Secrets d'Histoire

1920-1954 : LE TEMPS DE TOUTES LES CONSÉCRATI­ONS

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Quand s’achève la guerre, Colette approche de la cinquantai­ne. La Belle Époque n’est plus, les reines du Tout-Paris, Polaire et Missy, ont disparu, Jouvenel va la quitter. Loin de sombrer dans la nostalgie, Colette va s’adapter et se réinventer. Quitte à choquer, elle en a l’habitude, c’est le prix de sa liberté.

Léa de Lonval, courtisane à l’aube de ses 50 ans, est la maîtresse de Fred, qui a la moitié de son âge. Le jeune homme va se marier. Léa sent que son amant s’éloigne, et qu’elle vit sa dernière passion. Publié en juillet 1920, Chéri est une bombe littéraire. Malgré le sujet que ses adversaire­s trouvent immoral et fustigent en se bouchant le nez (la différence d’âge dans ce sens choque et, plus encore, la sexualité d’une femme vieillissa­nte), les critiques sont dithyrambi­ques et consacrent Colette. La voilà devenue classique, reconnue, membre du sérail. Même André Gide trouve ce Chéri admirable.

APRÈS LE PÈRE, LE FILS

Deux mois plus tard, Colette est nommée chevalier de la Légion d’honneur.

Le souvenir de la danseuse de musichall commence à s’estomper. Si Colette l’écrivaine est comblée, Colette la femme l’est moins. Henry de Jouvenel la trompe avec Germaine Patat, propriétai­re d’une maison de couture. À quoi bon lutter ? Colette s’en fait une amie. Sans doute pressent-elle aussi qu’elle dérange les ambitions politiques de son mari, bientôt sénateur, elle qui est trop voyante, roule trop les « r », fait trop de bruit dans les réceptions. Et puis la danseuse de musichall revient sur la pointe des pieds, son fantôme n’est jamais bien loin... Colette s’étourdit dans les nuits parisienne­s avec ses amis, dont Francis Carco, où elle se fait d’autant plus remarquer qu’il faudrait qu’elle se taise. Et elle va se ressourcer à Roz Ven, l’ancienne maison de Missy, comme chaque été. Elle y mène une vie de gitane, se fout de tout, ronronne dans la nature, se baigne nue et séduit Bertrand de Jouvenel, le fils de Henry, âgé de 17 ans, tandis qu’elle en a bientôt 50. Leur liaison dure cinq ans, malgré le regard

de la société, l’opposition de la famille, la différence d’âge et les kilos en trop. Pour 1,60 mètre, Colette pèse alors 80 kg et n’a plus rien de la danseuse à taille de guêpe qui faisait se pâmer le public du MoulinRoug­e. Bertrand dira plus tard avoir été emporté par la puissance qui émane de ce petit bout de femme et de son regard incandesce­nt. Colette ne lui apprend pas seulement l’amour, mais aussi la vie, la nature, le goût du pain, le plaisir d’observer, de se laisser porter par ses cinq sens. Bertrand la regarde vivre et il est fasciné.

À SAINT-SAUVEUR AVEC BERTRAND

Un jour, il lui demande de l’emmener à Saint-Sauveur. Elle part en pèlerinage sur les traces de son enfance, comme elle l’a fait avec Willy, et comme elle le refera avec son troisième mari. Elle en revient avec un personnage à qui elle n’avait pas laissé de place jusqu’alors dans son oeuvre, Sido. La Maison de Claudine (1922) est l’occasion de commencer à lui rendre hommage, au fil de moments choisis, puisés dans l’enfance: Ma mère et les livres, Ma mère et les bêtes, Ma mère et la morale... Viendra plus tard Sido (1929), ultime hommage à une figure maternelle omnipotent­e, sorte de divinité qui lui a appris à observer un jardin et ses habitants, donc à observer le monde. En attendant, Colette écrit Le Blé en herbe (1923) dont le côté autobiogra­phique n’échappe pas à Henry. Colette y perd sa place au

 ?? ?? Portrait de Colette réalisé en 1939 par la photograph­e Gisèle Freund (1908-2000). L’écrivaine est restée à Paris pendant presque toute la durée de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a écrit dans quelques journaux de la Collaborat­ion pendant l’Occupation.
Portrait de Colette réalisé en 1939 par la photograph­e Gisèle Freund (1908-2000). L’écrivaine est restée à Paris pendant presque toute la durée de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a écrit dans quelques journaux de la Collaborat­ion pendant l’Occupation.
 ?? ?? Matin, après quinze ans de collaborat­ion. Qu’importe, c’est le premier roman qu’elle ose signer « Colette », après la série des « Willy », puis « Colette-Willy ». Elle a enfin
Matin, après quinze ans de collaborat­ion. Qu’importe, c’est le premier roman qu’elle ose signer « Colette », après la série des « Willy », puis « Colette-Willy ». Elle a enfin
 ?? ?? Colette maquille Bel-Gazou à l’institut de beauté qu’elle a créé rue de Miromesnil, à Paris, en 1932.
Ci-dessous : l’écrivaine créait ses propres cosmétique­s et parfums.
Colette maquille Bel-Gazou à l’institut de beauté qu’elle a créé rue de Miromesnil, à Paris, en 1932. Ci-dessous : l’écrivaine créait ses propres cosmétique­s et parfums.

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