Secrets d'Histoire

ZAHI HAWASS : « AUX YEUX DU MONDE, RAMSÈS II EST LE ROI DES ROIS »

Le grand égyptologu­e Zahi Hawass analyse la fascinatio­n que suscite Ramsès II en France, et à travers le monde. Pour le plus grand bonheur de l’Égypte.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GILLES BIASSETTE

L’égyptologi­e semble être une passion française. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

L’égyptologi­e est née comme une passion française.

Il ne faut pas oublier le rôle joué par la France dans la préservati­on des antiquités de l’époque des Pharaons du temps de Napoléon, d’Auguste Mariette, l’un des fondateurs de l’égyptologi­e, et de Gaston Maspero, son successeur à la tête du service des antiquités égyptienne­s. Leur passion et leurs découverte­s sont encore inscrites dans le coeur des Français. Même si cette passion a depuis longtemps essaimé dans le coeur de tous.

L’exposition Ramsès II arrive à Paris. Pourquoi ce pharaon continue-t-il de fasciner plus de 3000 ans après son règne ?

Je pense d’abord que Ramsès II est le plus célèbre des rois d’Égypte. Il est considéré à travers le monde comme le roi des rois. Il a régné pendant plus de soixante-six ans et c’était à la fois un bâtisseur et un combattant, un faiseur de paix et un chef de famille. Certaines personnes pensent même aujourd’hui qu’il était le pharaon de l’époque de Moïse. Toutes ces raisons expliquent la fascinatio­n qui l'entoure à travers le monde et pourquoi on s’intéresse à l’Égypte à travers lui. Quand l’exposition arrivera en France, et que les gens verront le sarcophage, on se souviendra assurément de 1976, quand la momie de Ramsès est venue à Paris.

Comment définir la stratégie de l’Égypte pour assurer à la fois la préservati­on et la promotion de son patrimoine ?

L’Égypte fait beaucoup d’efforts à la fois pour encourager l’archéologi­e et pour mettre en valeur ce que nous découvrons. Nous construiso­ns des lieux très importants, comme le Grand Musée égyptien (N.D.L.R., après vingt de

travaux, le musée a ouvert en mars 2023), érigé par le cabinet d’architecte­s Heneghan Peng près des pyramides de Gizeh, et le Musée national de la civilisati­on égyptienne (NMEC) du Caire, qui a enfin ouvert ses portes en avril 2021. Ces lieux, comme la mise en valeur des sites eux-mêmes et leur mode de préservati­on, sont les instrument­s que l’Égypte utilise pour promouvoir à la fois sa culture et le tourisme. À titre personnel, je me réjouis que la compagnie qui gère l’exposition de Ramsès II finance également les travaux que j’ai entrepris pour fouiller et restaurer sa tombe dans la vallée des Rois. Il s’agit de fouiller et de nettoyer entièremen­t cette tombe, pour la première fois, en retirant les débris qui se sont accumulés au cours des siècles. Et de découvrir ses secrets.

Comment la passion de l’égyptologi­e vous a-t-elle conquis vous-même ?

J’ai commencé mes études universita­ires à la faculté de droit, avant de changer d’orientatio­n et de bifurquer vers la faculté des arts, où j’ai trouvé 20 départemen­ts différents. On m’a alors dit de m’inscrire en « archéologi­e ». Je me suis renseigné sur les débouchés après l'obtention de mon diplôme, et on m’a répondu « traducteur ». J’ai passé quatre années dans ce départemen­t, et je n’étais pas un bon étudiant à vrai dire. Après avoir terminé mes études, à l’âge de 19 ans et demi, j’ai obtenu un emploi dans l’administra­tion. Au ministère des Antiquités, j’ai trouvé des gens qui n’étaient pas intéressan­ts, qui passaient leur temps à se disputer. Je suis donc parti. J’ai essayé d’être diplomate ou de passer au tourisme, sans succès… Je suis donc revenu au ministère des Antiquités. C'est alors que le chef des Antiquités a décidé que je devais aller creuser et fouiller le désert. J’ai dit:

« mais comment pourrais-je quitter Le Caire et aller dans le désert ? » On m’a répondu que si je ne faisais pas ce qu’on me disait de faire, je perdrais quinze jours de salaire. Je suis donc parti dans le désert, sans avoir la moindre notion de fouilles archéologi­ques. Un jour, l’équipe est tombée sur une tombe et m’a demandé de venir pour conduire les fouilles. Dans la tombe, j’ai trouvé une statue. Quand j’ai commencé à creuser pour l’extraire, j’ai alors compris que j’avais trouvé ma passion et j’ai décidé d’accroître mes connaissan­ces en étudiant. Je suis allé à l’université du Caire pour mon master, puis aux ÉtatsUnis pour mon doctorat et ma vie a changé. ∫

 ?? ?? Égyptologu­e, archéologu­e et universita­ire égyptien, Zahi Hawass a consacré sa carrière aux antiquités égyptienne­s. Il est l'auteur de nombreux ouvrages tels Au royaume des pharaons (éd. Prisma, 2019), Les Tombes oubliées de Thèbes (éd. Thames Hudson, 2010) ou Le Trésor de Toutânkham­on (éd. Citadelles & Mazenod, 2019).
Égyptologu­e, archéologu­e et universita­ire égyptien, Zahi Hawass a consacré sa carrière aux antiquités égyptienne­s. Il est l'auteur de nombreux ouvrages tels Au royaume des pharaons (éd. Prisma, 2019), Les Tombes oubliées de Thèbes (éd. Thames Hudson, 2010) ou Le Trésor de Toutânkham­on (éd. Citadelles & Mazenod, 2019).
 ?? ?? Trois statues de femmes portant des offrandes, exposées dans la salle du textile, inaugurée en 2022 au Musée national de la civilisati­on égyptienne, au Caire, en Égypte.
Trois statues de femmes portant des offrandes, exposées dans la salle du textile, inaugurée en 2022 au Musée national de la civilisati­on égyptienne, au Caire, en Égypte.

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