ROBERT SOLÉ « DES MÈCHES DE CHEVEUX DONNENT UNE APPARENCE DE VIE AU DÉFUNT… »
Robert Solé, journaliste et écrivain, est l’auteur de nombreux ouvrages tels que La Grande Aventure de l’égyptologie ou encore La Vie éternelle de Ramsès II.
Pourquoi la momie de Ramsès II est-elle dévêtue de ses bandelettes lors de la cérémonie, en présence du Khédive d’Égypte en 1886? Les réponses du spécialiste.
En quoi dénuder des momies à l’époque est un événement mondain ? Lors de l’Exposition universelle à Paris en 1867, le pavillon égyptien a été le théâtre d’une séance mondaine : des privilégiés, parmi lesquels Théophile Gautier, les frères Goncourt et Alexandre Dumas fils ont pu assister au démaillotage d’une momie. Quelques jours plus tard, c’est en l’honneur de Napoléon III et de sa famille qu’a été ouverte une autre momie, vieille de 27 siècles. Le prince impérial, très intéressé par l’opération, allait même emporter une partie des bandelettes… En revanche, la séance du 1er juin 1886 au musée du Caire, réclamée par divers égyptologues, avait une visée scientifique : on voulait s’assurer notamment que Ramsès II, dont le corps avait été découvert hors de sa tombe, dans un cercueil d’emprunt, était bien celui du pharaon le plus emblématique de l’histoire.
Comment s’organise l’enlèvement des bandelettes de la momie de Ramsès II devant le Khédive d’Égypte ?
Cette séance est organisée par le Français Gaston Maspero, directeur du service des Antiquités égyptiennes, en présence d’une vingtaine de personnalités, dont le Khédive Tewfik, son Premier ministre, le hautcommissaire ottoman et le haut-commissaire britannique. Un employé du musée retire Ramsès II de sa vitrine. Après avoir fait constater officiellement les inscriptions confirmant l’identité du pharaon, Maspero commence à enlever les bandelettes. Un premier linceul apparaît, puis un deuxième... Quand la tête du pharaon se montre, les assistants, très excités, quittent leur siège. La momie est un peu secouée, et le Khédive légèrement bousculé… Malgré son grand âge, Ramsès a conservé une partie de ses dents. La peau du crâne est quasiment intacte. Des mèches de cheveux donnent une apparence de vie au défunt dont les mains longues et fines portent des ongles soigneusement taillés. Les jours suivants, un médecin procédera à un examen complet du pharaon, puis on lui arrangera une dernière toilette pour le présenter décemment au public.
Ces soirées ritualisées sont-elles des exemples de la période de l’égyptomanie du xixe siècle ?
L’une des dernières séances de ce type aura lieu en 1903. La momie de Thoutmôsis IV sera débandelettée, puis transportée… en taxi au cabinet d’un médecin du Caire pour y être radiographiée. Désormais, c’est à l’abri des regards que les momies seront étudiées, par respect pour les défunts. L’égyptomanie prend d’autres formes. Trois siècles plus tôt, en France, il existait un trafic de pâte ou de poudre de momie, auxquelles des charlatans attribuaient toutes sortes de vertus médicales.