LA REIMS DES DUCS DE BRETAGNE
Si Nantes lui dispute la faveur des ducs de Bretagne, Rennes est la cité de leur couronnement. Un rôle politique et symbolique synonyme de fêtes aussi fastueuses que populaires, mais qui va disparaître lorsque la Bretagne ne devient plus qu’une province. Quel sera alors l’avenir de Rennes?
Forteresse des Marches de Bretagne au Moyen Âge, l’ancienne Condate devient une cité importante, sinon la capitale des ducs de Bretagne qui s’y font introniser et couronner à la cathédrale par l’évêque de Rennes à partir du xiie siècle. Ce rituel est très codifié et restera presque inchangé, depuis le sacre de Conan Ier au milieu du xie siècle jusqu’à celui de François III en 1532.
Il puiserait ses origines dans le cérémonial du couronnement des rois de Bretagne.
RENNES EN FÊTE
La veille de la cérémonie, le roi et sa suite faisaient leur entrée dans la ville de Rennes en passant par la porte Mordelaise. Au milieu de la foule, le duc s’arrête devant une barrière et prête serment de respecter les droits et privilèges de la noblesse et du clergé, de veiller au bonheur de son peuple et à l’indépendance de son pays. La barrière se lève alors pour lui céder passage et le duc se dirige vers la cathédrale avant de se recueillir en prière. Le lendemain, le duc renouvelle ses engagements sur le parvis de la cathédrale. Il entre dans l’édifice où l’évêque de Rennes va présider la cérémonie. Le duc porte une tenue de couronnement héritée des rois de Bretagne et fourrée d’hermine. On lui remet les emblèmes et regalia: la bannière du duché, le sceptre, l’épée, puis il assiste à la messe, avant de ressortir de la cathédrale. Le nouveau duc, ayant ceint la couronne et revêtu le manteau d’hermine, parcourt la cité à cheval, accompagné de sa suite et de ses serviteurs, avant de s’installer pour tenir banquet.
LE REFUGE D’ANNE DE BRETAGNE
Au xve siècle, la cité s’est fort développée et a connu une grande pression démographique, notamment liée à une importante immigration normande due à l’occupation anglaise. Deux nouvelles enceintes avaient été bâties autour de la Ville Neuve et de la Nouvelle Ville. Des portes fortifiées ponctuaient ces enceintes, comme la porte Toussaints, au sud de la ville. Dotée de deux tours, elle pouvait servir de logis pour des invités, et c’est ici qu’avait résidé par exemple le duc François II, père d’Anne de Bretagne. Henri IV, raconte Gilles Brohan dans Guide secret de Rennes et de ses environs (éd. Ouest-France), y aurait également reçu les clés de la ville et aurait déclaré: « Voilà de belles clés, mais j’aime encore mieux les clés des coeurs des habitants. » C’est aussi vers 1469 qu’est achevée la tour de l’Horloge, qui inspira Rabelais dans Pantagruel.
Anne de Bretagne, héritière du duché, se réfugie à Rennes et s’y fait couronner duchesse de Bretagne le 10 février 1489 dans la cathédrale Saint-Pierre. C’est aussi à Rennes, dans la chapelle primitive de la basilique Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle que fut probablement signé en novembre 1491 le traité de paix entre Anne et le roi de France Charles VIII qui scellait leurs fiançailles
(et non au couvent des Jacobins comme on l’a longtemps cru). En décembre 1490, Anne avait épousé par procuration Maximilien d’Autriche, roi des Romains et futur empereur germanique lors d’une cérémonie à la cathédrale.
RENNES, CAPITALE DE LA BRETAGNE
Le dernier duc de Bretagne à être couronné à Rennes sera finalement le petit-fils d’Anne de Bretagne, François III, fils du roi de France François Ier et de la reine Claude. Puisqu’il est également dauphin du royaume de France, des fleurs de lys parsèment la décoration et les habits, se mêlant aux hermines bretonnes. Mais ce 14 août 1532, le cérémonial est scrupuleusement respecté: le jeune François, qui a 14 ans environ, est à la fois l’héritier du trône de France et le duc de Bretagne. Voilà qui concrétise le rattachement de la Bretagne au domaine royal. L’ancien duché devient une province. Le transfert du Parlement de Bretagne de Nantes à Rennes, en 1561, lui donne un nouveau pouvoir politique, administratif et judiciaire. Sa population ne cesse de s’accroître, le Parlement se dote d’un palais (1655), et ses représentants se font bâtir de somptueux hôtels particuliers. Rennes semble alors éclipser Nantes. ∫