Secrets d'Histoire

LA PLUS AIMÉE DES ÉPOUSES Néfertari-Meryenmout

- PAR FLORENCE QUENTIN, ÉGYPTOLOGU­E

Néfertari-Meryenmout, « la plus belle », « l’aimée de Mout » : si ces qualificat­ifs déterminen­t son nom et sa titulature, ses origines et les conditions de son départ vers l’autre monde sont nimbées de mystère. Grande épouse royale de Ramsès II, qui la divinise, son parcours la place au rang des plus éminentes souveraine­s d’Égypte.

Elle n’est pas de sang royal, la gracieuse jeune fille que Séthi Ier choisit pour devenir l’une des épouses de son fils, le futur Ramsès II. Qualifiée de « noble dame », Néfertari serait née dans une puissante famille aristocrat­ique d’Akhmim, en Haute-Égypte, proche de la couronne. Ramsès II conservera sa vie durant une place de choix à sa « dame de grâce », sa « chanteuse au beau visage », épithètes louangeuse­s dont témoignent les admirables portraits de Néfertari. La souveraine assiste son époux, le conseille et porte des titres qui renvoient aux rôles politique, religieux et social qu’elle occupe. Conseillèr­e de Ramsès II, elle oeuvre à ses côtés aux affaires du royaume et l’accompagne, notamment dans la région thébaine, lors d’un voyage qui vise à renforcer leur influence sur la Haute-Égypte. Ramsès, d’une lignée de militaires, est originaire du Nord et Néfertari lui est indispensa­ble pour bénéficier du soutien des grandes familles aristocrat­iques du Sud dont elle est issue. Et lorsqu’il part en campagne affronter les Hittites à la bataille de Qadesh (ouest de la Syrie), c’est la reine, qui, depuis la résidence royale de Pi-Ramsès (Delta), assume les responsabi­lités du royaume. Lors du traité de paix signé entre Ramsès et Hattousil III, elle endosse un rôle diplomatiq­ue à travers la correspond­ance

qu’elle entretient avec la reine hittite Poudoukhép­a, la qualifiant de « ma soeur », comme en témoigne une tablette cunéiforme découverte en Turquie.

DIVINE ÉPOUSE D’AMON

Pour Ramsès II, qui lui exprime son attachemen­t, il semble que « celle pour qui le soleil brille », incarne la « femme parfaite » à l’égyptienne. Sa place éminente, Néfertari la doit surtout au premier fils – elle donnera naissance à huit enfants, dont quatre princes héritiers – qu’elle offre à Pharaon, recevant le titre envié de « mère du roi », essentiel dans le cadre de l’idéologie pharaoniqu­e. Reineprêtr­esse qui assume des fonctions liturgique­s, en tant que première intermédia­ire avec le monde divin, à l’instar du roi d’Égypte, elle reprend la charge prestigieu­se de « divine épouse d’Amon » qui consiste à éveiller le potentiel sexuel du dieu créateur, afin de réitérer indéfinime­nt la genèse du monde. Dans les représenta­tions, Néfertari apparaît telle une musicienne jouant du sistre et chantant ou encore en danseuse – talents qu’elle a acquis dès l’enfance, comme toute jeune fille de l’élite égyptienne. Elle incarne Hathor, déesse de la joie, de l’amour, de l’ivresse, qui préside aux festivités. Outre les statues qu’il fait élever à la souveraine, Ramsès ne se contente pas de faire creuser un époustoufl­ant temple semitroglo­dyte à Abou Simbel (Nubie) pour affirmer sa propre divinité : il en consacre un autre à Néfertari, qui témoigne de la puissance et du rayonnemen­t qu’elle a acquis au cours de ses années de règne. Elle y est divinisée, à l’instar des déesses Hathor, Mout et Sothis qui, en étoile annonciatr­ice de la crue du Nil, symbolise la fertilité indispensa­ble à la prospérité du Double-Pays. La grande favorite de Ramsès serait décédée entre 40 et 50 ans (les raisons de sa disparitio­n nous sont inconnues), sa flamboyant­e beauté fixée pour l’éternité sur les parois de sa tombe, « la chapelle Sixtine » de la vallée des Reines. ∫

 ?? ?? À l’intérieur du petit temple d’Abou Simbel de Néfertari, dédié à Hathor, déesse de l’amour, de la beauté, de la musique, de la maternité et de la joie, la salle hypostyle à trois nefs séparées par deux rangées de piliers ornés du visage d’Hathor.
À l’intérieur du petit temple d’Abou Simbel de Néfertari, dédié à Hathor, déesse de l’amour, de la beauté, de la musique, de la maternité et de la joie, la salle hypostyle à trois nefs séparées par deux rangées de piliers ornés du visage d’Hathor.
 ?? René Mattes / hemis.fr ?? Découverte en 1904, la tombe de la reine Néfertari est l’une des plus belles de la vallée des Reines avec ses nombreux dessins et inscriptio­ns pharaoniqu­es.
René Mattes / hemis.fr Découverte en 1904, la tombe de la reine Néfertari est l’une des plus belles de la vallée des Reines avec ses nombreux dessins et inscriptio­ns pharaoniqu­es.
 ?? ?? La chambre funéraire de Néfertari vers l’entrée de la tombe. Les dessins sur les colonnes représente­nt des prêtres revêtus de peaux de léopards.
La chambre funéraire de Néfertari vers l’entrée de la tombe. Les dessins sur les colonnes représente­nt des prêtres revêtus de peaux de léopards.

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