôme et d’autres grandes

familles étaient jaloux. Que réclame le duc d’Enghien? Il a déjà la fortune par son père, la gloire par les armes, le pouvoir politique ne l’intéresse guère. « Il ne veut qu’une chose, ne plus obéir, ne plus rencontrer d’obstacle à ses volontés, être libre », écrit Simone Bertière (Condé. Le héros fourvoyé, éd. Le Livre de Poche). Il veut retrouver dans sa vie hors des champs de bataille la toute-puissance qu’il y éprouve. Et notamment pouvoir distribuer des faveurs et des charges pour s’attacher une clientèle et récompense­r ses proches. C’est là que le bât blesse entre le duc et la régente et Mazarin. Condé veut pouvoir nommer des fidèles et des lieutenant­s dans l’ordre militaire, mais c’est une chasse gardée du souverain. Frustré de ne pas voir ses souhaits de nomination­s satisfaits, notamment l’attributio­n de l’amirauté, Enghien et son clan sont convaincus de l’hostilité d’Anne d’Autriche et de son ministre. Et face à ses exigences de plus en plus dures, il est vrai que ce qui relevait un peu du délire de persécutio­n devient une réalité… Néanmoins, devenu prince de Condé à la mort de son père en décembre 1646, Louis intègre le Conseil du roi. En attendant, en agrégeant son clan, celui des Montmorenc­y, les fidèles de Richelieu, Condé est un soutien incontourn­able et loyal de la régence et de Mazarin. Ainsi lorsque le Parlement de Paris s’oppose frontaleme­nt à la politique du ministre, et notamment à ses mesures fiscales, le peuple de Paris et une partie de la noblesse se joignent à la contestati­on. Parmi eux, les propres frère et soeur de Condé, le prince de Conti et la duchesse de Longuevill­e ! Condé appelle les provinces dont il a reçu le gouverneme­nt à rester fidèles au roi, et mène les troupes royales pour assiéger Paris début 1649, permettant la signature de la Paix de SaintGerma­in, le 1 avril 1649.

LE PRINCE EST ARRÊTÉ

Pour s’acheter les loyautés des frondeurs d’hier, Mazarin allait devoir retirer des titres et des charges à

> ceux qui en avaient déjà beaucoup. Les exigences toujours croissante­s de Condé finissent donc par ne plus être acceptées, pis, ces privilèges et commandeme­nts sont même parfois redistribu­és. Ce qui provoque le délitement de son réseau de fidélités et donc de soutien à la Couronne. Devenu encombrant, menaçant, le prince de Condé est arrêté le 18 janvier 1650 avec son frère Conti et son beau-frère Longuevill­e. Ils sont conduits à Vincennes. Mme de Longuevill­e, aidée du maréchal de Turenne, essaie de soulever les provinces, mais le réseau de soutiens d’hier s’étant étiolé, elle ne parvient à rallier que des appuis circonstan­ciels. Suffisamme­nt cependant pour que le cardinal prenne la fuite en 1651 et fasse libérer les princes peu après.

CONDÉ REJOINT LA FRONDE

Marqué par son année de captivité, Condé est devenu très méfiant. Mathieu Deldicque, conservate­ur du patrimoine au musée Condé de Chantilly, détaille ainsi :

« Le Grand Condé prit les armes contre Mazarin et ses créatures depuis la place forte de Montrond. La Fronde condéenne était lancée ; elle provoqua une véritable rupture dans la destinée du prince. Ce dernier souleva la Guyenne, constitua une armée, signa des traités avec l’Espagne garantissa­nt le soutien militaire

« Le Grand Condé prit les armes contre Mazarin et ses créatures depuis la place forte de Montrond. La fronde condéenne était lancée ; elle provoqua une véritable rupture dans la destinée du prince. »

et financier de Philippe IV et marcha sur l’Îlede-France pour se heurter à Turenne, devenu entretemps commandant de l’armée royale. […] Les combats se cristallis­èrent le 2 juillet 1652 autour du faubourg Saint-Antoine, aux portes de Paris. » C’est la Grande Mademoisel­le, fille de Gaston d’Orléans, qui en faisant tirer les canons depuis la Bastille contre l’armée du roi, sauve Condé et lui ouvre les portes de la capitale. Mais en faisant entrer les Espagnols dans Paris, Condé se rend impopulair­e et doit fuir pour les Pays-Bas espagnols. Louis XIV fait une entrée triomphale dans Paris le 21 octobre 1652.

UN AVENIR INCERTAIN

Dès lors qu’il a fui à l’étranger, Condé est déchu de tous ses titres, de son rang de prince de sang, condamné à mort par contumace par le parlement de Paris. Philippe IV d’Espagne le nomme alors généraliss­ime des armées d’Espagne aux Pays-Bas. Il est défait à Arras, et surtout lors de la bataille des Dunes le 14 juin 1658. Dix jours plus tard, Dunkerque se rend à son tour, et Turenne s’empare petit à petit de toutes les places flamandes. Si Condé ne veut pas encore s’avouer vaincu, le roi d’Espagne décide de ne pas pousser plus loin son avantage et de négocier la paix. Au coeur des pourparler­s, l’avenir du Grand Condé est un véritable enjeu et sera détaillé dans plusieurs articles du traité des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659. ∫

 ?? ?? Le Prince de Condé à la prise d’une ville flamande, de Adam Van der Meulen (1632-1690). Entre 1643 et 1648, le Grand Condé, à la tête de l’armée française, remporte toutes les batailles.
Le Prince de Condé à la prise d’une ville flamande, de Adam Van der Meulen (1632-1690). Entre 1643 et 1648, le Grand Condé, à la tête de l’armée française, remporte toutes les batailles.
 ?? ?? Portrait d’Anne d’Autriche (16011666), épouse du roi Louis XIII, reine de France et de Navarre de 1615 à 1643 puis régente de son fils Louis XIV, de 1643 à 1651, de Pierre Paul Rubens, vers 1625.
Portrait d’Anne d’Autriche (16011666), épouse du roi Louis XIII, reine de France et de Navarre de 1615 à 1643 puis régente de son fils Louis XIV, de 1643 à 1651, de Pierre Paul Rubens, vers 1625.
 ?? ?? Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, reçoit la reddition de Dunkerque, en octobre 1646, de Jean Tassel (1608-1667). Dans cette scène allégoriqu­e de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les généraux victorieux, Turenne et Condé, représente­nt un trait d’union symbolique entre la Cour et la guerre.
Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, reçoit la reddition de Dunkerque, en octobre 1646, de Jean Tassel (1608-1667). Dans cette scène allégoriqu­e de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les généraux victorieux, Turenne et Condé, représente­nt un trait d’union symbolique entre la Cour et la guerre.
 ?? ?? Entrevue de Louis II de Bourbon, prince de Condé avec sa cousine Mademoisel­le de Montpensie­r (1627-1693), lors du combat du faubourg Saint-Antoine pendant la Fronde, par Sophie Rude (1836).
Entrevue de Louis II de Bourbon, prince de Condé avec sa cousine Mademoisel­le de Montpensie­r (1627-1693), lors du combat du faubourg Saint-Antoine pendant la Fronde, par Sophie Rude (1836).
 ?? ?? Les Actions de Louis II de Bourbon, prince de Condé : le blocus de Paris en 1649, pendant la Fronde, de Sauveur Le Conte (1659-1694).
Les Actions de Louis II de Bourbon, prince de Condé : le blocus de Paris en 1649, pendant la Fronde, de Sauveur Le Conte (1659-1694).
 ?? ?? Hercule peignant le portrait du Grand Condé, de Nicolas Eude, vers 1672.
Hercule peignant le portrait du Grand Condé, de Nicolas Eude, vers 1672.
 ?? ?? La Bataille des Dunes au siège de Dunkerque le 14 juin 1658, de CharlesPhi­lippe Larivière, 1837. La victoire revient aux armées française et anglaise, alors alliées, commandées par Turenne. Condé est passé du côté des Espagnols après l’épisode de la Fronde.
La Bataille des Dunes au siège de Dunkerque le 14 juin 1658, de CharlesPhi­lippe Larivière, 1837. La victoire revient aux armées française et anglaise, alors alliées, commandées par Turenne. Condé est passé du côté des Espagnols après l’épisode de la Fronde.

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